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Paris chen Odieuvre M ́d'Estampes Quan de Diole vis-à-vis le côté de la Samaritaine à la belle Image

A. P.R

Ses études achevées, il revint dans fa Famille, & pendant une année qu'il y demeura, il ne s'appliqua qu'à se former dans les exercices convenables à un jeune homme de fa condition deftiné à la profeffion des armes. Mais comme fa grande jeuneffe, jointe à la délicateffe de fa complexion, ne lui permettoient point encore de s'expofer aux travaux de la guerre, il fut réglé, qu'avant d'entrer au service, il iroit paffer quelques années à Paris, pour achever de polir fon éducation.

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Chargé feul du foin de fa conduite, il fe propofa d'éviter avec foin tout excès qui deshonore; mais fa fageffe ne s'étendit pas plus loin. Le jeu, & ce fut-là fa paffion chérie, les promenades, les fpectacles devinrent fa feule occupation; nul commerce avec les lettres, il paroiffoit même très-perfuadé de l'inutilité des études qu'il avoit faites au College : de la Logique qu'il y avoit apprise, il ne voulut retenir que les quatre principes fuivans: qu'on ne doit tenir pour vrai que ce qui eft très-évi» dent; qu'il faut divifer les chofes pour les connoître ; qu'il faut conduire fes penfées par ordre & qu'il ne faut » rien omettre dans ce qu'on divife. Et quant à la morale, il s'en tint de même aux quatre maximes qui fuivent: Qu'il faut obéir aux loix & même aux coutumes de fon » pays; qu'il faut être ferme dans fes réfolutions, & fui»vre auffi conftamment les opinions douteufes, quand » on y eft une fois déterminé, que les plus affurées qu'on doit travailler plutôt à fe vaincre foi-même qu'à » vaincre la fortune, & qu'il faut rechercher la vérité » fur toutes chofes, & en faire fon principal emploi, fans » blâmer les occupations des autres.

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Cependant M. Defcartes ne fut pas long-tems fans fe dégoûter des divertiffemens qui l'avoient amufe le plus agréablement ; & ce dégoût fut le fruit des fréquentes converfations qu'il eut avec le célebre Pere Merfenne, Minime, fon ancien compagnon d'étude : réfolu de n'avoir plus de commerce qu'avec fes livres, il loua fe

crettement une petite maifon dans le Faubourg S. Germain; & pendant plus de deux ans qu'il demeura enfevéli dans cette folitude, il y confacra tous fes momens à l'étude des Mathématiques, & s'attacha particulierement à perfectionner l'Analyse des Anciens & l'Algebre des Modernes.

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Le defir de fe mettre à portée de mieux connoître les hommes, bien plus qu'une véritable inclination pour la profeffion des armes, arracha M. Defcartes de fa retraite au commencement de Mai de l'année 1617. Agé alors de 21 ans, il prit le parti d'aller fervir en qualité de volontaire, fous le Prince Maurice de Naffau, l'un des plus grands Capitaines de fon fiècle. Il fervit enfuite en Allemagne fous le Duc de Baviere, & en Hongrie, fous le Comte de Bucquoi. Mais moins occupé de fon métier que de l'étude, il brilla bien plus par sa science que par fa bravoure.

Pendant fon féjour à Breda, il lui arriva une aventure trop finguliere pour ne pas la rapporter ici. Un inconnu ayant fait afficher un Problême de Mathématiques écrit en Flamand, , pour le propofer aux Sçavans & en demander la folution, M. Defcartes curieux de fçavoir ce que cet écrit contenoit, demanda à un paffant qu'il lui en donnât l'explication en Latin ou en François. Celui à qui le hafard l'adreffoit, étoit le fameux Beeckman, Principal du College de Dort, & fort verfé dans les Mathématiques. Cependant comme la folution du Problême propofe, lui paroiffoit extrêmement difficile, il ne s'engagea à contenter la curiofité du jeune François, qu'à condition qu'il lui feroit part de la folution de ce Pro blême, s'il étoit affez heureux pour la trouver; & làdeffus il lui donna par écrit fon nom & fon adreffe. Dès le lendemain M. Defcartes alla trouver le Mathématicien Hollandois, qui ne put refufer fon admiration à la facilité & à la jufteffe avec laquelle il étoit venu à bout de réfoudre le Problême de l'inconnu, Son étonnement re

doubla

doubla lorfqu'il l'eut entendu expliquer avec autant de netteté que de précision, ce qu'il y a de plus abftrait dans les Mathématiques. La conclufion de cette converfation fut que ces deux Sçavans ne fe féparerent qu'après s'être promis d'entretenir enfemble un commerce de lettres qui ne finiroit qu'avec leur vie.

Après quatre campagnes qui ne peuvent guères être confidérées que comme de fimples voyages, M. Defcartes renonça à la profeffion des armes. Mais avant que de revenir en France, fa curiofité le conduifit dans diverses autres Provinces de l'Allemagne & de la Hollande qu'il n'avoit point encore vûes.

Ce fut au commencement de Mars de l'année 1622, qu'il revint enfin à Rennes, après une absence de neuf ans. Quelque fenfible qu'il fût aux marques de tendresse qu'il recevoit de fa Famille, elles ne furent cependant pas capables de fixer fon humeur ambulante. Nous ne le fuivrons pas dans toutes fes courses, dont on peut voir le récit dans la volumineuse histoire de fa vie écrite par

M. Baillet,

M. Defcartes venoit de vendre fa Terre du Perron, & quelques autres biens fitués en Anjou, qu'il avoit hérités de fa mere lorfque fa curiofité lui fit entreprendre le voyage d'Italie qu'il méditoit depuis longtems. Il parcourut la Suiffe, le Pays des Grifons, l'Etat de Venife, arriva à Rome au mois de Novembre 1624, & se trouva dans cette Capitale du monde Chrétien durant le Jubilé. Il en partit au commencement du Printems de l'année fuivante, & revint en France par la Toscane & le Piémont,

De retour à Paris, il y lia connoiffance avec tout ce qu'il y avoit de perfonnes les plus diftinguées par leur fcience, & il s'attacha particuliérement à ceux qui comme lui n'avoient pour objet dans leurs études que la recherche de la vérité. Jufqu'alors irréfolu fur l'état de vie qu'il embrafferoit, après bien des réflexions, il fe détermina Tome II.

B

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