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a mis principalement aux instituteurs des Ordres et Congrégations, non-seulement les prémices de ces instituts-là, mais une si grande abondance de grâces, que leurs vertus héroïques sont autant d'exemplaires accomplis, dont leurs suivans ont autant à tirer en eux des copies, qui seront d'autant plus excellentes qu'elles approcheront de plus près de ces originaux.

Sur ce que je lui disois un jour, que j'avois tellement les yeux attachés sur lui, et que j'étudiois avec tant d'attention toutes ses démarches, qu'il pensât bien à ce qu'il feroit devant moi; car je vous assure, lui dis-je, que je l'imiterois aussitôt, et croirois pratiquer une vertu.

C'est grande pitié, me dit-il, que l'amitié, aussibien que l'amour, ait un bandeau sur les yeux, et nous empêche de discerner entre les défauts et les perfections d'une personne aimée. Quelle pitié! Il faudra donc que je vive auprès de vous, comme en une terre d'ennemis, et que vos yeux et vos oreilles me soient aussi suspects que des espions.

Néanmoins vous me faites plaisir de me parler de la sorte; car un homme averti en vaut deux. C'est me dire Fils de l'homme, prends garde à toi, et sois toujours en une bonne démarche, puisque Dieu et les hommes veillent sur toi.

Nos ennemis nous observent pour nous reprendre, et nous nuire en nous blâmant; nos amis devroient avoir une même attention sur nous, mais avec un dessein tout autre, à savoir pour nous avertir de nos manquemens, et nous en corriger.

Vous le dirai-je, pourvu que vous ne m'en preniez pas à partie, vous m'êtes plus cruel que tout cela; car non- seulement vous me refusez une main favorable pour me relever de mes défauts par de salutaires et charitables avertissemens; mais encore il semblé que vous vouliez me rendre complice de vos fautes par cette injuste imitation.

Pour moi, Dieu m'a donné d'autres sentimens

pour vous; car j'ai, pour ce qui vous regarde, une telle jalousie de Dieu, et je désire avec tant d'ardeur vous voir marcher droit en ses voies, que le moindre défaut en vous m'est insupportable; vos mouches me sont des éléphans; et tant s'en faut que je les voulusse imiter, que je vous proteste que je me fais une extrême violence quand je les dissimule quelque temps, attendant pour vous en avertir une occasion favorable.

CHAPITRE VIII.

De la Communication.

UNE steur demandoit un jour à notre Bienheureux

ce qu'il falloit faire pour bien conserver l'esprit de la Visitation, et l'empêcher qu'il ne se dissipât; il lui répondit: « L'unique moyen est de le tenir enfermé " et enclos dans l'observance.

» Mais vous dites, ajoute notre Bienheureux, qu'il " y en a qui sont tellement jalouses de l'esprit de » leur Institut, qu'elles ne voudroient point le communiquer hors de la maison.

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» Il y a de la superfluité en cette jalousie, dit notre Bienheureux, laquelle il faut retrancher; car à quel "propos, je vous prie, vouloir céler au prochain ce » qui qui lui peut profiter? Je ne suis pas de cette opi»nion; car je voudrois que tout le bien qui est en la » Visitation fût reconnu et su d'un chacun, et pour >> cela j'ai toujours été de cet avis, qu'il seroit bon de "faire imprimer les Règles et Constitutions, afin que >> plusieurs les voyant, en puissent tirer quelque uti» Îité. Plat à Dieu qu'il se trouvât beaucoup de gens qui les voulussent pratiquer ! l'on verroit bientôt » de grands changemens en eux, qui réussiroient à » la gloire de Dieu et au salut de leurs ames. Soyez

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"grandement soigneuses de conserver l'esprit de la » Visitation; mais non pas de manière que ce soin » empêche de le communiquer charitablement et » avec simplicité au prochain, chacun selon leur capacité ; et ne craignez pas qu'il se dissipe par cette " communication, car la charité ne gâte jamais rien, » au contraire elle perfectionne toutes choses."

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CHAPITRE I X.

De la lecture des bons Livres.

Pour lire utilement, il ne faut lire qu'un livre à la fois, et encore le faut-il lire par ordre, c'est-à-dire, d'un bout à l'autre.

Ce n'est pas seulement l'utile qui doit nous porter à cette suite et continuité de lecture, mais encore l'agréable, car de cette façon nous faisons comme les voyageurs qui se délassent en marchant, par la découverte de nouveaux objets et de diverses perspectives; nous allons toujours en de nouvelles pensées, ce qui réjouit l'esprit.

Ceux qui n'ont point de lecture arrêtée, mais qui sautent d'un livre à un autre, se dégoûtent bientôt de tous et se rebutent de cet exercice, qui est la plus agréable nourriture de l'esprit et l'un des plus doux charmes de la vie. Notre Bienheureux appeloit la lecture l'huile de la lampe de l'oraison.

Les Médecins disent, que pour la conservation de la santé, il est bon de ne manger à chaque repas que d'une viande; cette variété de mets que l'on présente aux festins, l'altérant beaucoup. Je crois que les Médecins spirituels peuvent dire la même chose de la nourriture spirituelle qui se tire de la lecture, et que la multiplicité des Livres est plus nuisible que profitable.

CHAPITRE X.

De la Vertu.

C'EST une erreur assez commune, même parmi les personnes spirituelles, de s'imaginer avoir les vertus, dont elles ne connoissent pas en elles les actions, des vices contraires. On ne sauroit croire combien de gens s'endorment avec les coudes appuyés sur ce faux oreiller. Cependant il y a une grande distance entre les actions et l'habitude d'une vertu, et les actions et l'habitude du vice qui lui est opposé. Cesser de faire mal, diminue l'habitude vicieuse; mais pour acquérir et augmenter la vertu, cela ne suffit pas il faut s'y exercer et en produire les actes.

Qu'une personne soit douce, n'ayant personne qui l'irrite, qui l'offense, qui la contredise, ce n'est pas une grande merveille; mais plutôt ce seroit une chose étrange, si elle étoit aigre et fàcheuse parmi les complaisances, les soumissions et les déférences. Les animaux les plus cruels et les plus farouches s'apprivoisent auprès de ceux qui leur font du bien et qui ne les agacent pas; et aussi tient-on pour une rage que le tigre devienne plus furieux quand il entend la musique.

Il y a des naturels qui paroissent fort doux, tandis que tout leur rit; mais touchez ces montagnes, aussitôt elles fumeront. Ce sont des charbons ardens cachés sous la cendre. Ce n'est pas grand'chose, disoit S. Grégoire, d'être bons avec les bons; mais de l'être parmi les méchans, de faire du bien à ceux qui nous persécutent, et de parler doucement, modestement, modérément à ceux qui déchirent notre réputation, c'est avoir l'ame semblable au sommet du mont Olympe, qui n'est point sujet aux orages de l'air.

Ceux qui parlent si bien de la vertu de douceur ou de patience, et qui sautent aux nues à la moindre parole offensante, et qui en forment des plaintes partout, montrent bien qu'ils n'ont ces vertus que sur le bord des lèvres, mais que la racine n'en est pas dans le cœur.

Voici comme notre Bienheureux s'explique sur ce sujet : « La vertu de force, et la force de vertu, ne » s'acquièrent jamais au temps de la paix, et tandis » que nous ne sommes pas exercés par la tentation de » son contraire. Ceux qui sont fort doux, tandis qu'ils » n'ont point de contradiction et qu'ils n'ont point » acquis cette vertu l'épée à la main, sont vraiment "fort exemplaires et de grande édification; mais si » vous venez à la preuve, vous les verrez incontinent » remuer, et témoigner que leur douceur n'étoit pas » une vertu forte et solide, mais imaginaire plutôt » que véritable. Il y a bien de la différence entre » avoir la cessation d'un vice, et avoir la vertu qui » lui est contraire. Plusieurs semblent être fort ver» tueux, qui n'ont pourtant point de vertu, parce » qu'ils ne l'ont pas acquise en travaillant. Bien sou» vent il arrive que nos passions dorment et demeu» rent assoupies; et si pendant ce temps-là nous ne "faisons provision de force pour les combattre et » leur résister quand elles viendront à se réveiller, » nous serons vaincus au combat. Il faut toujours de» meurer humbles, et ne pas croire que nous ayons » les vertus, quoique nous ne fassions pas au moins " que nous sachions) des fautes qui leur soient con» traires. >>

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