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pas: en effet, c'étoit des voleurs, qui faris faire aucun tort aux environs, alloient exercer leurs brigandages bien loin, & avoient là leur rendez-vous; & ce qu'il les vit faire le confirma dans cette opinion.

Chaque cavalier débrida fon cheval l'attacha, lui paffa au cou un fac plein d'orge, qu'il avoit apporté fur la croupe, & fe chargerent chacun de leur valife; & la plupart des valifes parurent fi pefantes à Ali Baba, qu'il jugea qu'elles étoient pleines d'or & d'argent monnoyé.

Le plus apparent, chargé de sa valise comme les autres, qu'Ali Baba prit pour le Capitaine des voleurs, s'approcha du rocher, fort près du gros arbre où il s'étoit réfugié; & après qu'il fe fut fait chemin autravers de quelques arbriffeaux, il prononça ces paroles fi diftinctement, Sefame ou yre-toi, qu'Ali Baba les entendit. Dès que leCapitaine des voleurs les eut prononcées, une porte s'ouvrit ; & après qu'il eut fait paffer tous fes gens devant lui, & qu'ils furent tous entrés, il entra auffi, & la por te fe ferma.

Les voleurs demeurerent long-tems dans de rocher; & Ali Baba qui craignit que quelqu'un d'eux, ou que tous ensemble ne fortiffent, s'il quittoit fon pofte pour se fauver, fut contraint de refter fur l'arbre, & d'attendre avec patience. Il fut tenté néanmoins de defcendre pour fe faifir de deux

chevaux, en monter un, & mener l'autre par la bride, & de gagner la ville en chaffant fes trois ânes devant lui; mais l'incertitude de l'évenement fit qu'il prit le parti le plus sûr.

La porte le r'ouvrit enfin, les quarante voleurs fortirent; & au lieu que le Capitaine étoit entré le dernier, il fortit le premier, & après les avoir vu défiler devant lui, Ali Baba entendit qu'il fit refermer la porte, en prononçant ces paroles, Sefame referme-toi. Chacun retourna à fon cheval, le rebrida,rattacha fa valife & remonta def fus. Quand ce Capitaine enfin vit qu'ils étoient tous prêts à partir, il fe mit à la tête, & il reprit avec eux le chemin par où ils étoient venus.

Ali Baba ne defcendit pas de l'arbre d'abord: il dit en lui-même, ils peuvent avoir oublié quelque chofe à les obliger de revenir, & je me trouverois attrapé fi cela arrivoit. Il les conduifit de l'oeil jufqu'à ce qu'il les eût perdu de vue, & il ne defcendit que long-tems après, pour plus grande sûreté, Comme il avoit retenu les paroles, par lef quelles le Capitaine des voleurs avoit fait Ouvrir & refermer la porte, il eut la curio fité d'éprouver fi en les prononçant elles feroient le même effet. Il paffa au-travers des arbriffeaux & il apperçut la porte qu'ils cachoient. Il fe préfenta devant, & il dit, Sefame ouvre-toi, & dans l'inftant da porte s'ouvrit toute grande,

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Ali Baba s'étoit attendu de voir un lieu de ténebres & d'obfcurité ; mais il fut furpris d'en voir un bien éclairé, vafte & spacieux, 'creusé en voûte fort élevée, à main d'hommes, qui recevoit la lumiere du haut du ro. cher , par une ouverture pratiquée de même. Il vit de grandes provifions de bouche, des balots de riches marchandises en pile, des étoffes de foie & de brocard, des tapis de grand prix; & fur-tout de l'or & de l'argent monnoyé par tas, & dans des facs ou grandes bourfes de cuir les unes fur les autres. Et à voir toutes ces chofes, il lui parut qu'il y avoit non pas de longues années, mais des fecles, que cette grotte fervoit de retraite à des voleurs qui avoient succédé les uns aux autres,

Ali Baba ne balança pas fur le parti qu'il devoit prendre; il entra dans la grotte, & dès qu'il y fut entré, la porte se referma; mais cela ne l'inquietta pas, il fçavoit le fecret de la faire ouvrir. Il ne s'attacha pas à l'argent, mais à l'or monnoyé, & particulierement à celui qui étoit dans des facs. Il en enleva à plufieurs fois autant qu'il pouvoit en porter, & qu'ils purent fuffire pour faire la charge de fes trois ânes. Il raffembla fes ânes qui étoient difperfés, & quand il les eut fait approcher du rocher, il les chargea des facs; & pour les cacher, il accommoda du bois par-deffus, de maniere qu'on ne pou yoit les appercevoir, Quand il eut achevé

il fe présenta devant la porte; & il n'eut pas prononcé ces paroles: Sefame referme-toi qu'elle fe ferma car elle s'étoit fermée d'elle-même chaque fois qu'il y étoit entré, & demeurée ouverte chaque fois qu'il en étoit forti.

Cela fait, Ali Baba reprit le chemin de la ville; & arrivant chez lui, il fit entrer fes ânes dans une petite cour, & referma. la porte avec grand foin. Il mit bas le peu de bois qui couvroit les facs, & il porta. les facs dans fa maifon, qu'il pofa & ar rangea devant fa femme, qui étoit affife: fur un fofa..

Sa femme mania les facs; & comme elle: fe fût apperçue qu'ils étoient pleins d'ar-gent, elle foupçonna fon mari de les avoir volés; de forte que quand il eut achevé de les apporter tous, elle ne pût s'empêcher de: lui dire: Ali Baba, feriez-vous affez malheureux pour.... Ali Baba l'interrompit: Paix ma femme, dit-il, ne vous allarme z. pas, je ne fuis pas voleur, à moins que ce ne foit l'être que de prendre fur les voleurs.. Vous cefferez d'avoir cette mauvaise opi-nion de moi, quand je vous aurai raconté. ma bonne fortune. 11 vuida les facs qui. firent un gros tas d'or, dont fa femme fut. éblouie ;, & quand il aut fait, il lui fit le ré cit de fon avanture, depuis le commence-ment jufqu'à la fin, & ea achevant, il lui Tome VI.

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F

༡ས

recommanda fur toute chofe, de garder le fecret.

La femme revenue & guérie de fon épou vante, fe réjouit avec fon mari, du bonheur qui leur étoit arrivé, & elle voulut compter piece par piece tout l'or qui étoit devant elle. Ma femme, lui dit Ali Baba, vous n'êtes pas fage, que prétendez-vous faire ? quand auriez-vous achevé de compter ? je vais creufer une foffe & l'enfouir dedans nous n'avons pas de tems à perdre. Il eft bon, reprit la femme, que nous fçachions au moins à-peu-près la quantité qu'il y en a. Je vais chercher une petite mesure dans le voisinage, & je le mefurerai pendant que vous creuferez la foffe. Ma femme, repartit Ali Baba, ce que vous voulez faire n'eft bon à rien; vous vous en abstiendriez fi Vous vouliez me croire. Faites néanmoins ce qu'il vous plaira; mais fouvenez-vous de garder le fecret.

pas

Pour fe fatisfaire, la femme d'Ali Baba fort, & elle va chez Caffim fon beau-frere, qui ne demeuroit pas loin. Caffim n'étoit chez lui, & à fon défaut, elle s'adreffe à fa femme, qu'elle prie de lui prêter une mefure pour quelques momens. La bellefoeur lui demande fille la vouloit grande ou petite; & la ferme d'Ali Baba lui en demanda une petite. Très-volontiers, dit la belle-four; atter adez un moment, je vais vous l'apporter,

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