pas toûjours esté plus chere, que celle même qui m'a donné la naissance ? F CHAPITRE XIX. Harangue de Flavien à Theodose sur la sedition d'Antioche. LAVIEN ne pût entendre ce discours de Theodose fans porter sur son visage des marques visibles de la confufion de tout le peuple ; & il ne chercha la justification de ses citoyens, que dans l'aveu sincere de leur crime & de leur ingratitude. Nôtre Saint en continuë le recit, & rapporte toute la harangue de son Patriarche, dont il devoit estre d'autant plus instruit, qu'il est à croire qu'il l'avoit faite luy-même, quoy que fon extreme humilité l'empéche d'en rien témoigner à ses auditeurs. Mais le seul caractere de son stile, & la liaison étroite, qu'il avoit avec ce Prelat, nous porte à croire que c'est luy qui en est l'auteur. Voicy donc la suite de cette negociation si importante. دو و A ces mots de l'Empereut,continuë S. Chryfoftome,,, le Saint Archevéque soûpirant, & versant des larmes encore plus enflammées, ne pût demeurer long-temps, dans le silence. Mais voyant que cette justification de,, l'Empereur estoit nôtre plus grande condamnation & que ces preuves de son innocence augmentoient,, l'enormité de nôtre crime, il luy parla de cette forte accompagnant ses paroles de profonds soûpirs. Sei-,, gneur, nous confefsons ingenuement que vostre Ma-,, jesté a toûjours témoigné à sa ville d'Antioche un, amour extreme. Nous ne le pouvons nier, Seigneur,,, mais c'est cette confideration même plus que toute,, autre confideration qui fait maintenant nostre dou-, leur, qui arrache de nostre cœur tant de soûpirs,,, & qui fait verser à nos yeux tant de larmes, de,, ,, ce que les demons, ces ennemis du bien des hom,, mes ont porté une si cruelle envie à cette Antioche ,, que vous avez toujours honorée d'une si ardente در دو دد affection, de ce que nous avons esté ingrats envers nostre bien- facteur, en payant toutes ses graces & ses faveurs d'une si horrible ingratitude, & de ce ,, que nous avons irrité la colere d'un grand prince qui nous a toujours fait sentir les effets de sa bonté vrayment royale. Vous ne pouvez jamais, Seigneur, égaler par la grandeur des supplices la grandeur de nôtre faute. Et quant vous feriez renverser toute nostre ville, quand vous l'embraseriez & la reduiriez toute en ,, cendres, quand vous extermineriez par l'épée de vô دو دو دو دو دو دو tre justice tous ses habitans, & que vous nous feriez ,, éprouver toute autre forte de rigueurs, l'on pour,, roit dire que noftre crime ne seroit point encore van„gé, & qu'il demeureroit toûjours impuny. Nous ,,avons, Seigneur, prévenu nous mêmes les effets de ,, vôtre justice, & il est arrivé par un tres funeste, mais ,, par un tres juste coup de Dieu que nous n'avons pu , commettre cet attentat contre vostre Majesté que nous ne nous soyons livrez en même temps nous mé,mes à des tourmens beaucoup plus insupportables ,, que ne le seroient une infinité de morts. Car y a-t-il ,, quelque chose de plus amer & de plus dur à suppor در ter que de passer publiquement pour des ingrats, qui , ont fi injustement offenfé & irrité un Empereur qui les avoit toujours aimez & cheris si tendrement ? Que tout le monde connoiffe noftre extreme ingratitude, & que tout le monde la condamne avec hor در ور دو reur. Certes, si les barbares estoient venu fondre avec impetuosité sur nostre ville; s'ils avoient renverse ses murailles jusqu'aux fondemens ; s'ils avoient confu mé par le feu toutes nos maisons, & enfevely dans les " mêmes ruines les plus superbes édifices; s'ils nous " avoient tous emmenez captifs avec eux dans une terre " étrangere, le mal que nous fouffririons alors feroit " moindre que celuy que nous foufrons maintenant : " Parce que vous, Seigneur, vivant & nous témoi- " gnant tant d'affection, nous espererions de voir réta- " blir toutes ces ruines, de rentrer avec plus de gloire " que jamais dans l'eftat de nostre premiere fortune, & « de recouvrer méme une plus illustre liberté. Mais « maintenant que nous nous sommes rendus nous mêmes par nostre faute indignes de vostre faveur, que “ nous avons rompu le noænd, & éteint la flamme de cette affection royale qui nous estoit une plus puissante protection que tous les plus fermes remparts, à qui ce aurons nous recours? Quel azile chercherons nous, & « en quel lieu de la terre pourrons nous trouver un autre maitre & un autre pere, aprés avoir offensé un maistre si doux, & irrité un pere si indulgent ? C'est ainsi que ce sage Patriarche s'infinuë adroitement dans l'esprit de l'Empereur, en exagerant d'une part le crime des habitans d'Antioche, & d'autre part comparant leur extréme ingratitude avec l'extrême bonté de ce Prince. Il luy represente neanmoins que le mal n'est pas sans remede; qu'en imitant la conduite de Dieu même envers nos premiers peres, à qui il ouvrit le ciel aprés leur avoir fermé le paradis terrestre en punition de leur desobeissance, il confondra l'envie & la malice des demons; & qu'au lieu qu'il assouviroit. leur animosité mortelle contre la ville d'Antioche s'il la ruïnoit, il leur donnera au contraire un coup mortel, & exercera fur eux la plus rigoureuse & la derniere des vengeances, s'il reprime les mouvemens de sa colere contre cette ville, & déclare qu'il conferve toûjours pour elle la même tendresse d'affection. Mais il tire avantage des plaintes de l'Empereur, & se sert ainsi des mêmes armes dont ce Prince l'avoit combattu pour le combattre luy-même, & pour le „ vaincre. Combien, Seigneur, luy dit-il, les paroles dont vostre Majesté s'est servie maintenant pour sa justification nous sont-elles plus tristes & plus ameres ,, que toutes fortes d'incendies & de ruines ? Vôtre Ma, jesté dit qu'on luy a fait une injure, & qu'on l'a traité » plus indignement que l'on n'a jamais fait aucun des دو دو دو دو Princes ses Predecesseurs. Mais si vous voulez, Sei„gneur, si vous voulez dis-je faire en cecy ce que vostre douceur, vostre sagesse, & vostre bonté vous inspi,, rent, cette même injure dont vous vous plaignez, vous mettra sur la teste une plus noble & plus éclatante couronne que n'est vôtre diademe. Car ce diademe, Seigneur, est bien une preuve illustre de vostre vertu, mais il est en méme temps une marque & un témoignage public de la liberalité gencreuse du Prince qui vous l'a donné ; au lieu que cette autre couronne que vous pouvez gagner en cette rencontre par vostre clemence sera toute à vous, & toute de vous, comme n'estant l'ouvrage que de vos mains seules, & ne tirant tout son lustre que de vostre seule sagesse. Les peuples ne vous respecteront pas tant à cause de l'éclat de ces pierres precieuses qui brillent sur vostre teste, qu'ils vous loüerontà cause de la victoire que vous aurez remportée sur vous-méme, en étouffant tous les reffentimens de vostre colere. On a renversé vos statuës, mais vôtre Majesté peut s'en élever à elle-méme de plus magnifiques & de plus glorieuses que toutes celles qui ont esté renversées. Car si vous faites paroître, Seigneur, vostre douceur à l'égard دو دو دو دو دو در دو در در دو دو دو دو دو دو دو دو دو " de ceux qui ont irrité vôtre justice, & fi vous accordez دو در دو le pardon à tant de coupables en ne vengeant point » vôtre propre injure, ils ne vous dresseront pas dans » une place publique des statuës d'airin ou d'or, enri- » chies de pierreries & de diamans, mais ils vous en éle- » veront dans leurs cœurs qui seront infiniment plus » precieuses, & qui seront les plus illuftres témoignages » de vostre clemence & de vostre mifericorde. Vous aurez autant de statuës vivantes qu'il y a d'hommes » sur la terre & qu'il y en aura jusques à la fin du monde. „ Car non seulement nous, mais ceux qui viendront » aprés nous, & tous ceux qui viendront encore apres » eux, entendront parler de cette action si royale & fi genereuse, & ils n'auront pas moins d'admiration & d'amour pour le grand & invincible Theodose, que si » eux-mémes avoient ressenty les effets de sa bonté. Mais afin Seigneur, que vôtre Majesté ne croye pas » que ce que je luy dis soit plûtôt une flaterie qu'une » verité, je la suplie tres-humblement de me permettre de luy rapporter l'exemple d'un grand Prince, qui „ luy fera voir que la multitude des legions, ny l'abondance des tresors, ny le grand nombre des sujets, ne rendent point les Roys siillustres, que la douceur & la moderation de leur esprit. On dit que le bienheureux Constantin ayant sceu qu'on avoit defiguré, une de ses statues à coup de pierres, & toute la Cour l'exhortant à se vanger de cette injure fur ceux qui en,, avoient été les auteurs, & luy disant que son visage avoit été tout meurtry, il ne fit autre chose que paffer sa main sur son visage, & leur repondit apres en souriant, qu'il n'y sentoit aucune blesseure, ce qui ayant, couvert de confufion & de honte tous ces lâches & cruels flateurs, ils renoncerent aussi tôt à un conseil fi pernicieux. Et cette reponse si genereuse est devenuë depuis tellement celebre qu'elle est encore دو دو در در در دو دو در دو |