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fique, plus que tous les autres Philofophes: il n'excepte pas même les peres Suarès, & Fonfeca Jéfuites, qui felon lui, doivent être confidérés comme les meilleurs & les plus profonds Théologiens de l'école.

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»Je vous avoue, dit le pere Merfenne dans une de fes lettres au célébre Voëtius, que j'avois toujours eu une » grande idée de la Philofophie de M. Defcartes; mais depuis que j'ai vu fes méditations avec les reponfes faites » aux objections qui lui avoient été propofées, j'ai cru que Dieu avoit verfé dans ce grand homme des lumiéres » toutes particuliéres pour nous découvrir les vérités éternelles. J'ai été furpris qu'un homme qui n'a pas étudié en Théologie, ait répondu fi folidement fur des points très-importans de notre Religion: je l'ai trouvé fi conforme à l'efprit & à la Doctrine de Saint Auguftin, que » je remarque prefque les mêmes chofes dans les écrits de >> l'un & de l'autre. L'efprit de M. Defcartes fe foutient » fi bien dans toutes fes réponses, il eft fi ferme fur ses principes, outre cela il eft fi Chrétien, & il infpire fi » doucement l'amour de Dieu, que je ne puis pas me per❤fuader que cette Philofophie ne tourne un jour au bien » & à l'ornement de la vraie Religion.'

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Aux méditations Métaphifiques qui furent données au public en 1641. fuccédérent en 1644. les principes de Philofophie du même Auteur, divifés en quatre parties, dont la premiére renferme les principes de la connoiffance humaine: la feconde contient ce qu'il y a de plus général dans la Phifique, fçavoir, l'explication des premiéres loix de la nature dans la troifiéme fe trouve une expofition particulière du fiftême du monde, & principalement de tout ce que nous entendons par les Cieux & les Corps Céleftes, & la derniére enfin comprend tout ce qui concerne la Terre.

L'Auteur dans fon explication du fiftême du monde, paroît évidemment admettre l'Hypothefe de Copernic & il rend les raisons naturelles, qui peuvent fervir à établir

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cette Hypothese; après quoi il defcend dans le détail du monde vifible, & il montre comment les Aftres ont pu fe former au centre de chaque tourbillon, comment les Planettes & les Cométes fe font engendrées, comment elles fe font placées dans les tourbillons, où elles font defcenduës, & quelles font les raifons des mouvemens réguliers & irréguliers qui paroiffent dans les unes & dans les autres. Il paffe enfuite à ce qui nous touche de plus près: il explique en quoi confifte la nature de ce que nous appellons vulgairement les quatre Elémens; leurs differences, & leurs effets; il explique par une nouvelle méthode ce que c'eft que la pefanteur & la légereté, la dureté & la molleffe, ou la liquidité. Il s'étend principalement fur la nature de la lumière, fait voir en quoi elle confifte, comment elle se communique en un inftant, comment elle fe répand de tous côtés, & traverse les corps les plus durs, comment elle se rompt en paffant par divers milieux. Il montre que les couleurs ne font que les differentes modifications de la lumière ; enfin le flux & le reflux de la mer, les diverfes propriétés de l'aimant, & plufieurs autres merveilleux effets de la nature, font expliqués de la maniére la plus propre à fatisfaire l'efprit, & leur explication femble être une nouvelle preuve de la vérité du fiftême de

l'Auteur,

Quelqu'oppofée que fût cette Philofophie à celle de l'Ecole, M. Defcartes crut que pour la faire recevoir plus facilement, il devoit commencer par raffurer les efprits, en infinuant que fa Philofophie ne renfermoit rien qui fût contraire aux principes des anciens Philofophes, & c'est ce qu'il témoigne dans une de fes lettres.

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J'ai tâché, dit-il, d'expliquer toute la nature des chofes matérielles, de telle maniére que je n'ai abfolument pofé » aucun principe qui n'ait été admis par Ariftote, & par » tous les autres Philofophes des fiécles précédens; de forte » que la Philofophie que je viens de proposer, loin d'être »nouvelle, comme elle paroîtra peut-être fur fes apparen

ces,

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"ces, peut paffer pour la plus ancienne de toutes celles qu'on ait jamais introduites dans le monde, & pour la plus vulgaire qu'on y ait enfeignée; car je me fuis contenté de confidérer les figures, les mouvemens & les grandeurs "des corps: après quoi j'ai examiné felon les loix de la Méchanique, confirmées par des expériences journaliéres » & certaines, ce qui devoit fuivre du concours récipro» que, ou de la rencontre de ces corps. Or qui a jamais "douté que ces corps ne fe meuvent, qu'ils ne foient » grands ou petits, qu'ils ne foient differemment figurés, » que leurs mouvemens ne changent felon la diverfité de » leurs grandeurs & de leurs figures, & que de leur choc mutuel, il ne se faffe plufieurs divifions ou féparations » entre eux, & divers changemens dans leurs figures?

M. Defcartes dédia ce grand ouvrage à fon illuftre éleve la Séréniffime Princeffe Palatine, Elifabeth de Bohéme (a) plus diftinguée encore par la beauté de fon génie, & l'étendue de fes lumiéres, que par l'éclat de fa naiffance.

Ce fut pour l'ufage particulier de la même Princeffe que M. Defcartes compofa fon Traité des paffions, divifé ca trois parties, dans la premiére defquelles il traite des paffions en général, & par occafion de la nature de l'ame; dans la feconde, des fix paffions primitives, & dans la troifiéme il parle de toutes les autres. Ce n'eft point au

(a) Elle étoit l'ainée des Filles de Fréderic V. Electeur, Palatin du Rhin, élú Roi de Bohéme. Ce Prince infortuné, ayant enfin trouvé une retraite paifible à la Haye, vint y demeurer avec toute fa Famille. La Princeffe Elifabeth recherchée en mariage par Uladilas IV. Roi de Pologne, refufa un fi glorieux établiffement, pour le dévouer toute entiére à l'étude de la nouvelle Philofophie. Dès fa plus tendre enfance elle avoit appris différentes langues, & avoit acquis une grande connoiffance des belles lettres. La pénétration de fon efprit lui fit faire de furprenans progrès dans les parties les plus abftraites des Mathématiques. Ce. fut pour donner plus de tems à l'inftruction de cette illuftre Princeffe, que Defcartes fit de longs fejours à Leyde & à Endegeeft; & lorfqu'elle quitta la Hollande, les lettres de fon cher maître la fuivirent dans les différentes Cours d'Allemagne, où fa malheureufe deftinée l'obligea de chercher une retraite. Vers les derniéres années de fa vie, elle aceepta l'Abbaye de Hervorders, dont elle fir bientôt une des premiéres écoles Cartefiennes. Cette illuftre Princeffe mourut en 1680. âgée d'environ 61 ans.

Tome II.

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reste en Philosophe moral, mais en pur Phyficien qu'il traite fon fujet. Pour bien déduire toutes les paffions, & pour déveloper les mouvemens du fang qui accompagnent chaque paffion, il étoit néceffaire de dire quelque chofe de l'animal. Auffi commence-t'il par expliquer la compofition de toute la machine du corps humain; il fait voir comment tous les muscles de nos membres, qui ne dépendent point de la pensée, fe peuvent faire en nous fans que notre ameycontribuë,par la feule force des efprits animaux, & la difpofition de nos membres; de forte qu'il ne nous fait d'abord confidérer notre corps que comme une machine faite par la main du plus fçavant de tous les ouvriers, dont tous les mouvemens reffemblent à ceux d'une montre, ou autre Automate, ne fe faifant que par la force de fon reffort, & par la figure, ou la difpofition de fes rouës. Après avoir fait voir clairement tout ce qui appartient au corps, il nous fait aifément conclure qu'il n'y a rien en nous qui appartienne précisément à notre ame, que nos. pensées, entre lefquelles les paffions font celles qui l'agitent & l'émeuvent davantage. Ce Traité des paffions. publié en 1649. eft le dernier ouvrage que l'Auteur ait fait imprimer. (a)

Deux années auparavant, fçavoir en 1647. M. Defcartes avoit fait un voyage en France, & c'eft le feul qui lui ait procuré quelque avantage réel. L'amour de la vérité, le défir de la faire connoitre, l'utilité qui en devoit revenir au public, avoient été les feuls motifs qui avoient animé ce grand homme dans fes études. Trop définterreffé pour folliciter des récompenfes, & trop modefte pour s'imaginer qu'il en méritât quelqu'une, jamais il n'eut la pensée de faire fervir à l'avancement de fa fortune, l'ef

(a) Ses ouvrages pofthumes font fon Traité de l'homme avec celui de la forma. tion du fœtus, fes régles pour conduire l'efprit dans la recherche de la vérité, un livre intitulé, l'Etude du bon fens, un petit traité de l'art d'efcrimer, fes lettres en plufieurs volumes, un dialogue fur la recherche de la vérité par la feule lumiére naturelle, & divers autres Traités que l'Auteur n'avoit fait qu'ébaucher.

time dont l'honorerent fucceffivement les deux Cardinaux Miniftres; mais fes amis crurent devoir fe charger d'un foin qu'il paroiffoit négliger; & fans lui faire part de leurs vues, ils s'interefférent en fa faveur avec tant de zéle auprès du Cardinal Mazarin, qu'ils lui obtinrent une pension de mille écus, qui comme il étoit porté dans les lettres patentes expédiées à ce fujet, étoit accordée à M. Defcartes en confidération de fes grands mérites, & de l'utilité que fa Philofophie & les recherches de fes longues études, procuroient au genre humain, comme auffi pour l'aider à continuer les belles expériences qui réqueroient de la dépenfe.

que

Un dernier voyage que M. Defcartes fit à Paris en 1648. fembloit lui promettre un fuccès encore plus heureux. Outre une nouvelle penfion, non moins forte celle dont il venoit d'être gratifié, on lui faifoit efpérer un emploi considérable; & pour l'engager à hâter son retour en France, on lui fit expédier par avance, & on lui envoya les lettres patentes pour cette feconde penfion: mais moins de trois mois fuffirent pour apporter bien du changement dans les affaires publiques, & c'eft ce que M. Defcartes connut, dès qu'il fut arrivé à Paris. » Les troubles » inopinément furvenus, dit-il dans une de fes lettres, » firent qu'au lieu de voir quelques effets de ce qu'on m'a»voit promis, je trouvai qu'on avoit fait payer par l'un de mes proches, les expéditions des lettres qu'on m'avoit envoyées, & que je lui en devois l'argent; de forte que »je femblois n'être venu à Paris, que pour acheter un parchemin le plus cher & le plus inutile qui cut jamais été entre mes mains.

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Mais fon défintereffement fit qu'il fut Feu fenfible à une avanture fi inefperée. Après avoir paflé quelque mois avec fes amis, il regagna fa chere retraite d'Egmond, où il continua à s'y enfoncer toujours plus dans fes méditations Philofophiques.

Cependant, la Reine de Suéde, à qui il avoit envoyé

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