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délicieuse pour l'efprit; l'ordre & la précision des idées l'ont prefque difpenfé d'employer des paroles. Il n'a voulu que faire penfer, plus foigneux d'exciter les découvertes d'autrui, que jaloux d'établir les fiennes.

Auffi cet excellent ouvrage n'eut pas plutôt été répandu dans le public, qu'il devint l'objet de l'admiration de tout le monde Géométre: le fruit que les jeunes Mathématiciens en recueillirent fut prodigieux. Les problêmes les plus difficiles, & dont ils n'auroient point ofé auparavant chercher le dénouement, leur parurent faciles à réfoudre, & furent pour eux des coups d'effai.

Le fuccès de ce livre encouragea M. le Marquis de l'Hôpital, à former le plan d'un autre ouvrage, non moins utile, & non moins inftructif, où il fe propofoit de faire entrer, mais d'une maniere plus étendue & plus detaillée que ne l'a fait M. Descartes dans fa Géométrie, généralement tout ce qui concerne les fections coniques, les lieux Géométriques, la conftruction des équations, & la Théorie des courbes Méchaniques.

La prodigieufe application avec laquelle il fe livra à cet important travail, que le feul interêt de l'utilité publique lui avoit fait entreprendre, altera confiderablement La fanté. Il fe difpofoit à mettre la derniere main à cet ouvrage, qui devoit être d'une inftruction générale pour Les jeunes Géométres, lorfqu'il fut attaqué au commencement de 1704, d'une fiévre qui ne parut pas d'abord dangereuse, mais qui réfifta néanmoins à tous les remédes, & qui termina fes jours le fecond Fevrier, étant âgé seulement de quarante-trois ans.

M. le Marquis de l'Hôpital avoit été reçu en 1693 Membre honoraire de l'Académie des Sciences. Depuis fa mort on a publié de lui en 1707, un Traité des sections coniques. Il avoit époufé Marie-Charlotte de Romilley de la Chefnelaye, demoiselle d'une ancienne Nobleffe de Bretagne, dont il a eu un fils & trois filles.

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GUILLAUME AMONTONS.

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UILLAUME A MONTONS, fils d'un Avocat originaire de Normandie, mais qui étoit venu s'établir à Paris, naquit en cette Ville le 31 Août 1663. Une furdité confidérable qui fut la fuite d'une maladie, dont il fut affligé lorsqu'il étudioit encore en troifiéme, décida du genre d'étude, qui l'occupa pendant toute sa vie.

Cette incommodité, qui en le féqueftrant du commerce des hommes, le laiffoit entierement livré à lui-même,, lui fit tourner fes penfées vers les machines, étant perfuadé que le feul fecours des yeux fuffifoit pour réuffit dans cette fcience: il ne fut pas long-tems fans fe détromper. La premiere machine qu'il entreprit ( ce fut celle du mouvement perpétuel) dont il ne connoiffoit ni l'impoffibili té ni la difficulté, lui apprit qu'il y avoit des principes qu'il falloit néceffairement fçavoir, fi l'on vouloit travailler avec fuccès. Il s'appliqua donc à la Géométrie, & paffa de là au deffein, à l'arpentage & à l'architectuture. Convaincu qu'il devoit en partie les progrès qu'il fit dans ces differens arts, au redoublement d'attention & de recueillement que lui procuroit fa furdité ; jamais on ne put le réfoudre à faire aucun remede pour en guérir : femblable en quelque façon, dit M. de Fontenelle, à cet ancien qui fe creva les yeux, pour n'être pas diftrait dans fes méditations philofophiques.

La grande capacité que M. Amontons acquit dans les méchaniques, lui mérita d'être employé à divers ouvrages publics, aufquels il eut la meilleure part, foit pour l'invention, foit pour l'exécution. De la méchanique qui a inventé ou perfectionné les arts, il s'éleva à celle qui a préfidé à la construction de l'univers.

Les Barometres, les Thermometres, les Hygrometres,

& les autres inftrumens destinés à mefurer des variations phyfiques, n'avoient pas encore à beaucoup près toute la perfection, dont ils étoient fufceptibles: on pouvoit en rendre l'ufage & plus utile & plus commode ; & c'est ce que M. Amontons entreprit. Il n'avoit encore que vingt quatre ans, qu'il préfenta à l'Académie des Sciences un nouvel Hygrometre, qui fut admiré comme un chef d'œuvre ; & il imagina auffi differentes nouvelles conftructions de Barometres & de Thermometres, qu'il communiqua à M. Lubin, fameux Emailleur, fort verfé dans ces matieres. Celui-ci ne connut bien le prix de ces inventions, que dans un voyage qu'il fit quelque tems après en Angleterre, où il arriva que les plus habiles Méchaniciens de la Société de Londres, lui propoferent les mêmes idées, dont M. Amontons lui avoit fait part.

rence,

Cet ingénieux Machinifte avoit imaginé un moyen pour faire fçavoir en très peu de tems, comme en trois ou quatre heures, tout ce qu'on voudroit à une très grande distance ; par exemple de Paris à Rome, & même fans que la nouvelle fût fçue dans tout l'efpace d'entre deux. Cette propofition fi paradoxe, & fichimérique en appafut exécutée dans une petite étendue de pays une fois en présence de Monfeigneur, & une autre en présence de Madame; car quoique M. Amontons n'entendît nullement l'art de fe produire dans le monde, il étoit deja connu des plus grands 'Princes à force de mérite. M. de Fontenelle nous apprend que ce fecret confiftoit à difpofer dans plufieurs poftes confécutifs, des gens qui par » lunettes de longue vûe, ayant apperçu certains fignaux "du pofte précédent, devoient les tranfmettre au fuivant, » & toujours ainfi de fuite; & ces differens fignaux étoient "autant de lettres d'un alphabet, dont on n'avoit les chiffresqu'à Paris & à Rome. La plus grande portée des lu»nettes faifoit la diftance des poftes, dont le nombre de» voit être le moindre qu'il fût poffible; & comme le fe"cond pofte faifoit les fignaux au troifiéme, à mesure

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qu'il les voyoit faire au premier, la nouvelle fe trouvoit portée à Rome prefqu'en auffi peu de tems qu'il en fal»loit pour faire les fignaux à Paris. Il faut fuppofer que ceux qui étoient prépofés pour donner ces fignaux, devoient être informés du jour & de l'heure précise où ils devoient commencer, pour qu'ils fuffent exacts à fe trouver au moment marqué, dans les poftes qui leur auroient été affignés. C'eft ainfi qu'on auroit pu établir des correspondances également sûres & commodes, mais il auroit fallu pour cela que ces fignaux n'euffent point trouvé d'obftacles dans leur chemin, qui euffent empêché leur communication ; & c'est ce qui ne paroît gueres poffible : re

venons.

Jufqu'en 1695, M. Amontons ne s'étoit fait connoître que par l'invention de quantité de machines, qui toutes tendoient à la perfection des Arts: mais il n'avoit point encore donné d'ouvrages au Public. Il fit paroître cette année-là fon livre intitulé, Remarques & Expériences fur la construction d'une nouvelle Elepfide, fur les Barometres, Thermometres & Hygrometres, qu'il dédia à l'Académie des Sciences. La principale utilité de cette nouvelle Elepfide, étoit qu'elle pouvoit fervir fur mer, parce qu'elle étoit faite de façon, que le mouvement le plus violent que pût avoir un vaiffeau, n'étoit point capable de la dérégler avantage que l'on ne peut gueres se promettre des autres horloges.

Cet Ouvrage qu'il dédia à l'Académie des Sciences, lui obtint une place dans cette Compagnie, où il fur reçu en 1699. Il donna la même année un Mémoire, où il dévelopoit divers moyens de fubftituer l'action du feu à la force des hommes & des chevaux pour mouvoir les machines, avec une fçavante Differtation fur la réfiftance caufée dans les machines, tant par le frot tement des parties qui les compofent, que par la roideur qu'on y employe, & la maniere de calculer l'un & l'au tre. En 1703, il communiqua à l'Académie fon Ther

mométre réduit à une mefure fixe & certaine, & le moyen d'y rapporter les obfervations faites avec les anciens Thermométres. Deux années après, il fit paroître fon Barométre fans mercure à l'ufage de la mer, des expériences fur la raréfaction de l'air, & des remarques fur la hauteur du mercure dans les Barometres. Ce furent là les derniers ouvrages dont cet habile Méchanicien enrichit les Mémoires de l'Académie. Il mourut le 11 Octobre de la même année 1705, ayant été attaqué d'une inflammation d'entrailles, qui fut fuivie de la gangrenne. Il étoit âgé de quarante-deux ans, & près de deux mois. Il avoit été marié, & n'a laiffé qu'une fille.

Sa dextérité pour l'exécution égaloit la facilité qu'il avoit à inventer, & furtout à imaginer des reffources pour lever les inconvéniens. Il avoit auffi un talent particulier pour les expériences; & toutes celles qu'il faifoit étoient d'autant plus sûres, qu'il apportoit toute la folidité, toute la retenuë, toute la défiance néceffaires pour les rendre infaillibles.

Ces talens de l'efprit étoient accompagnés des qualités du cœur les plus estimables: » une droiture fi naïve & » fi peu méditée qu'on y voyoit, dit M. de Fontenelle l'impoffibilité de fe démentir, une franchise, & une » candeur que le peu de commerce avec les hommes pouvoit conferver, mais qu'il ne lui avoit pas donné ; » une entiere incapacité de fe faire valoir autrement » que par fes ouvrages, ni de faire fa cour autrement » que par fon mérite, & par conféquent une incapacité » prefqu'entiere de faire fortune.

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