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En duffé-je périr, de n'obéir jamais.

Mais pourquoi m'allarmer d'un ferment fi fu

nefte?

Que peut craindre un grand cœur quand fa vertu lui refte?

Athenes me répond d'un trépas glorieux;

Et j'y cours m'affranchir d'un ferment odieux. Survivre aux maux cruels dont le Deftin m'ac

cable,

Ce feroit plus que lui m'en rendre un jour coupable:

Haï, perfécuté, chargé d'un crime affreux,
Dévoré fans efpoir d'un amour malheureux,
Malgré tant de mépris que je chéris encore,
La mort est déformais le feul Dieu que j'implore;
Trop heureux de pouvoir arracher en un jour
Ma gloire à mes fermens, mon cœur à fon

amour.

THESSANDRE.

Que dites-vous, Seigneur ? Quoi, pour une in

connue...

PLISTHENE.

Peux-tu me condamner, Theffandre? Tu l'as vûe.

Non, jamais plus de grace, & plus de majesté, N'ont diftingué les traits de la divinité.

Sa beauté, tout enfin, jusqu'à son malheur mê

me,

N'offre en elle qu'un front digne du diadême:
De fuperbes débris, cette noble fierté,
Tout en elle du fang marque la dignité.
Je te dirai bien plus : cette même inconnue
Voit mon ame à regret dans fes fers retenue.
Et qui peut dédaigner mon amour & mon rang
Ne peut être formé que d'un illuftre fang.

Quoi qu'il en foit, mon cœur, charmé de ce qu'il

aime,

N'examine plus rien dans fon amour extrême.
Quel cœur n'eût-elle pas attendri, justes Dieux!
Dans l'état où le fort vint l'offrir à mes yeux ?
Déplorable jouet des vents & de l'orage,
Qui même, en l'y pouffant, l'envioient au ri-
vage;

Roulant parmi les flots les morts, & les débris,
Des horreurs du trépas les traits déja flétris;
Mourante entre les bras de fon malheureux pere,
Tout prêt lui-même à fuivre une fille fi chere...
J'entends du bruit: on vient: peut-être c'est le
Roi;

Mais non, c'est l'Etrangere. Ah! qu'est-ce que je voi?

Theffandre un foin preffant femble occuper fon ame.

SCENE V.

THEODAMIE, PLISTHENE,

THESSANDRE, LEONIDE.

PLISTHENE

U portez-vous vos pas? Me cherchez-vous,
Madame?

Du trouble où je vous vois ne puis je être éclairci?

THEODAMIE.

C'est vous-même, Seigneur, que je cherchois

ici.

D'Athenes, dès long-temps,embraffant la conquête,

On dit qu'à s'éloigner votre flotte s'apprête; Que chaque instant d'Atrée excitant le cour

roux,

Pour fortir de Chalcis elle n'attend que vous :
Si ce n'est pas vous faire une injuste priere,
Je viens vous demander un vaisseau pour mon
pere.

Le fien, vous le fçavez, périt presque à vos

yeux;

Et nous n'avons d'appui que de vous en ces

lieux.

.

Vous fauvâtes des flots & le pere & la fille :
Achevez de fauver une trifte famille.

PLISTHENE.

Voyez ce que je puis, voyez ce que je dois.
D'Atrée, en ces climats, tout refpecte les loix;
Il n'eft que trop jaloux de fon pouvoir fuprême.
Je ne puis rien ici, fi ce n'est par lui-même :
Il reverra bientôt fes vaisseaux avec foin,
Et du départ lui-même il doit étre témoin.
Voyez-le. Il vous fouvient comme il vous a re-
çûe,

Le jour que ce Palais vous offrir à sa vûe;

Il plaignit vos malheurs, vous offrit fon appui.` Son cœur ne fera pas moins fenfible aujourd'hui.

Vous n'en éprouverez qu'une bonté facile.
Mais qui peut vous forcer à quitter cet azyle?
Quel déplaifir fecret vous chaffe de ces lieux ?
Mon amour vous rend-il ce féjour odieux ?
Ces bords font-ils pour vous une terre étran-
gere?

N'y reverra-t-on plus ni vous ni votre pere?
Quel eft fon nom, le vôtre, où portez-vous vos
Pas?

Ne connoîtrai-je enfin de vous que vos appas !

THEODAMIE.

Seigneur, trop de bonté pour nous vous inté

reffe.

Mon nom est peu connu, ma patrie eft la Grece; Et j'ignore en quels lieux, fortant de ces climats. Mon pere infortuné doit adresser ses pas.

PLISTHENE.

Je ne vous preffe point d'éclaircir ce mystere: Je foufcris au fecret que vous voulez m'en faire. Abandonnez ces lieux, ôtez-moi pour jamais Le dangereux espoir de revoir vos attraits. Fuyez un malheureux, puniffez-le, Madame, D'ofer brûler pour vous de la plus vive flamme. Et moi, prêt d'adorer jufqu'à votre rigueur, J'attendrai que la mort vous chaffe de mon

cœur.

C'est dans mon fort cruel mon unique espéran

ce.

Mon amour cependant n'a rien qui vous of fense:

Le Ciel m'en efst témoin; & jamais vos beaux

yeux

N'ont peut-être allumé de moins coupables

feux.

Ce cœur, à qui le vetre est toujours fi févere, N'offrit jamais aux Dieux d'hommage plus fin

cere.

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