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une fameufe forciere qui a la repu tation de favoir faire des chofes impoffibles. Par fon art, dit-on, de vieilles Doüairieres trouvent de jeuneş Cavaliers qui les aiment but à but; les maris deviennent fideles à leurs femmes, & les Coquettes veritablement amoureuses des gens riches qui s'attachent à elles. Mais il n'y a rien de plus faux que tout cela. Elle ne poffede point d'autre fecret que celuy de pouvoir perfuader qu'elle en a, & de vivre commodément de cette opinion.

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Confiderez dans la chambre prochaine ces deux prifonniers qui s'entretiennent au lieu de fe repofer. Ils ne fauroient dormir. Leurs affaires les inquiétent & franchement elles font affez délicates. Le premier eft un Joüallier accusé d'avoir recelé des pierreries dérobées. L'autre eft un Polygame: il y a fix mois qu'il se maria par intereft avec une vieille Veuve du Royaume de Valence. Il a épousé par inclination peu de temps

aprés

aprés, une jeune perfonne de Madrid & lui a donné tout le bien qu'il a reçu de la Valencienne.Ses deux mariages fe font déclarez. Ses deux femmes le poursuivent en juftice. Celle qu'il a épousée par inclination demande fa mort par intereft; & celle qu'il a époufée par intereft, le pourfuit par inclination.

Suivez-moy dans cette falle baffe où vous voyez trente ou quarante prifonniers couchez fur la paille. Ce font des filoux, des gens de toutes fortes de mauvais commerces. Je vais vous expliquer pourquoy chacun..... Eh non, de grace, non, interrompit Dom Cleofas; laiffons-là tous ces coquins. Je ne fuis pas curieux d'entendre des avantures de canailles. Eloignons-nous même, je vous prie, de ce lieu defagreable. Allons ailleurs arrêter nos regards fur des objets plus propres à nous rejoüir. Tres-volontiers, repliqua le Demon, auffi-bien j'ay beaucoup d'autres chofes à vous faire voir.

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CHAPITRE IX.

Qui contient plufieurs petites biftoires.

Ls laifferent là les prifonniers & s'envolerent vers la Cafa * de los locos. Mais avant que d'arriver en cet endroit, Afmodée s'arrêta fur une grande maifon, & dit à D. Cleofas: Voulez-vous que je vous dife ce qu'ont fait aujourd'huy toutes ces perfonnes que vous voyez ? Vous me ferez plaifir, répondit l'Ecolier. Commencez, je vous en conjure,par ces deux Dames qui font des éclats de rite; elles me paroiffent bien gaillardes. Ce font, répondit le Diable, deux filles qui ont fait enterrer leur pere ce matin. C'étoit un homme bourru, & qui avoit tant d'averfion pour le mariage, qu'il n'a jamais voulu les marier, quelques partis avantageux qui fe foient préfentez

* Lieu où l'on enferme les foux.

pour

pour elles. Le caractere du deffunt étoit tout à l'heure le fujet de leur entretien. Il est mort enfin, difoit l'aînée, il eft mort ce pere dénaturé qui fe faifoit un plaifir barbare de nous voir filles! Il ne s'oppofera plus à nos vœux. Pour moy, ma fœur,dit la cadette, j'aime le folide. Je veux un homme riche & Dom Bourvalos fera mon fait. Doucement, ma fœur, a repliqué l'aînée, ne prenons point des maris fi brufquement. Nous épouferons ceux que le Ciel nous deftine; car nos mariages font écrits dans le Ciel. Tant pis, ma fœur, a reparti la cadette, j'ai bien peur que mon pere n'en déchire la feuille. L'aînée n'a pû s'empêcher de rire de cette faillie, & elles en rient encore de toute leur force.

Ah, ah, dit Dom Cleofas, j'apperçois dans la maifon vis-à-vis une jeune Dame qui fe regarde dans un miroir. C'eft, répondit le Demon, une fille qui loge en chambre garnie. Elle felicite fes charmes fur une

conquefte importante qu'ils ont faite aujourd'hui. Elle étudie de nouveaux regards,& elle a déja découvert deux mines qui feront un grand effet demain fur fon nouvel Amant. Elle ne peut trop s'appliquer à le ménager; car c'est un fujet qui promet beaucoup. Auffi a-t'elle dit tantôt à un de fes creanciers qui luy eft venu demander de l'argent: Revenez, mon ami, revenez dans quelques jours; je fuis en terme d'accommodement avec un Tréforier.

Paffons, continua le Diable, à ce Capitaine qui fe botte. Il est prest à fortir de Madrid; fes chevaux l'attendent à fa porte. Il va partir pour le Portugal où il eft obligé d'aller joindre fon Regiment.Comme il n'avoit point d'argent pour faire fa campagne, il s'adreffa hier à un Ufurier. Ne pourriez-vous pas, lui dit-il, me prefter mille patagons? Seigneur Capitaine, répondit l'Ufurier d'un air doux & benin, je ne les ay point; mais je me fais fort de trouver un

homme

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