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ARONS.

De ces braves Romains, que faut-il que j'efpere?

Serviront-ils leur Prince?

MESSAL A.

Ils font prêts à tout faire;

Tout leur fang eft à vous; mais ne prétendez pas
Qu'en aveugles fujets ils fervent des ingrats.
Ils ne fe piquent point, du devoir fanatique,
De fervir de victime au pouvoir defpotique,
Ni du zèle infenfé de courir au trépas,
Pour vanger un Tiran qui ne les connoît pas.
Tarquin promet beaucoup; mais devenu leur maître
Il les oublira tous, ou les craindra peut-être.

Je connois trop les Grands; dans le malheur amis,
Ingrats dans la fortune, & bien-tôt ennemis :
Nous fommes de leur gloire un inftrument fervile,
Rejetté par dedain, dès qu'il eft inutile,
Et brifé fans pitié, s'il devient dangereux.
A des conditions on peut compter fur eux;
Ils demandent un Chef, digne de leur courage,

Dont le nom feul impose à ce Peuple volage.
Un Chef affez puiffant, pour obliger le Roy,
Même après le fuccès, à nous tenir fa foy;

Ou fi de nos deffeins la trame eft découverte,
Un Chef affez hardi pour vanger notre perte.

ARONS.

Mais vous m'aviez écrit que l'orgueilleux Titus..

MESSALA.

Il est l'apui de Rome, il eft fils de Brutus ;

Cependant.....

ARONS,

De quel oeil voit-il les injustices;

Dont ce Sénat fuperbe a payé fes fervices?
Lui feul a fauvé Rome; & toute fa valeur
En vain du Consulat lui mérita l'honneur;
Je fçai qu'on le refuse.

MESSAL A.

Et je fçai qu'il murmure;

Son cœur altier & prompt eft plein de cette injure;

Pour toute récompense il n'obtient qu'un vain bruit,
Qu'un triomphe frivole, un éclat qui s'enfuit.
J'observe d'affez près fon ame impérieuse,
Et de fon fier courroux la fougue impétueufe;
Dans le Champ de la Gloire il ne fait que d'entrer;
Il y marche en aveugle, on l'y peut égarer;
La bouillante jeuneffe eft facile à féduire.
Mais que de Préjugez nous aurions à détruire?
Rome, un Conful, un pere, & la haine des Rois,
Et l'horreur de la honte, & fur tout fes exploits.
Connoiffez donc Titus, voyez toute fon ame,
Le courroux qui l'aigrit, le poifon qui l'enflâme;
Il brûle pour Tullie;

ARONS.

Il l'aimeroit?

MESSAL A.

Seigneur,

A peine ai-je arraché ce fecret de fon coeur,

Il en rougit lui-même : & cette ame infléxible
N'ofe avouer qu'elle aime, & craint d'être fenfible;

Parmi les paffions dont il eft agité,

Sa plus grande fureur eft pour la liberté.

ARONS.

C'est donc des fentimens & du coeur d'un feul homme Qu'aujourd'hui, malgré moi, dépend le fort de Rome!

A Albin.

Ne nous rebutons pas. Préparez-vous Albin,
A vous rendre fur l'heure aux tentes de Tarquin.

A Meffala.

Entrons chez la Princeffe; un peu d'experience
M'a pu du coeur humain donner quelque fcience;
Je lirai dans fon ame: & peut-être ses mains

Vont former l'heureux piége, où j'attens les Romains.

Fin du premier Alte.

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Le Théâtre représente, ou est supposé représenter un Appartement du Palais des Confuls.

TULLIE.

ALGINE.nolI

ALGINE.

Uï vous allez regner; le deftin moins féveremo

Vous rend tout ce qu'il ôte à Tarquin votre peres
Un hymen glorieux va ranger fous vos loix
Un Peuple obéiffant, & fidèle à fes Roist

Un grand Roy vous attend; l'heureuse Ligurias ey
Va vous faire oublier cette ingrate Patrie.
Cependant votre coeur ouvert aux déplaisirs,

Dans fes profpérités s'abandonne aux foupirs;
Vous accufez les Dieux qui pour vous s'attendriffent
Vos
yeux semblent éteints des pleurs qui les rem-
pliffent.

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