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CONSIDERATIONS

SUR LES

CORPS ORGANISÉS.

CHAPITRE PREMIER.

Des Germes, principes des Corps organifés, I. Fondement de l'exiflence des Germes.

LA Philofophie ayant compris l'impoffibilité

où elle étoit d'expliquer méchaniquement la formation des Étres organifés, a imaginé heureufement qu'ils exiftoient déja en petit, fous la forme de Germes, ou de Corpufcules organiques. Et cette idée a produit deux hypothefes qui plaifent beaucoup à la raifon.

II. Deux hypothefes fur les Germes.

LA premiere fuppofe, que les Germes de

tous les Corps organifés d'une même efpece," étoient renfermés les uns' dans les autres, & fe font développés fucceffivement.

LA feconde hypothefe répand ces Germes par-tout, & fuppofe qu'ils ne parviennent à fe développer, que lorfqu'ils rencontrent des Matrices convenables, ou des Corps de même elpece, difpofés à les retenir, à les fomenter & à les faire croître.

III. L'emboitement.

LA premiere hypothefe eft un des grands efforts de l'efprit fur les fens. Les différens ordres d'infiniment petits abimés les uns dans les autres, que cette hypothefe admet, accablent l'imagination fans effrayer la raison. Accoutumée à diftinguer ce qui eft du reffort de l'entendement, de ce qui n'eft que du reffort des fens, la raifon envifage avec plaifir la graine d'une Plante ou l'œuf d'un Animal, comme un petit monde peuplé d'une multitude d'Etres organifés, appellés à fe fuccéder dans toute la durée des fiecles.

LES preuves qui établiffent la divifion de la matiere à l'indéfini, fervent donc de bafe à la théorie des enveloppemens.

LE foleil, un million de fois plus grand que la Terre, a pour extrême un globule de lumiere, dont plufieurs milliards entrent à la fois dans l'œil de l'Animal vingt-fcpt millions de fois plus petit qu'un Ciron.

MAIS la raifon perce encore au-delà. De ce globule de lumiere elle voit fortir un autre Univers, qui a fon foleil, fes planetes, fcs végétaux, fes animaux, & parmi ces derniers un animalcule, qui eft à ce nouveau monde, ce que celui dont je viens de parler, cft au monde que nous habitons.

IV. La Diffémination.

La feconde hypothefe, en femant les Germes de tous côtés, fait de l'air, de l'eau, de la terre, & de tous les Corps folides, de vaftes & nombreux magafins, où la Nature a dépofé fes principales richeffes.

La fe trouve en raccourci, toute la fuite des générations futures. La prodigieufe petiteffe des germes, les met hors de latteinte des caufes qui opérent la diffolution des mixtes. Ils entrent dans l'intérieur des Plantes & des Animaux ils en deviennent même parties

compofantes, & lorfque ces compofés viennent à fubir la loi des diffolutions, ils en fortent, fans altération, pour flotter dans l'air ou dans l'eau, ou pour entrer dans d'autres Corps organifés.

Il n'y a que les germes qui contiennent des Touts organiques, de même efpece que celui dans lequel ils fe font introduits, qui s'y développent. Portés dans l'écorce d'un Arbre, ils s'y arrètent, ils y groffiffent peu à peu, & donnent ainfi naiffance aux boutons, aux racines, aux branches, aux feuilles, aux Beurs, & aux fruits. Portés dans les ovaires de la femelle ou dans les véhicules féminales du mâle, ils y font le principe de la génération du Foetus.

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rès-obfcur. Lorfque nous aurons une fois bien Conçu, comment une fimple fibre groffit & setend, nous comprendrons comment une graine devient un Arbre, ou comment un œuf produit un Animal.

On peut faire bien des expériences pour découvrir les loix que les Corps organifés obfervent dans leur accroiffement. On peut dreffer des échelles exactes de leur extenfion refpective. On peut obferver jufqu'à un certain point, la structure intérieure de ces Corps, & le jeu des organes qui féparent & diftribuent les fucs nourriciers. On peut encore ramener au calcul l'action des vaiffeaux, & la viteife des liqueurs qui y circulent. Toutes ces connoiffances, quoique précieufes, ne fuffifent point pour diffiper les tenebres qui couvrent la méchanique de l'accroiffement. Effayons d'y fuppléer, en pofant des principes qui nous conduisent à une hypothefe raifonnable.

VI. Principes fur l'accroiffement.

LA Nature ne va point par fauts. Tout a a raifon fuffifante, ou fa caufe prochaine & immédiate. L'état actuel d'un Corps eft la fuite ou le produit de fon état antécédent; ou

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