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BRUTUS, ARONS, TITUS, TULLIE, MESSALA, ALBIN, PROCULUS,

Liteurs.

BRUTUS, à Tullie.

Madame, il eft temps de partir;

Dans les prémiers éclats des tempêtes publiques,
Rome n'a pû vous rendre à vos Dieux domestiques;
Tarquin même en ce temps, prompt à vous oublier,
Et du foin de nous perdre occupé tout entier,
Dans nos calamités confondant fa Famille,
N'a pas même aux Romains redemandé fa Fille.
Souffrez que je rappelle un trifte fouvenir:
Je vous privai d'un Pere, & dûs vous en fervir;
Allez, & que du Trône, où le Ciel vous appelle,
L'infléxible équité foit la garde éternelle.

Pour qu'on vous obéiffe, obéiffez aux Loix,

Tremblez

Tremblez en contemplant tout le devoir des Rois; Et fi de vos flatteurs la funefte malice

Jamais dans votre coeur ébranloit la justice,

Prête alors d'abuser du pouvoir fouverain,

Souvenez-vous de Rome, & fongez à Tarquin;

Et

que ce grand éxemple où mon efpoir fe fonde Soit la Leçon des Rois, & le Bonheur du Monde.

A Arons.

Le Sénat vous la rend, Seigneur, & c'est à vous
De la remettre aux mains d'un Pere, & d'un Epoux,
Proculus va vous fuivre à la Porte facrée.

TITUS, éloigné.

O de ma passion fureur désesperée!

Il va vers Arons.

Je ne fouffrirai point, hon... permettez, Seigneur,

Brutus & Tullie fortent avec leur Suite.

Arons & Meffala reftent.

Dieux! ne mourrai-je point de honte, & de douleur?

A Arons.

.... Pourrois-je vous parler ?

E

ARONS.

Seigneur, le temps me preffe;

Il me faut fuivre ici Brutus & la Princeffe;

Je puis d'une heure encor retarder fon départ ;

Craignez, Seigneur, craignez de me parler trop tard.

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Dans fon Apartement nous pourrons l'un & l'autre
Parler de fes deftins, & peut-être du vôtre.

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Sort qui nous a rejoints, & qui nous défunis;

Sort, ne nous as-tu faits que pour être ennemis?
Ah! cache, fi tu peux, ta fureur & tes larmes.

MESSALA.

Je plains tant de vertus, tant d'amour & de charmes ;

Un cœur tel que le fien méritoit d'être à vous.

TITUS.

Non, c'en eft fait, Titus n'en fera point l'époux.

MESSAL A.

Pourquoi? quel vain scrupule à vos defirs s'oppofe?

TITUS.

Abominables Loix! que la cruelle impofe;

Tirans que j'ai vaincus, je pourrois vous fervir!
Peuples que j'ai fauvez, je pourrois vous trahir!
L'amour, dont j'ai fix mois vaincu la violence,
L'amour auroit fur moi cette affreufe puiffance!
J'expoferois mon Pere à fes Tirans cruels?

Et quel Pere? un Héros, l'Exemple des Mortels,
L'appui de fon Païs, qui m'inftruifit à l'être,
Que j'imitai, qu'un jour j'eûffe égalé peut-être,
Après tant de vertus, quel horrible destin?

MESSALA.

Vous eûtes les vertus d'un Citoyen Romain;

Il ne tiendra qu'à vous d'avoir celles d'un Maître.

Seigneur, vous ferez Roi, dès que vous voudrez l'être,

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Le Ciel met dans vos mains en ce moment heureux
La vangeance, l'empire, & l'objet de vos feux.
Que dis-je? ce Conful, ce Héros, que l'on nomme
Le Pere, le Soutien, le Fondateur de Rome,
Qui s'enivre à nos yeux de l'Encens des Humains

Sur les débris d'un Trône écrafé par vos mains,

S'il eût mal foutenu cette grande querelle,

S'il n'eût vaincu par vous, il n'étoit qu'un Rebelle.
Seigneur, embelliffez ce grand nom de Vainqueur
Du nom plus glorieux, de Pacificateur;
Daignez nous ramener ces jours, où nos Ancêtres
Heureux, mais gouvernés, libres, mais fous des
Maîtres,

Pefoient dans la Balance, avec un même poids,
Les intérêts du Peuple, & la grandeur des Rois;
Rome n'a point pour eux une haine immortelle;
Rome va les aimer, fi vous regnez fur elle;
Ce pouvoir fouverain, que j'ai vû tour à tour
Attirer de ce Peuple & la haine & l'amour,

Qu'on craint en des Etats, & qu'ailleurs on défire,

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