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hommes d'efprit & d'un mérite diftingué n'ont pas crû qu'il fut indigne. de leur réputation de veiller par euxmêmes à l'Edition des Ouvrages qui, par la brieveté, le fel,& le piquant de la nouveauté, s'étoient fait lire avec plaifir,& avoient paffé dans les mains de tout le monde. Malgré cette publicité, ces morceaux ingénieux couroient rifque d'être anéantis, tant qu'ils feroient demeurés en manuf crits ou en feuilles volantes.

Ces Editeurs zélés ont enchéri fur

leur premier deffein, en déterrant dans les Cabinets des Sçavans quantité d'écrits intéreffans qui, par la fuite des années, auroient eu le même fort qu'ont éprouvé ceux qui excitent nos regrets..

On fçait par tradition que chez tous les Peuples polis, dans les fiécles où les Lettres étoient en honneur, les gens d'efprit, ainfi que ceux de notre tems, compofoient, fuivant les circonstances, d'agréables écrits, qui devoient faire l'amufement des

Citoyens du bon ton & des focietés choifies. Eh! quel fiécle fut jamais plus fertile en jolies productions que celui où nous vivons? C'eft donc agir prudemment que de raffembler fous un même point de vûë tout ce qui peut foutenir les regards des honnêtes gens. J'ai vû de nos jours applaudir aux recherches de ceux qui glanent fur le Parnaffe. C'eft une efpéce de reconnoiffance anticipée que l'on accorde à des Editeurs qui reffemblent affez à ces bons Peres qui travaillent de bonne heure à affurer quelque fortune à leurs enfans.

Celui qui fe charge de donner périodiquement plufieurs fuites de la compilation dont voici l'effai, fent qu'il a, comme fes confreres, beaucoup d'écüeils à éviter. Le pire de tous eft de ne pouvoir garder l'incognito. A peine eft-il indiqué, qu'il fe voit affailli par une foule de petits Littérateurs qui emploiient la rufe & les importunités pour féduire un Editeur dans des cas où il fe rendroit

méprifable & ridicule par une lâche complaifance. Ces Meffieurs veulent-ils qu'on affiche un Idiotisme évident, & que l'on partage leur prévention aveugle? Ne comprendront-ils jamais que le foible (c'est quelque chofe de pis que le médiocre) eft au deffous du rien, & n'en viendront-ils jamais à fe faire l'application de ce principe en matiere d'écrits?

Un fot, à la vérité, trouve souvent un plus fot qui l'admire: mais le comble de la fotife, c'eft l'adoption qu'un Particulier fait des plates productions émanées du cerveau des plus minces Auteurs. Il fe prive, par cette folle conduite, des reffources qu'il pourroit trouver auprès des Génies du tems, qui contribueroient peut-être volontiers à l'embéliffement de fon Répertoire, s'ils ne craignoient de se trouver en mauvaise compagnie. Pour moi, convaincu par l'expérience que donne un peu de goût naturel & acquis, que le fiécle où

nous vivons, ne peut ni ne doit fouffrir tout ce qu'il néglige, je tâcherai de ne rien préfenter à mes Lecteurs, qui puiffe les refroidir, encore moins les indifpofer. Je fçais bien qu'on ne tient pas grand compte à un Editeur des peines qu'il prend à faire un choix digne à peu près de tous les fuffrages. On jouit de fon travail fans s'embarraffer un instant de fa perfonne: quelquefois on lui rend justice, fouvent on ne la lui rend pas: il feroit propre à quelque chose de mieux, on le néglige, il ne perce point, & il vit dans l'obfcurité, faute d'avoir quelqu'un qui l'éleve, le faffe valoir, & le préconife. Les différens caractères de ceux qui lifent fon Livre, s'opposent à l'unanimité des éloges qu'ils voudroient mériter. Chaque Particulier, unique en fon goût, femble être fâché que, fans le connoître, on n'ait pas déferé à ses vûës personnelles. Un petit Auteur a auffi des raifons fecrettes de se plaindre. On a refuse

d'emploiier fes rapfodies; il cache fon dépit avec foin, & il murmure tout haut contre le Recüeil : il devient un ennemi né. J'efpere n'en avoir jamais d'autres, & je m'en félicite d'avance. Je finis en invitant tout le Parnasse choisi à m'honorer de fa confiance, & à m'envoiier des Poëfies; & je dirai avec M. de la Bruyere Si on ne goûte point ce Recüeil, je m'en étonne; & fi on le goûte, je m'en étonne de même.

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