Imágenes de páginas
PDF
EPUB

Commandez, épuisez votre juste courroux,

Mon fort eft en vos mains.

TULLIE.

Le mien dépend de vous,

TITUS.

De moi ? mon cœur tremblant ne vous en croit qu'à

peine;

Moi! je ne ferois plus l'objet de votre haine!
Ah! Princesse, achevez; quel efpoir enchanteur
M'éleve en un moment au faîte du bonheur?

TULLIE,

En donnant la Lettre,

Lifez, rendez heureux, vous, Tullie, & mon Pere
Tandis qu'il lit:

Je puis donc me flatter... mais quel regard févere?
D'où vient ce morne accueil, & ce front confterné?

Dieux....

TITUS.

Je fuis des Mortels le plus infortuné;

Le fort, dont la rigueur à m'accabler s'attache,

M'a montré mon bonheur, & foudain me l'arrache; Et pour combler les maux que mon coeur a foufferts, Je puis vous pofféder, vous adore, & vous pers

Vous, Titus?

TULLIE.

TITUS.

Ce moment a condamné ma vie

Au comble des horreurs, ou de l'ignominie,
A trahir Rome ou vous; & je n'ai déformais
Que les choix des malheurs, ou celui des forfaits.

TULLIE.

Que dis-tu? quand ma main te donne un Diadême,
Quand tu peux m'obtenir, quand tu vois que je t'aime;
Jene m'en cache plus, un trop jufte pouvoir,
Autorifant mes voeux, m'en a fait un devoir.
Hélas! j'ai cru ce jour le plus beau de ma vie;
Et le prémier moment oùmon ame ravie
Peut de fes fentimens s'expliquer fans rougir,
Ingrat! eft le moment qu'il m'en faut repentir.

Que m'ofes-tu parler de malheur, & de crime?
Ah! fervir des ingrats contre un Roy légitime,
M'opprimer, me chérir, détefter mes bienfaits,
Ce font-là tes malheurs, & voilà tes forfaits.
Ouvre les yeux Titus, & mets dans la balance
Les refus du Sénat, & la toutepuiffance,
Choifi de recevoir, ou de donner la Loi,

D'un vil Peuple, ou d'un Trône, & de Rome, ou de moi ;

Inspirez - lui, grands Dieux! le parti qu'il doit

prendre.

TITUS, en lui rendant la Lettre.

Mon choix eft fait.

TULLIE.

Eh bien? crains-tu de me l'apprendre?

Parle, ofe mériter ta grace ou mon courroux.

Quel fera ton destin?....

TITUS.

D'être digne de vous ?

Digne encor de moi-même, à Rome encor fidelle

Brûlant d'amour pour vous, de combattre pour elle; D'adorer vos vertus, mais de les imiter;

De vous perdre, Madame, & de vous mériter.

TULLIE.

Ainfi donc pour jamais....

TITUS.

Non, pardonnez Princeffe,

Pardonnez ma fureur, épargnez ma foiblesse;
Ayez pitié d'un coeur de foi-même ennemi,
Moins malheureux cent fois quand vous l'avez haï.
Je ne puis déformais vous quitter, ni vous suivre,
Ni pour vous, ni fans vous, Titus ne sçauroit vivre;
Et je mourrai plûtôt qu'un autre ait votre foi,

TULLIE.

Je te pardonne tout, elle eft encor à toi,

TITUS.

Eh bien! fi vous m'aimez, ayez l'ame Romaine;
Aimez ma République, & foyez plus que Reine;
Apportez moi pour dot, au lieu du rang des Rois,

L'amour de mon Païs, & l'amour de mes Loix.
Acceptez aujourd'hui Rome pour votre Mere,
Son Vangeur pour Epoux, Brutus pour votre Pere;
Que les Romains vaincus en génerofité,

A la Fille des Rois doivent leur liberté....

TULLIE.

Je trahirois le Roi qui m'a donné la vie?

TITUS.

Eh! dois-je écouter moins mon fang & ma Patrie?

TULLI E.

L'amour doit donc fe taire, & fans plus m'avilir,

Pour un Ingrat...

« AnteriorContinuar »