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envoyé ici pour m'aider à détourner le malheur que je crains. Deux Cavaliers fe font donné rendez-vous dans ce bois; je viens de les y voir entrer tout-à-l'heure. Je ne puis vous en dire davantage; mais fuivez-moi, s'il vous plaît, vous allez favoir dequoi il s'agit. En achevant ces mots, elle s'avança dans le bois; & le Toledan aprés avoir laiffé fon cheval à fon Valet, se hâta de la oindre.

A peine eurent-ils fait cent pas qu'ils entendirent un bruit d'épées, & bien-tôt ils découvrirent entre les arbres deux hommes qui fe battoient avec fureur. Le Toledan courut à eux pour les féparer, & en étant venu à bout par fes prieres & par fes efforts, il leur demanda le fujet de leur different. Brave inconnu, luy dit un des deux Cavaliers, je m'appelle Don Fadrique de Mendoce & mon ennemi se nomme Dom Alvaro Ponce. Nous aimons Dona Theodora, cette Dame que

vous accompag14

nez.

nez. Elle a toujours fait peu d'at tention à nos foins, & quelques galanteries que nous ayons pû imaginer pour lui plaire, la cruelle ne nous en a pas mieux traitez. Pour moy, j'avois deffein de continuer à la fervir malgré fon indifference, mais mon Rival au lieu de prendre le même parti, s'eft avifé de me faire un appel.

Ileft vray, interrompit D. Alvar, je croy que fi je n'avois point de Rival, Dona Theodora pourroit m'écouter. C'eft pourquoi je veux tâcher d'ôter la vie à Don Fadrique, pour me défaire d'un homme qui s'oppose à mon bonheur. Seigneurs Cavaliers, dit alors le Toledan, je n'approuve point vôtre combat. Il offenfe Dona Theodora. On faura bientôt dans le Royaume de Valence que vous vous ferez batus pour elle. L'honneur de vôtre Dame vous doit être plus cher que vôtre repos & que Vos vies. D'ailleurs quel fruit le vainqueur peut-il attendre de fa victoire?

Aprés

Aprés avoir expofé la réputation de fa Maîtreffe, penfe-t'il qu'elle le verra d'un œil plus favorable? Quel aveuglement! Croyez-moi, faites plutôt fur vous l'un & l'autre un effort plus digne des noms que vous portez. Rendez-vous maîtres de vos transports furieux, & par un ferment inviolable engagez-vous tous deux à foufcrire à l'accommodement que j'ai à vous propofer. Vôtre querelle peut fe terminer fans qu'il en coûte du fang. Eh de quelle maniere, s'écria Dom Alvar?. Il faut que cette Dame fe déclare, repliqua le Toledan; Qu'elle faffe choix de Dom Fadrique ou de vous, & que l'Amant facrifié loin de s'armer contre fon rival, lui laiffe le champ libre. J'y confens, dit Dom Alvar. J'en jure par tout ce qu'il y a de plus facié. Que Dona Theodora fe détermine; qu'el le me préfere, fielle veut mon rival, cette préference me fera moins infu portable que l'affreufe incertitude où je fuis. Et moy, dit à fon tour Dom I. 5.

Fadri

Fadrique, j'en attefte le Ciel! Si ce divin objet que j'adore ne prononce point en ma faveur, je vais m'éloig ner de ses charmes, & fi je ne puisles oublier, du moins je ne les verray plus.

Alors le Toledan fe tournant vers Dona Theodora: Madame, lui ditil, c'eft à vous de parler. Vous pouvez d'un feul mot defarmer ces deux rivaux. Vous n'avez qu'à nommer celui dont vous voulez recompenfer la conftance. Seigneur Cavalier,répondit la Dame, cherchez un autre temperamment pour les accorder. Pourquoi me rendre la victime de leur accommodement ? J'eftime, à la verité, D. Fadrique & Dom Alvar; mais je ne les aime point; & il n'eft: pas jufte que pour prévenir l'atteinte que leur combat pourroit porter à ma gloire, je donne des efperances que mon cœur ne fauroit avoüer. La feinte n'eft plus de faifon, Madame, reprit le Toledan; il faut s'il vous plaît, vous déclarer. Quoi

que:

que ces deux Cavaliers foient également bien faits, je fuis affuré que vous avez plus d'inclination pour l'un que pour l'autre. Je m'en fic à la frayeur mortelle dont je vous ay vû agitée. Vous expliquez mal cette frayeur, repartit Dona Theodora : la perte de l'un ou de l'autre de ces Cavaliers me toucheroit fans doute, & je me la reprocherois fans ceffe, quoique je n'en fuffe que la cause innocente; mais fi je vous ay paru allarmée, fachez que le péril qui menace ma réputation a fait toute ma crainte.

Dom Alvaro Ponce qu'étoit naturellement brutal, perdit enfin patience: C'en eft trop, dit-il d'un ton brufque: puifque Madame refufe de terminer la chofe à l'amiable, le fort: des armes en va donc décider. En. parlant de cette forte, il fe mit en devoir de pouffer Dom Fadrique,qui de fon côté fe difpofa à le bien recevoir. Alors la Dame plus effrayée par cette action, que détermiI. 6.

née

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