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IDOMÉNÉE,

TRAGEDIE.

ACTE PREMIER.

SCENE PREMIER E.

IDOME'NE' E.

U fuis-je ? quelle horreur m'épou vante & me fuit?

Quel tremblement, ô Ciel & quelle affreufe nuit!

Dieux puiffans, épargnez la Crete

infortunée.

Sophronyme, eft-ce toi?

SCENE I I.

IDOME'NE'E, SOPHRONYME.

SOPHRONYME.

Qu

UE vois-je ? Idoménée ?

Ah! Seigneur, de quel bruit ont retenti ces lieux!

IDOME' NE'E.

Eh quoi! tant de malheurs n'ont point laffé les
Dieux ?

Depuis fix mois entiers une fureur commune
Agite tour à tour Jupiter & Neptune.

La foudre eft l'aftre feul qui nous luit dans les

airs:

Neptune va bientôt nous couvrir de fes mers.
C'en eft fait, tout périt; la Crete défolée
Semble rentrer au fein de la terre ébranlée;
Chaque jour entouré des plus triftes objets,
La mort jufqu'en mes bras moiffonne mes fujets.
Jupiter! fur moi feul épuise ta vengeance.
N'afflige plus des lieux fi chers à ton enfance.
Mes peuples malheureux n'efperent plus qu'en
toi.

Si j'ai pû t'offenfer, ne tonne que fur moi.
Pour les feuls innocens allumes-tu la foudre ?
Sur fon Trône embrafé réduis le Prince en
poudre,

Epargne les fujets. Pourquoi les frapper tous?
Qui d'eux ou de leur Roi, mérite ton courroux ?

SOPHRONYME.

Quoi toujours de nos maux, vous croirezVous coupable?

N'armez point contre vous une main redoutable, Le Ciel, depuis long-tems déclaré contre-nous, Semble dans fa fureur ne ménager que vous. Dans les maux redoublés dont la rigueur nous preffe,

Votre feule pitié, Seigneur, vous intéresse.

IDOME' NE' E.

Les Dieux voudroient en vain ne ménager que moi.

Eh! frapper tout fon peuple, eft-ce épargner un Roi?

Hélas! pour me remplir de douleurs & de crain

tes,

Pour accabler mon cœur des plus rudes atteintes, Il fuffiroit des cris de tant d'infortunés,

Aux maux les plus cruels chaque jour condamnés.

Et c'eft moi cependant, c'eft-leur Roi facrilege,

Qui répand dans ces lieux l'horreur qui les

affiege.

Je ne gémirois point fur leur destin affreux,
Si le Ciel étoit jufte, autant que rigoureux.

Mais ce n'est pas le Ciel, c'est moi qui les foudroie :

Juge de quels remords je dois être la proie. Quels regrets! quand je vois mes peuples mal-heureux

Craindre

pour moi les maux que j'attire fur eux, Prier que pour eux feuls le Ciel inexorable Porte loin de leur Roi le coup qui les accable.

SOPHRONY ME.

Quoi! Seigneur

de maux ?

vous feriez l'auteur de tant:

Et de vous feul la Crete attendroit fon repos ?
Quoi ! des Dieux irrités ce peuple la victime

IDOME' NE'E.

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L'eft moins de leur courroux, qu'il ne l'eft de mon crime.

Cet aveu te furprend. A peine croirois-tu, Sophronyme, à quel point j'ai manqué de vertu ;. Mais telle eft déformais ma trifte deftinée........

SOPHRONYME.

Quel crime a donc commis le fage Idoménée ?
Fils de Deucalion, petit-fils de Minos.,

Vos vertus ont paffé celles de ces Héros;

Nous trouvions tout en vous, un Roi, les Dieux,

un Pere;

Seigneur, par quel malheur à vous-même con

traire,

Avez-vous pû trahir des noms fi glorieux ?
Qui fit donc fuccomber votre vertu ?

IDOME'N E' E..

Les Dieux+

SOPHRONYME.

Quel forfait peut fur vous attirer leur colere 2.

LDO ME' NE' E..

On n'eft pas innocent lorfqu'on peut leur déplaire.

Les Dieux fur mes pareils font gloire de leurs

coups.

D'illuftres malheureux honorent leur courroux,
Entre le Ciel & moi, fois juge, Sophronyme :
Il prépara du moins, s'il ne fit pas mon crime,
Par vingt Rois dès long-tems vainement raf-
femblés,

Les Troyens à la fin fe virent accablés ;
De leurs bords défolés tout preffoit la retraite;
Ainfi loin de nos Grecs je voguai vers la Crete.
Le Prince Merion, prompt à m'y devancer,
Sur mon trône, peut-être, auroit pû fe placer,

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