Imágenes de páginas
PDF
EPUB

Tu fçais que Merion, à mon retour d'Afie,
De fon fang criminel paya fa perfidie:
Lorfque je refufois une victime aux Dieux,
J'ofai bien m'immoler ce Prince ambitieux.
Qu'il m'en coûte ! Sa fille, en ces lieux amenée,
Erixene a comblé les maux d'Idoménée.
Croirois-tu que mon cœur, nourri dans les ha
zards,

N'a pû de deux beaux yeux foutenir les regards,
Et que j'adore enfin, trop facile & trop tendre,
Les reftes de ce fang que je viens de répandre ?

SOPHRONYME.

Quoi, Seigneur, vous aimez ? & parmi tant de maux ?

IDOME' NE'E.

Cet amour dans mon cœur s'eft formé dès Sa

mos.

Merion, incertain du fuccès de fes armes,
Y crut mettre fa fille à l'abri des alarmes.
Je la vis, je l'aimai: conduite par Arcas,
Je la fis dans ces lieux amener fur mes pas.
Il fembloit qu'une fille à mes regards fi chere,
Devoit me dérober la tête de fon Pere;

Mais Venus, attentive à se venger de moi,

Fait bientôt dans mon cœur céder l'amant au

Roi.

J'immolai Merion; & ma naissante flamme

Tome Lo

B

En vain en fa faveur combattit dans mon ame
Venus, qui me gardoit de finiftres amours,
De ce Prince odieux me fit trancher les jours.
Que dis-je ? dans le fang du pere d'Erixene,
J'efpérois étouffer mon amour & ma haine.
Je me flattois: mon cœur, par un triste retour,
Défait de fon courroux, n'en eut que plus d'a-

mour:

Si depuis mes malheurs je ne l'ai pas vû naître, Malgré mes maux du moins je le fens bien s'ac-croître.

SOPHRONY ME.

Menacé chaque jour du fort le plus affreux, Nourriffez-vous, Seigneur, un amour dangereux ?

IDOME' NE' E.

Je ne le nourris point, puisque je le déteste. C'étoit des Dieux vengeurs le coup le plus funefte.

Que n'a point fait mon cœur pour affoiblir le trait !

Je vois mon fils: laiffons cet entretien fecret-
Je t'ai tout découvert, mon amour & mon crime.
Cache bien mon amour;encor mieux ma victime,

SCENE II I..

IDOME' NE'E, IDAMANTE,

SOPHRONYME, POLYCLETE.

Q

IDOME'NE' E.

UE cherchez-vous, mon fils, dans cette affreufe nuit ?

LD AMANTE..

Long-tems épouvanté par un horrible bruit, Tremblant pour des malheurs qui redoublent fans ceffe,

Sans repos, toujours plein du trouble qui vous preffe,

Alarmé pour des jours fi chers, fi précieux,
Je vous cherche. Pourquoi détournez-vous les

yeux?

Seigneur, qu'ai-je donc fait ? vous craignez ma préfence?

Quel traitement après une fi longue abfence?

I.DOM.E' NE' E..

Non, il n'eft pas pour moi de fpectacle plus doux Mon fils: je ne fçai rien de plus aimé que vous

Mais je ne puis vous voir, que mon cœur ne frẻmiffe.

Je crains le Ciel vengeur, & qu'il ne me ravisse Un bien ..

IDAMANT E. ·

Ah! puiffe-t-il aux dépens de mes jours, A des maux fi cruels donner un prompt fecours! La mort du moins, Seigneur, finiroit mes alar

mes,

Vous ne paroiffez plus fans m'arracher des larmes:
Triste, désesperé, vous cherchez à mourir ;
Et vous m'aimez, Seigneur ? est-ce là me chérir?
Le Ciel en vain de vous écarte fa colere ;

Vous vous faites des maux qu'il ne veut pas vous faire.

Il vous rend à mes pleurs, quand je vous crois perdu; M'ôterez-vous, Seigneur,le bien qu'il m'a rendu?

IDOME' NE'E.

Ah! mon fils, nos malheurs ont laffé ma constance,

Et de fléchir les Dieux je perds toute espérance. Trop heureux fi le Ciel, fecondant mes fou

haits,

Me rejoignoit bientôt à mes triftes fujets!

IDAMANTE.

Pour eux plus que le Ciel vous feriez inflexible; Si vous leur prépariez un malheur fi terrible. Tous les Dieux ne font point contre vous, ni contr'eux,

Puifqu'il nous refte encore un Roi fi généreux, Confervez-le, Seigneur,& terminez nos craintesPeut-être que le Ciel,plus fenfible à nos plaintes, Va s'expliquer bientôt, & fléchi déformais...

IDOME' NE'E.

Ah! mon fils, puiffe-t-il ne s'expliquer jamais! Adieu.

SCENE I V.

IDAMANTE, POLYCLETE

IDAMANTE.

DE cet accueil qu'attendre Polyclete?

Que ce filence affreux me trouble & m'inquiete ! Que m'annonce mon pere? il me voit à regret : Auroit-il pénétré mon funefte fecret?

Sçait-il par quel amour mon ame est entraînée?

Hélas! bien d'autres foins preffent Idoménée,

« AnteriorContinuar »