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J'interdis ma présence à ce Romain farouche.
Quel penchant le cruel fentoit à m'obeïr!
Combien depuis ce temps il fe plaît à me fuir?
Il me laiffe à mon trouble, à ma foibleffe extrême,
A mes douleurs.

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TITUS, au fond du Théâtre.

Voyons-la, n'écoutons que mon seul désespoir;

TULLIE.

Dieux! je ne puis le fuir, & tremble de le voir.

TITUS.

Mon abord vous furprend, Madame; & ma présence Est à vos yeux en pleurs, une nouvelle offense;

Mon cœur s'étoit flatté de vous obéir mieux;

Mais vous partez. Daignez recevoir les adieux
D'un Romain qui pour vous eût prodigué fa vie;
Qui ne vous préféra que fa feule Patrie;

Qui le feroit encor; mais qui dans ces combats,
Où l'amour du Païs précipita ses pas,

Ne chercha qu'à finir sa vie infortunée;
Puifqu'à vous offenfer les Dieux l'ont condamnée.
TULLIE.

Dans quel temps à mes yeux le cruel vient s'offrir!

Quoi vous! fils de Brutus, vous que je dois haïr? Vous, l'auteur inhumain des malheurs de ma vle, Vous opprimez mon pere, & vous plaignez Tullie? Dans ce jour de triomphe, & parmi tant d'honneurs, Venez-vous à mes yeux jouir de mes douleurs?

Tant de gloire fuffit. N'y joignez point mes larmes.
TITUS.

Le Ciel a de ma gloire empoisonné les charmes.
Puiffe ce Ciel pour vous plus jufte deformais,
A vos malheurs paffés égaler ses bienfaits!

U vous devoit un Trône; allez regner Madame,

Partagez d'un grand Roi la Couronne & la flâme;
Il fera trop heureux; il combattra pour vous;
Et c'est le feul des Rois dont mon coeur eft jaloux,
Le feul dans l'Univers, digne de mon envie.

TULLI E.

Calme ton trouble affreux, malheureuse Tullie;

Sortons... où fuis-je ?

TITUS.

Hélas! où vais-je m'emporter?

Mon fort eft-il toujours de vous perfécuter?

Eh bien! voyez mon cœur ; & daignez me connoître. Je fus votre ennemi, Madame, & j'ai du l'être ;

Mais pour vous en vanger, les deftins en courroux M'avoient fait votre efclave, en m'armant contre vous;

Ce feu que je condamne, autant qu'il vous offenfe,

Né dans le defefpoir, nourri dans le filence,

Accru par votre haine, en ces derniers momens
Ne peut plus devant vous fe cacher plus long-temps;
Puniffez, confondez un aveu témeraire;

Secondez mes remords, armez votre colere ;
Je n'attens, je ne veux ni pardon, ni pitié ;
Et ne mérite rien que votre inimitié.

TULLIE.

Quels maux tu m'as caufez, Brutus inexorable!

TITUS.

Vangez-vous fur fon fils, il est le feul coupable.
Puniffez fes exploits, fes feux, fes cruautez;
Il pourfuit votre Pere, il vous aime.

TULLIE.

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Arrétez ;.::

Vous fçavez qui je fuis, & qu'un Romain peut-être
Devoit plus de refpect au fang qui m'a fait naître ;
Mais je ne m'arme point contre un fils de Brutus
Du vain orgueil d'un rang qu'il ne reconnoît plus.
Je fuis dans Rome encor, mais j'y fuis prifonniere;
Je
porte ici le poids des malheurs de mon pere;
Mes maux font votre ouvrage: & j'ofe me flatter
Qu'un Héros tel que vous n'y veut point infulter,

Et

Qu'il ne recherche point la criminelle gloire,
De tenter fur mon coeur une indigne victoire.
Mais fi pour comble enfin de mes deftins affreux
J'ai fur vous en effet ce pouvoir malheureux,
Si le coeur d'un Romain connoît l'obéiffance,
Si je puis commander, évitez ma présence;
Pour la derniere fois, ceffez de m'accabler,
Et refpectez les pleurs que vos mains font couler.

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Qu'ai-je

SCENE III.

TITUS feul.

U'ai-je dit? que ferai-je ? & que viens -
d'entendre?

Jufqu'où ma paffion m'a-t-elle pû furprendre?
Ah! pourquoi faites-vous, deftin trop rigoureux,
Du jour de mon triomphe un jour si malheureux ?

je

C

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