prés, on reconnoitra dans le corps de ce Livre quelques-unes de vos pensées; car je vous ay copie autant que me l'a pû permettre la neceffité de m'accommoder au goût de ma Nation. Cela ne m'empêche pas de rendre juftice à vôtre Cojuelo. Je le crois digne des applandiflemens qu'il a reçûs en Espagne, & du bruit qu'ilafait particulierement en Arragon où vous l'avez mis en lumiere fe conçois bien que vos façons, de parler figurées, vos images bizarres vos pensées extraordinaires ont pu trouver chez vous des Approbateurs; mais vous devez concevoir auffi que des hommes nez fous un autre climat, en peuvent juger autrement. Les François fur tout eux qui ont la jufteffe & le naturel en partage, ne les goûteroient pas. Je me fuis donc fouvent écarté du texte, ou pour mieux dire, j'ay fait un nouveau Livre fur le même fonds. C'est ainsi que j'ay traité le Seigneur "Alonso Fernandez de Avellaneda. fe n'ay pas traduit plus fidellement fon D. Quichotte, que vôtre Cojuelo. Cepen dant dant cet Avellaneda qui avoit déja fubi le fort des Ecrivains abandonnez des Lecteurs, eft préfentement en quelque réputation parmi nous au lieu que fi je l'avois fuivi litteralement on me fauroit mauvais gré de l'avoir tiré de Poubli. F'efpere que vous aurez la même destinée. Si je n'ay pú prêter à vôtre Cojuelo tous les agrémens dont il a befoin pour plaire à nos François, je croy da moins ne lui avoir rien laiffe qui doive les rebater. Aprés tout, vous nerifquez rien. Si le Livre n'a point de fuccez, vous étes en droit de dire que je l'ay telle ment défiguré, qu'il n'eft pas reconnoiffable. Et s'il réuffit, vous m'aurez obligation de vous avoir procuré l'eftime. gens dont peut-être fans moy vens de n'auriez jamais été connu. LE DES CHAPITRE S. II. Quelle fut la fuite de la délivrance d'Af- III. En quel endroit le Diable emporta D. Cleofas, quelles chofes il lui fit voir. 21 IV. Hiftoire du Comte de Belflor & de Leo- IX. Qui contient plusieurs petites biftoires. LE LE DIABLE BOITE U X. CHAPITRE PREMIER. Qu'il faut lire pour bien entendre U les autres. NE nuit du mois d'Octobre couvroit d'épaiffes ténebres la fameufe Ville de Madrid déja le peuple retiré chez luy laiffoit les ruës libres aux Amans qui vouloient chanter leurs peines ou leurs plaifirs fous les balcons de leurs Maîtref A : treffes déja le fon des Guitarres caufoit de l'inquiétude aux peres & allarmoit les maris jaloux enfin ilétoit prés de minuit, lorfque Dom Cleofas Leandro Perez Zambullo jeuneEcolier d'Alcala fortit brufquement par une lucarne d'une maison où le fils indifcret de la Déeffe de Cithere l'avoit fait entrer. Il tâ choit de conferver fa vie & fon honneur en s'efforçant d'échapper à trois ou quatre Spadaffins qui le fuivoient de prés pour le tuer, pour lui faire époufer par force une Dame avec laquelle ils venoient de le furprendre. Quoique feul contre quatre, il s'étoit défendù vaillamment, & il n'avoit pris la fuite que parce qu'ils luy avoient enlevé fon épée dans le combat. Ils le pourfuivirent quelque temps fur les gouttieres, mais il trompa leur pourfuite à la faveur de l'obfcurité, & fe gliffant de toit en toit* il ou mar Les toits des maifons font plats en Ef pagne. |