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Julien Merfenne & de Jeanne Moubiere.

Un penchant égal pour l'étude & pour la piété le diftingua dès fa plus tendre enfance. Après avoir fait avec fuccès une partie de fes humanités au Mans, il alla les continuer à la Fléche, dans le nouveau College que Henri le Grand venoit d'établir dans cette Ville. Le jeune Merfenne eut bientôt gagné l'amitié & l'eftime de fes nouveaux Maîtres, & il dut à fon application les plus rapides progrès. Belles-Lettres, Philofophie, Mathématiques, Théologie, il embraffa toutes les fciences, & il n'y en a aucune où l'univerfalité de fon genie ne l'ait fait

exceller.

- Ses études du College finies, il vint à Paris pour y recommencer un cours de Théologie, & ce fut là une nouvelle carriere qu'il remplit avec les plus glorieux fuccès. Cependant le foin qu'il prenoit d'orner fon efprit des plus riches connoiffances, ne lui fit pas négliger celui de former fon cœur par la pratique de la vertu, & ce fut la piété feule qu'il confulta dans le choix d'un état de vie. Un voyage qu'il avoit fait du Maine à Paris, lui avoit donné occafion de vifiter le Couvent du Pleffis-les-Tours occupé par des Peres Minimes ; témoin de la vie fainte & pleine d'édification que menoient ces fervens Religieux, il réfolut d'embraffer le même genre de vie; & perfuadé que la grace ne fouffre point de délai, il fut à peine arrivé à Paris, qu'il y fit toutes les démarches néceffaires pour affurer le fuccès de fon deffein.

Ce fut le 17 Juillet de l'année 1611, qu'il prit l'habit dans le Couvent de Nigeon ou des Bons-Hommes près de Paris, & il alla finir fon année d'épreuve dans le Couvent de faint Pierre de Flubines, près de Meaux.

Son Noviciat achevé, il fut envoyé à Paris pour y prendre les Ordres facrés. Le tenis que fes exercices de piété lui laiffoient de libre, il le confacra tout entier à l'étude de l'Hébreu, qui lui fut enfeigné par le fçavant Jean Bruno, Minime Ecoffois, ancien Docteur dans l'Univerfité d'Alcala & dans celle d'Avignon.

Sur la fin de l'année 1614, le Pere Merfenne fut destiné à aller à Nevers pour y enfeigner la Philofophie & enfuite la Théologie, aux jeunes Religieux de fon Or dre; emploi qu'il remplit avec diftinction pendant quatre années confécutives. Elu Supérieur de cette même Maison, il la gouverna avec une fageffe, & une bonté qui lui gagna la tendreffe & la confiance de tous fes inférieurs; ma is quelque talent qu'il eût pour le gouvernement, fes Supérieurs ne crurent pas devoir le continuer dans un emploi, qui peu conforme à fon inclination, lui déroboit bien des momens qu'il pouvoit plus utilement employer; ainfi dès que le tems de fon adminiftration fut écoulé, ils le rappellerent à Paris, & le laifferent tout entier à fes livres.

Le Public ne fut pas long-tems fans recueillir le fruit de fes veilles; dès l'année 1623, il fit paroître le premier volume de fes Commentaires fur la Genese, & il donna prefqu'en même tems fon Analyse ́ de la Vie fpirituelle, fon Traité de l'Ufage de la raifon, des Remarques fur les Problêmes de George Venitien. L'année fuivante parut fon Livre intitulé, l'impiété des Déiftes, des Athées, & des plus fubtils libertins de ce tems, combattue & renversée par des raifons tirées de la Philofophic & de la Théologie. A cet ouvrage fuccéderent fon Traité de la Vérité des fciences, fon Abrégé de Mathématiques, fes Questions inouies, fes Questions harmoniques & fes Questions Théologiques, Phyfiques, Morales, Mathématiques, avec les Méchaniques de Galilée.

Mais de tous les ouvrages qui font fortis de la plume de ce Sçavant & laborieux Ecrivain, celui qui a fait le plus d'honneur à fon érudition, & qui eft en effet le fruit des plus curieufes recherches & des plus profondes méditations, c'est fon Livre de l'Harmonie univerfelle, divifé en deux gros volumes in-folio.

Dans le premier volume l'Auteur traite de la Nature des fons & des mouvemens des confonances & des diffonances, des genres, des modes, de la compofition,

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de la voix, des chants, & des divers inftrumens qui fervent à l'harmonie. Il rapporte des exemples de toutes fortes de pieces de mufique; il montre en quoi elles different les unes des autres, & ce qui en compofe le véritable caractere.

Le fecond volume contient la pratique des confonances & des diffonances dans le contrepoint figuré, la méthode d'enseigner & d'apprendre à chanter, l'embelliffement des airs, la Mufique accentuelle, la Rhytmique, la Profodie, la Mufique Françoife, la maniere de chanter les Odes de Pindare & d'Horace, l'utilité de l'harmonie, & plufieurs nouvelles obfervations tant phyfiques que mathématiques.

Les autres ouvrages les plus confidérables de ce fçavant Homme, font un Livre des mefures, des poids & des monnoyes des Hébreux, des Grecs & des Romains, réduites à la valeur de celles de France, un Traité des Méchaniques, felon la théorie & la pratique, & un Abrégé de la Géometric univerfelle, & des Mathématiques

mixtes.

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Mais ce ne fut pas par fes feuls ouvrages que ce grand homme travailla à l'avancement des fciences. » Il s'étoit » rendu, dit M. Baillet dans la vie de M. Defcartes » comme le centre de tous les gens de Lettres; ils lui envoyoient leurs doutes & leurs difficultés, pour être propofés par fon moyen à ceux dont on en attendoit la folution. C'étoit à lui qu'aboutiffoient toutes les ❤ nouvelles de litterature, pour les répandre enfuite par » tout le monde fçavant; on le confultoit fur tout ce qui » eft du reffort de l'efprit humain. On lui communiquoit » tous les deffeins, afin qu'il en facilitât l'exécution: it » avoit heureusement jetté parmi les Sçavans une émula» tion honnête pour les exciter à publier les vérités qu'ils » avoient découvertes, ou à s'appliquer à la recherche de celles qui font les plus cachées, & dont plufieurs ont été heureusement développées. Par fes innocentes intrigues,

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lorfqu'il ne pouvoit perfuader ces grands genies à faire » part de leurs travaux au Public, il effayoit de les y » forcer, inferant dans fes Livres ce qu'il apprenoit par » leur communication, & il les trahiffoit en profitant de » leurs lumieres, pour les mettre hors d'état de pouvoir » reculer; au moins empêchoit-il par ce louable artifice, » que la postérité ne fût privée de la connoiffance de » leurs deffeins, & d'une partie de ce qui feroit mort avec

» eux.

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» C'étoit au refte l'homme de fon fiécle qui étoit en réputation d'avoir le meilleur cœur, le plus droit & le plus fimple. Il avoit une bonté devant laquelle les ef prits les moins traitables ne pouvoient tenir. C'étoit la » même chofe de l'aborder & de fe laiffer prendre à ses » charmes. Jamais mortel ne fut plus curieux que

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pour

que lui pénétrer tous les fecrets de la nature, & pour porter toutes » les fciences & tous les arts à leur perfection. Peu de gens » furent plus industrieux à fatisfaire cette infatiable curiofité par des expériences de toutes manieres, par fes propres méditations, & par les relations qu'il entretint avec tous » les Sçavans de l'Europe. Ce fut pour les connoître plus » particulierement qu'il fit quatre fois le voyage d'Italie, qu'il parcourut les principales Provinces de France, & qu'il confacra une année à vifiter la Hollande & les Pays-Bas Catholiques.

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Mais pour faire de ce fçavant Religieux le plus grand éloge, peut-être me fuffiroit-il de dire qu'il a été l'homme de fon fiécle qui a eu le plus de part à la confiance & à l'eftime du célebre M. Defcartes; que pendant plus de vingt ans, il a été le dépofitaire de tous fes fecrets, & fon correfpondant pour tout ce qui concerne la Litterature. » J'avois cet avantage pendant la vie du bon Pere » Merfenne, dit M. Defcartes dans une de fes Lettres » à M. de Carcavi, que bien que je ne m'informasse jamais d'aucune chofe, je ne laiffois pas d'être averti foigneu>>fement de tout ce qui fe paffoit entre les doctes; de

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» forte que s'il me faifoit quelquefois des queftions, il

m'en payoit fort libéralement les réponses, en me » donnant avis fur toutes les expériences que lui ou d'au»tres avoient faites, de toutes les rares inventions » qu'on avoit trouvées ou cherchées, de tous les livres » nouveaux qui étoient en quelque eftime, & enfin de » toutes les controverfes qui étoient entre les Sçavans.

L'homme illuftre dont nous venons de faire l'éloge, mourut d'un abcés au côté, le premier Septembre 1648, étant âgé de 60 ans moins huit jours.

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RENÉ DESCARTES.

ENE' DESCARTES le plus grand Philofophe de fon fiécle, iffu d'une des plus nobles & des plus anciennes Familles de la Tourraine, & qui tient encore aujourd'hui un rang diftingué dans la Bretagne, & dans le Poitou, naquit à la Haye en Tourraine, le 13 Mars 1696, de Joachim Defcartes, Confeiller au Parlement de Rennes, & de Claude Ferrand, Sœur d'Antoine Ferrand, Lieutenant particulier au Châtelet de Paris.

Une avidité extrême de fçavoir les caufes naturelles de tout ce qui fe préfentoit à fes yeux, lui fit donner le nom de Philofophie dès fa plus tendre enfance. Agé de huit ans, il fut envoyé à la Flèche pour y commencer fes études, dans le nouveau College des Jefuites, que le Roi Henri-le-Grand venoit de fonder dans cette Ville. Un parent du jeune Defcartes, le Pere Charlet, prit un foin particulier de fon éducation, & ce fut avec le plus heureux fuccès. Si fon jeune Eleve fe diftingua dans fes humanités, il brilla encore plus en Philofophie, & furtout dans les Mathématiques. Ce fut moins au refte à la lecture ou aux leçons qu'il recevoit, qu'à de profondes méditations, qu'il dut les grands progrès qu'il fit danş cette fcience.

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