lut fanctifier plusieurs differentes conditions en sa perfonne. Il fit paroître en luy la vraye vertu Chrétienne d'un Laïque entierement détaché des plaisirs du monde & de la vanité de l'éloquence, lors qu'il eut quitté le barreau, pour se preparer à recevoir le Baptême. Il y fit reluire aprés, les qualitez les plus excellentes d'un parfait Solitaire. Puis le rappellant du defert à l'Eglise d'Antioche, au service de laquelle il l'avoit destiné, il fit éclatter en luy la pieté la plus mortifiée & la plus pure d'un Ecclesiastique & d'un Diacre. Il l'appella depuis à la Prêtrise où il le rendit le plus celebre Predicateur de l'Orient, la langue de son Archevêque, l'admiration des peuples & des Prelats. Il l'éleva ensuite à l'épiscopat; & pour faire que cette lumiere de l'Eglise éclairast plus de regions, il le fit paffer de la Syrie dans la Thrace & dans l'Europe en le faisant Archevêque de Conftantinople, qui étoit devenue le second siege de l'Eglife. Lors qu'il fut assis sur le thrône de cette nouvelle Rome, Dieu fit admirer en luy les dons les plus éminens de l'esprit apoftolique. Il fit voir en luy un second Paul, un Docteur de l'Univers, un pere des Evêques, un maître des Rois, un Dieu des Pharaons & des barbares. Mais afin qu'il fût une image parfaite & accomplie d'un vray Evêque, qui doit toûjours être preparé au martyre, il rendit sa perfecution beaucoup plus celebre encore que n'avoit été son épiscopat. Il luy fit trouver autant d'injustice & de cruauté en des Évêques tres Catholiques, & en un Empereur & une Imperatrice qui paroissoient devots & zelez pour la foy & pour la religion, que ses predeceffeurs en avoient trouvé dans les ennemis du nom Chrétien. Il permit que l'envie de ces Prelats, la crédulité de ce Prince, & l'animosité de cette Princesse fût plus cruelle envers luy, que n'avoient été les barbares mêmes, tout Goths & heretiques qu'ils étoient, à qui sa magnanimité épiscopale avoit été venerable & redoutable. Et enfin il releva toutes les autres parties extraordinaires de sa vie par l'éclat extraordinaire que ses ennemis procurerent contre leur intention aux trois dernieres années qui commencérent & finirent fon exil. Il luy donna cette couronne si précieuse à un homme de Dieu & à un serviteur de Jesus crucifié de voir toutes ses vertus recompensées en ce monde par la plus grande des ignominies; toute sa pieté envers Dieu noircie d'accusations d'impieté & de blafphême; toute la profonde humilité de son cœur traitée de faste & d'orgueil insupportable; tous ses travaux pour l'Eglise & toute sa conduite la plus reguliere, décriez comme des entreprises audacieuses & un illegitime violement des Canons; tous ses services envers l'Empire payez de la plus horrible des ingratitudes, & de la plus inhumaine proscription qui fut jamais. En un mot toute la sainteté de ses actions, & toute sa dignité de second Patriarche du monde, profanée, deshonorée, foulée aux pieds par une accusation criminelle, par une scandaleuse dépofition, par un bannissement honteux, & par une oppression si violente & fi inhumaine qu'elle luy avança ses jours, & luy acquit le merite du martyre aux yeux de Dieu & des Anges. Naiffance de S. Fean Chrysostome. Opinion des Grecs modernes qui l'ont crú fils d'une illustre Dame nommée Publie. Histoire tres èdifiante de cette genereuse & tres sainte femme. Quels ont esté Son pere & sa mere. S Aint Jean Chryfoftome nâquit dans la celebre ville d'Antioche qui étoit capitale de la Syrie: Et Dieu voulut que la même ville qui avoit esté le lieu de l'origine du nom Chrétien, fut honorée de la naissance d'un saint qui devoit ou conserver , ou rétablir dans le cœur de tant de personnes le premier efprit de la Religion Chrétienne;& que la même Eglise qui avoit esté le plus ancien des trois fieges du Prince des Apôtres, comme parle S. Gregoire Pape, ajoûtast à sa premiere fecondité la production de cet homme apotolique. Les Grecs modernes ont écrit dans leur Ménologe que sa mere s'appelloit Publie, & cette opinion qui d'abord a beaucoup de vray semblance, luy est favo rable; parce qu'il luy auroit esté glorieux d'avoir tiré Theo- fa naissance d'une femme illustre, dont Theodoret doret 1.3. Hift. rapporte cette histoire memorable qui a esté le fondeEcclef. ment de l'opinion de ces nouveaux Grecs. 1 Il y avoit, dit-il, à Antioche (en 363.) durant la persecution de Julien l'Apostat, une femme de grande reputation nommée Publie, qui s'étoit renduë tres celebre par la grandeur de ses actions, & par l'éminence de ses vertus, N'ayant esté engagée que fort peu de temps sous le joug du mariage, elle avoit esté affez heureuse pour en offrir à Dieu un fruit merveilleux. Car Jean qui a esté si long teinps le chef de tous les Pretres d'Antioche, & qui a toûjours refusé de mon ter sur le throne Apoftolique de cette Eglife, quoy qu'il ait esté éla plusieurs fois à cette haute dignité, « fut le riche fruit de cette terre admirable. Cette illuftre Dame ayant avec elle une troupe de vierges Chrétiennes qui faisoient profession de passer " toute leur vie dans l'état de la virginité, étoit conti- « nuellement occupée à chanter les loüanges du Dieu que nous reverons, comine l'auteur & le redempteur de l'Univers. Ge Un jour que l'Empereur Julien passoit prés du lieu où elles étoient appliquées à un fifaint exercice, elles « éleverent toutes ensemble le ton de leur voix beau- " coup plus haut qu'à l'ordinaire, parce qu'elles crurent qu'il falloit traitter avec beaucoup de mépris cette fu- « rie infernale. Elles choisirent pour cela les Pseaumes « plus propres à representer l'impuissance des idoles,& « elles difoient avec David; Les idoles des nations ne Pf.113. font que de l'or & de l'argent, & l'ouvrage des mains des «۷۰۰ hommes. Et aprés avoir recité les autres paroles qui « expriment leur insensibilité,elles ajoûtoient, Que ceux qui les font deviennent semblables à eux, & que tous is ceux qui esperent en eux leur ressemblent. 66 Ibid. v.8. Julien ne pouvant oüir ce divin chant fans une colere extréme, leur commanda de se taire une autrefois quand il pasferoit par là. Mais cette genereuse femme. ne faisant pas grand état de cette défense, inspora une nouvelle vigueur au sacré chœur dont elle étoit la conductrice; Et comme l'Empereur passo t encore par le même lieu, elle leur commanda de chanter, Que PC.67. Dien se leve & que ses ennemis foient diffipez. Ce qui .. paroiffant infupportable à cet Apostat, il fit venir devant luy la Maistreffe de certe troupe de vierges; Et quoy que sa vieillif meritast toute forte de respect, neanmoins il n'eut ny compassion pour ses cheveux blancs , ny veneration pour ses vertus, mais au 68 A >> contraire il commanda à quelques uns de ses gardes * دو de luy donner de si grands coups sur les deux joües, » que leurs mains en fuffent enfanglantées. دو Cette genéreuse femme recevant cét affront com» me le plus grand de tous les honneurs, s'en retourna ,, en sa maison, & ne cessa point pour cela de faire la » guerre comme auparavant à cet Empereur impie par „ ces chants spirituels comme David, de qui elle l'a„ voitappris, s'en étoit servy autrefois pour appaiser „ le malin esprit dont Saül étoit tourmenté. Il est certain qu'il y a plusieurs circonstances dans cette histoire qui ont beaucoup de rapport à S. Chryfoftome. Car cette excellente femme étoit demeurée veuve fort jeune, ainsi que luy même le dit de sa Mere.Son fils s'appelloit Jean comme luy:étoit né à An-tioche comme luy : avoit tenu le premier rang entre les Prêtres de cette Eglise comme luy;& avoit regardé comme luy avec une sainte frayeur l'état fublime de l'épiscopat. Mais neanmoins la verité attestée par tous les anciens auteurs Ecclesiastiques détruit cette opinion des Grecs modernes. Car S. Chryfoftome n'est pas toûjours demeuré dans le degré de la Prétrise comme ce Jean. Il n'a jamais été élû comme luy Archevêque d'Antioche; & ainsi n'a jamais pû refufer cét Archevesché: mais il a été élevé comme par force & par violence à celuy de Constantinople. Aufssi Theodoret qui étoit de la même ville d'Antioche ne les a pas confondus ensemble, & il n'auroit pas manqué de dire que le fils de cette illustre Publie dont il reléve si hautement la sainte ferveur, étoit le fameux S. Jean Archevêque de Constantinople, si elle avoit été veritablement fa mere. Mais celle qui a eu le bonheur de donner au monde le grand Chryfoftome se nommoit ANTHUSE, & quoy |