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-me que le Pere Mallebranche attribuoit aux Lettrés de la Chine. Il publia donc une feconde lettre pour répondre à cette critique; mais ce fecond écrit ne fit pas changer de fentimens à ceux qui fçavoient quelle eft la haute idée que les Chinois ont de l'Etre fuprême.

Son dernier ouvrage fut des Réflexions fur la prémotion phyfique, qu'il publia en 1715. Il mourut le 13 Octobre de la même année, étant âgé de 77 ans. Au renouvellement de l'Académie des Sciences, en 1699,il avoit obtenu une place d'Honoraire dans cette Compagnie.

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Depuis qu'il s'étoit attaché à la Philofophie de Defcartes, il n'avoit étudié que pour s'éclairer l'efprit, & » non pour se charger la mémoire il avoit donc affez » peu lu, dit M. de Fontenelle, & cependant beaucoup » appris. Il retranchoit de fes lectures, celles qui ne font que de pure érudition; un infecte le touchoit plus que » toute l'Hiftoire Grecque ou Romaine. Il méprifoit auf» fi cette efpece de Philofophie, qui ne confifte qu'à apprendre les fentimens de differens Philofophes. Après

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la on ne fera pas furpris qu'il n'eût jamais pu lire dix vers » de fuite fans dégoût. Il méditoit affiduement, & même » avec certaines précautions, comme de fermer fes fenê» tres. Il avoit fi bien acquis la pénible habitude de l'attention,que quand on lui propofoit quelque chofe de difficile, on voyoit dans l'inftant fon efprit fepointer vers l'objet, & le pénétrer. Ses délaffemens étoient des di» vertiffemens d'enfant,& c'étoit par une raifon très digne » d'un Philofophe, qu'il y recherchoit cette puérilité » honteufe en apparence; il ne vouloit pas qu'ils laiffaf» fent aucune trace dans fon ame: dès qu'ils étoient paffés, il ne lui en restoit rien que de ne s'être pas toujouts appliqué. Il étoit extrêmement ménager de toutes les forces de fon efprit, & foigneux de les conferver à la Philofophie. Cette fimplicité que les grands hommes »ofent prefque feuls fe permettre, & dont le contrafte releve tout ce qu'ils ont de rare étoit parfaite en lui.

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Une piété fort éclairée, fort attentive & fort févere, perfectionnoit des mœurs que la nature feule mettoit » déja, s'il étoit poffible, en état de n'en avoir pas beau→ coup de befoin. Sa converfation rouloit fur les mêmes → matieres que fes livres ; feulement pour ne pas trop effa» roucher la plupart des gens, il tâchoit de la rendre un » peu moins chrétienne, mais il ne relâchoit rien du philofophique : on la recherchloit beaucoup, quoique fi fage »& fi inftructive. Il y affectoit autant de fe dépouiller » d'une fupériorité qui lui appartenoit, que les autres af»fectent d'en prendre une qui ne leur appartient pas. It » vouloit être utile à la vérité, & il fçavoit que ce n'eft "gueres qu'avec un air humble & foumis, qu'elle peut

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gliffer chez les hommes. Il ne venoit prefque point d'E"trangers fçavans à Paris, qui ne lui rendiffent leurs hom"mages. On dit que des Princes Allemans y font venus "exprès pour lui. Dans la guerre du Roi Guillaume, un » Officier Anglois prifonnier, fe confoloit de venir à Pa»ris, parce qu'auffi-bien il avoit toujours eu envie de voir » le Roi Louis XIV. & M. Mallebranche. Il a eu l'hon» neur de recevoir une vifite de Jacques II. Roi d'Angle» terre. Mais ces curiofités paffageres ne font pas fi glo»rieufes pour lui, que l'affiduité conftante de ceux qui vouloient véritablement le voir, & non pas feulement » l'avoir vu. Milord Quadrington, qui eft mort Viceroi de » la Jamaïque, pendant plus de deux ans de féjour qu'il fit à » Paris,venoit paffer avec lui deux ou trois heures prefque » tous les matins.

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» Les compatriotes de cet homme illuftre fentoient auf» fi ce qu'il valloit, & un affez grand nombre de gens de » mérite fe raffembloit autour de lui. Ils étoient la plû»part fes difciples & fes amis en même tems; & l'on ne " pouvoit gueres être l'un fans l'autre. Il eût été difficile » d'être en liaison particuliere avec un homme toujours " plein d'un fiftême qu'on eût rejetté ; & fi l'on recevoit » le fiftême, il n'étoit pas poffible qu'on ne goûtât infinigoûtât infiniTome 11.

»ment le caractere de l'Auteur, qui n'étoit pour ainfi di»re, que le fiftême vivant. Auffi jamais Philofophe, fans. » en excepter Pithagore, n'a til cû des fectateurs plus perfuadés; & l'on peut foupçonner, que pour produire » cette forte perfuafion, les qualités perfonnelles du Pere. » Mallebranche aidoient à fes raifonnemens.

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JOSEPH SAUVEUR,

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OSEPH SAUVEUR, fils de Louis Sauveur, No-taire à la Fléche, naquit dans cette Ville le 24. Mars 1653. Il ne commença à parler qu'à l'âge de fept ans & dès ce tems-là, il étoit déja Machiniste : il fe plaifoit à construire de petits moulins à faire des fyphons & des jets d'eau, & mille autres chofes femblables qui: prouvoient autant fa facilité à inventer que fon adreffe à exécuter; mais il lui auroit fallu d'autres talens pour réuffir dans ces études aufquelles il fut appliqué, lorf-qu'on l'eut mis au Collége; auffi y fit-il peu de progrès. L'éloquence & la Poëfie n'eurent pour lui aucun attrait mais l'Arithmétique de Pelletier du Mans étant par hazard tombée entre fes mains, il la parcourut avec avidité, la lut enfuite avec attention, & vint à bout de l'apprendre parfaitement fans le fecours d'aucun maître.

Sa paffion pour les Mathématiques fut dès lors fa paffion favorite; mais plus elle le dominoit, plus il fouf-. froit de ne pouvoir la fatisfaire. Sa Patrie ne pouvant lui fournir les fecours qui lui étoient néceffaires, il réfolut de les venir chercher à Paris; mais il falloit come mencer par fe mettre en état de fubfifter dans cette Capitalé. Il prit pour cet effet le parti d'aller trouver un de fes Oncles qui étoit Chanoine & Grand-Chantre de Tournus. La longueur du voyage ne l'effraya point, îl s'affocia pour le faire, fon meilleur ami, M. Coubard,

qui a été dans la fuite Hydrographe du Roi à Breft. Ce fut là un voyage philofophique, non-feulement par l'intention, mais encore par l'équipage. Tout ce qui fe trouva fur leur route digne de quelque attention, devint pour eux un fujet d'obfervations. M. Sauveur eut à peine entendu la fameufe horloge de Lyon, qu'il devina tout l'intérieur & toute l'énigme de cette furprenante Machine.

Comme les parens le deftinoient à l'Eglife, & que fon Oncle ne doutoit pas que ce ne fût là le parti qu'il vouloit embraffer, il en obtint aifément la penfion qui lui étoit néceffaire pour faire fa Philofophie & fa Théologie à Paris. Il étudia peu la premiere, & encore moins la feconde; mais en revanche, il apprit en un mois, & fans le fecours d'aucune leçon, les fix premiers livres d'Euclide. Cet effai & ce fuccès ne firent qu'irriter fon goût pour une fcience qui avoit tant de charmes pour lui; auffi lui donna-t'il toute fon application. Il entra dans plufieurs autres parties des Mathématiques, fit un cours d'Anatomie & de Botanique, & fe trouva affiduëment aux conférences de M. Rohault.

La connoiffance qu'il avoit alors de M. de Cordemoi, Lecteur de M. le Dauphin & habile Philofophe, lui procura celle de M. Boffuet, alors Evêque de Condom, Précepteur du jeune Prince. Ce Prélat, après l'avoir bien fondé & l'avoir tourné fur plufieurs matieres de Phyfique, lui confeilla de renoncer à la Médecine. M. Sauveur fuivit fes avis, & ne s'appliqua plus qu'aux Mathématiques qui étoient devenues fon unique reffource, car il ne recevoit plus aucun fecours de fa famille ; il étoit même tombé dans la difgrace de fon oncle, qui indigné de ce qu'il avoit renoncé à l'état ecclésiastique, ne voulut plus lui continuer la penfion qu'il lui avoit faite. Quoiqu'il eût étudié en Médecine, & qu'il y eût même fait quelques progrès, il n'avoit point cependant de pratique, & il étoit encore par conféquent bien éloi

gné de pouvoir tirer quelque fecours de cette profeffion}, ainfi il fe dévoua tout entier aux Mathématiques, & prie: le parti d'aller les enfeigner en Ville.

La Géométrie étoit alors une fcience connue de bienpeu de perfonnes; il n'y avoit que quelques Sçavans da premier ordre prefque toujours renfermés dans leur cabinet, qui en fiffent leur étude. M. Sauveur la tira de l'obfcurité, & fut affez heureux pour la répandre dans le monde, & même dans le monde poli. Quelques Da-mes voulurent prendre de lui des leçons, & par-là aidérent beaucoup à fa réputation. Une de fes plus zélécs Panégyriftes, fut Madame de la Sabliere, qui logeoir chez elle le célébre la Fontaine, & qui goûtant en même-tems M. Sauveur, prouvoit combien elle étoit fen fible à toutes les differentes fortes d'efprit.. Devenu en peu de tems le Géométre à la mode, il falloit qu'il fe mul tipliât en quelque façon pour contenter l'avidité de tous ceux qui vouloient profiter de fes leçons ; il n'avoit encore que vingttrois ans, lorfqu'il eut pour Difciple le Prince Eugéne.

M. Sauveur n'avoit point encore lu alors la Géométrie de Descartes, & peut-être n'auroit-il jamais fongéà la lire, fi un jeune Etranger de la premiere qualité ne lui en avoit parlé, en lui témoignant le defir extrê me qu'il avoit de l'apprendre de lui. M. Sauveur ne demanda que huit jours pour fe procurer ce livre, & pour l'étudier ; & au bout de ce tems-là, il fe vit en état d'expliquer,. & même de démontrer tout ce qu'il ya de plus fublime & de plus relevé dans cet excellent Quvrage.

Peut-être paroîtra-t-il étonnant qu'un livre fi géné ralement estimé, n'ait pas piqué plutôt fa curiofité; mais il lifoit peu, parce qu'il n'en avoit guéres le loifir; en revanche il réfléchiffoit beaucoup auffi tout ce qu'il fçavoit (& il fçavoit infiniment) il ne le devoit prefque uniquement qu'à fon génie & à fes profondes mé»ditations.

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