Imágenes de páginas
PDF
EPUB

dresse ne convient point à une fille qui a de la vertu. Ne me vantez plus les delices de ce commerce coupable. Si vous m'eftimiez, vous ne me l'auriez pas propofé; & fi vos intentions font telles que vous voulez me le perfuader, vous devez au fond de vôtre ame me reprocher de ne m'en être pas offenfée. Mais hélas ajoûta-t'elle, en laiffant échapper quelques pleurs, c'est à ma feule foibleffe que je dois imputer cet ou trage; je m'en fuis rendu digne en faifant ce que je fais pour vous.

Adorable Leonor, s'écria le Com te, c'est vous qui me faites une mortelle injure! vôtre vertu trop fcru puleufe prend de fauffes alfarmes.. Quoy, parce que j'aye été affez heureux pour vous rendre favorable à mon amour, vous craignez que je: ne ceffe de vous estimer? Quelle in-justice! Non, Madame, je connois tout le prix de vos bontez. Elles ne peuvent vous ôter mon eftime, & je fuis preft à faire ce que vous exigez

de

de moy. Je parleray dés demain au Seigneur Dom Luis. Je feray tout mon poffible pour qu'il confente à mon bonheur ; mais je ne vous le cele point, j'y vois peu d'apparence. Que dites-vous, reprit Leonor? mon pere pourra-t'il ne point agréer la recherche d'un homme qui tient le rang que vous tenez à la Cour? Eh c'elt ce même rang, repartit Belflor, qui me fait craindre ses refus. Ce difcours vous furprend; vous allez toutefois ceffer de vous étonner. Il y a quelques jours que le Roy me déclara qu'il vouloit me marier. Il ne m'a point nommé la Dame qu'il me deftine ; il m'a feulement fait comprendre que c'eft un des premiers partis de la Cour & qu'il a ce mariage fort à cœur. Comme j'ignorois quels pouvoient être vos fentimens pour moy, car vous scavez bien que vôtre rigueur ne m'a pas permis jufqu'ici de les démêler, je ne lui ay laiffé voir aucune répugnance à fuivre les volontez. Aprés cela jugez,

Ma

Madame, fi D. Luis voudra fe mettre au hazard de s'attirer la colere du Roy en m'acceptant pour gendre.

Non, fans doute, dit Leonor, je connois mon pere. Quelque avanta

geufe que foit pour lui vôtre allian

ce, il aimera mieux y renoncer que de s'expofer à déplaire au Roy. Mais quand mon pere ne s'oppoferoit point à nôtre union, nous n'en ferions pas plus heureux; car enfin, Comte, comment pourrez vous me donner une main que le Roy veut engager ailleurs? Madame, répondit Belflor, je vous avoüeray de bonne foy que je fuis encore dans un affez grand embarras de ce côté-là. J'efpere neanmoins qu'en tenant une conduite fort délicate avec le Roy, je ménageray fi bien fon efprit & l'amitié qu'il a pour moy, que je trouveray moyen d'éviter le malheur qui me menace, Vous pourriez même, belle Leonor, m'aider en cela, fi vous me jugiez digne de m'attacher à vous. Eh.de quelle maniere, dit-elle, puis-je

con

[ocr errors]

contribuer à rompre le mariage que le Roy vous a propofé? Ah, Madame, repliqua t'il d'un air paffionné, fi vous vouliez recevoir ma foy, je faurois bien me conferver à vous fans que ce Prince m'en pût favoir mauvais gré. Permettez, adorable Leonor, ajouta-t'il en fe jettant à fes genoux, permettez que je vous époufe en prefence de la Dame Marcelle; c'est un témoin qui répondra de la fainteté de nôtre engagement. Par là je me déroberay fans peine aux trif tes noeuds dont on veut me lier; car lors qu'aprés cela le Roi me preffera d'accepter la Dame qu'il me deftine, je me jetteray aux pieds de ce Prince; je lui diray que je vous aimois depuis long-temps & que je vous ai fecrettement épousée. Quelque envie qu'il puiffe avoir de me marier avec un autre, ileft trop bon pour vouloir m'arracher à ce que j'adore, & trop jufte pour faire cet affront à vôtre famille. Que penfezvous, fage Marcelle, ajouta t'il en

fe

fe tournant vers la Gouvernante, que penfez-vous de ce projet que l'amour vient de m'infpirer? J'en fuis char mée, dit la Dame Marcelle; il faut avouer que l'Amour est bien inge nieux! Et vous, charmante Leonor, reprit le Comte, qu'en dites-vous? Vôtre efprit armé de défiance refu fera-t'il de l'approuver? Non, ré pondit Leonor, pourvû que vous y faffiez entrer mon pere. Je ne doute pas qu'il n'y foufcrive dés que vous l'en aurez inftruit.

Il faut bien le garder de lui faire cette confidence, interrompit en cet endroit la Duegne; vous ne connoiffez pas le Seigneur D. Luis; il eft trop délicat fur les matieres d'honneur pour se prêter à de mysterieuses amours. La propofition d'un maria

ge fecret l'offenfera. D'ailleurs fa prudence ne manquera pas de luy faire craindre les fuittes d'une union qui lui paroîtra choquer les deffeins du Roi. Par cette démarche indifcrete vous lui donnerez des foupçons;

fes

« AnteriorContinuar »