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se; et le saint Evêque qui ne s'étoit point défait de son zèle en se défaisant de son Siége Episcopal, fut persuadé que Dieu, par la bouche de l'Archevêque, demandoit de lui qu'il reprît de nouveau le travail. Il se rendit à la proposition que lui fit François de Harlay, de l'associer à sa sollicitude Pastorale; et l'Evêque qui venoit de conduire en chef une Eglise dont il n'avoit à rendre compte qu'à Dieu seul, ne fit aucune difficulté de se charger une seconde fois du fardeau de l'Episcopat, en qualité de VicaireGénéral de l'Archevêque de Rouen, renonçant, comme saint Paul, à sa liberté, pour devenir serviteur de tous, afin de gagner plus de personnes à Jésus-Christ: tant il est vrai, ce que dit le même Apôtre, que la charité n'est point dédaigneuse, et qu'elle ne cherche que les intérêts du prochain.

L'ancien Evêque de Belley travailla avec tout le succès capable de faire naître de grands regrets dans le cœur des peuples du Diocèse qu'il avoit quitté, en même temps que ce succès lui attiroit les bénédictions des Fidèles de l'Eglise de Rouen. Cependant, tout disposé qu'il fût à continuer ses travaux, s'il eût su que la volonté de Dieu eût été qu'il ne les discontinuât pas, le secret penchant, qui, au milieu de ses travaux mêmes, l'emportoit à la retraite, sans pourtant le dégoûter de ses occupations, lui fit croire que cette forte inclination venoit de Dieu; et il le remercia de ce qu'après lui avoir fait l'honneur de le charger de la conduite de son troupeau, il lui faisoit la grâce de l'attirer dans la solitude, pour lui procurer le moyen de faire pénitence des fautes qu'il pouvoit avoir commises, et d'obtenir de lui miséricorde, quand il rendroit compte de son adminis

tration.

Il prit donc le parti de se retirer pour toujours; et afin de se dédommager autant qu'il le pourroit, de la consolation dont il seroit privé, en ne travaillant plus au-dehors pour l'utilité des Fidèles, il voulut

avoir celle de passer le reste de ses jours avec les pauvres. Il vint à Paris, et ce fût l'Hôpital des Incurables qu'il choisit pour le lieu de sa demeure. Cependant la résolution qu'il avoit prise de ne plus se donner qu'aux exercices qui ne le demandoient point au-dehors, n'empêcha pas que le Roi, informé des grands biens que ce pieux Evêque étoit encore en état de faire dans un Diocèse dont il seroit chargé, ne le nommât à l'Evêché d'Arras.

Le zélé Prélat, toujours prêt à rendre service à l'Eglise, et à suivre la volonté de Dieu, toute opposée qu'elle parût au dessein qu'il avoit déja commen. cé d'exécuter, crut la reconnoître dans une nomination où il n'avoit aucune part. Il accepta l'Evêché. Mais il parut que le Seigneur ne l'avoit mis dans la situation où il étoit, que pour lui donner la consolation d'y finir ses jours; car, avant que les Bulles pour cet Evêché fussent venues de Rome, il mourut dans le lieu de sa retraite, le 26 Avril 1652, dans la soixante-dixième année de son âge. Il avoit souhaité que son corps fut inhumé dans l'Eglise de l'Hôpital des Incurables: sa volonté fut exécutée.

Jean Pierre Camus, Evêque de Belley, fut un des plus saints prélats de l'Eglise de France. Il avoit beaucoup d'esprit dans un corps très-pénitent, le cœur brûlant d'amour pour Dieu et de zèle pour le salut du prochain. La grandeur et la piété de ses sentimens se font admirer dans le grand nombre d'Ouvrages qu'il a composés, et en particulier dans les Lettres qu'il écrivit à saint François de Sales, son intime ami; Lettres qui, comme celles que ce saint Prélat lui écrivit, sont dignes des Evêques des premiers siècles.

L'ESPRIT

DE S. FRANÇOIS

DE SALES,

ÉVÊQUE ET PRINCE DE GENÈVE.

PREMIÈRE PARTIE.

CHAPITRE PREMIER.

De la Vérité charitable.

EN parlant de lacor rection fraternelle, notre bien

heureux François m'a souvent fait une remarquable leçon je dis souvent, parce qu'il me l'a répétée et inculquée plusieurs fois pour la graver puissamment en ma mémoire.

Cette maxime excellente pourra être utile à toute sorte de personnes, mais surtout à celles qui gouvernent et qui ont quelque intendance sur les autres. » La » vérité, disoit-il, qui n'est pas charitable, procède » d'une charité qui n'est pas véritable. » Parole fidèle, digne d'être bien reçue, et soigneusement méditée.

Il avoit appris par de fidèles rapports de temoins oculaires et auriculaires, que quand je commençai

A

à exercer la Charge Episcopale, je pratiquois en mes visites un zèle amer, immodéré; et pour parler plus clairement, qui étoit vraiment indiscret et sans science, et faisois en cet esprit des répréhensions âpres, rudes et accompagnées de paroles dures.

Il me prit un jour fort à propos, et selon sa prudence, sa discrétion et son adresse, qui n'étoient pas moins admirables que sa douceur; il m'insinua dans l'esprit cette parole dorée, qui depuis y est demeurée empreinte si fortement, que jamais elle n'en est sortie.

Sans doute que les personnes qui sont en charge, et obligées par leur condition de corriger ceux qui sont répréhensibles, quand elles disent des vérités de dure digestion, doivent les cuire à un feu si ardent de charité et de dilection, que toute âpreté en soit ôtée; autrement ce sera un fruit mal mûr, qui donnera plutôt des tranchées, qu'une bonne et solide nourriture.

Et c'est une marque fort évidente que la charité du cœur n'est pas véritable, quand la parole de vérité que la langue profère n'est pas assaisonnée de charité.

CHAPITRE I I

Comment on connoît si la Vérité procède de la Charité.

JE demandois un jour à notre Bienheureux à quoi

l'on pouvoit connoître si la correction procédoit de la charité.

Il me répondit avec cette solidité de jugement qui servoit de guide à toutes ses actions, et de flambeau à toutes ses paroles : « La vérité procède de la

* Ideò debemus amando corripere, non nocendi aviditate, sed studio corrigendi.... Si amore tui id facis, nihil facis. Si amore illius facis, optimè facis. S. Aug. sermon, 82. aliàs 16. de Verbis Domini, c. 3.

» charité, lorsqu'on ne dit cette vérité que pour l'a"mour de Dieu, et pour le bien de celui qui est "repris » réponse notable, et qui touche le vrai but, et la dernière fin de toutes nos actions; parce que la charité entre toutes les marques qui la distinguent des autres vertus, a cela de propre de ne point chercher ses propres intérêts.

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Toutes les autres vertus se terminent à leurs propres sujets, et n'ont pour fin que le bien de la créature: la seule charité, ainsi que l'Apôtre nous l'apprend, ne recherche que le bien de l'objet souverainement aimé (qui est Dieu,) et de ce qui a rapport à lui en dernière fin.

C'est pourquoi, si celui qui reprend un autre, à quelqu'autre fin que l'honneur de Dieu et le bonheur éternel de celui qui est repris, en tant que par la correction de sa faute la gloire de Dieu est avancée ; sans doute que cette vérité ne sortira point de l'esprit de charité, mais de quelque autre source.

Il vaut mieux taire une vérité, que de la dire de mauvaise grâce; autrement c'est présenter une bonne viande, mais mal apprêtée, et donner une médécine à contre-temps. Ne sera-ce donc point la retenir prisonnière en injustice? Non certes, mais ce seroit la produire avec injustice; parce que la vraie justice de la vérité, et la vérité de la justice, est en la charité. Le silence judicieux est toujours meilleur qu'une vérité non charitable.

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Autre marque de la Vérité procédant de la Charité.

DEMANDAN

EMANDANT à notre Bienheureux une autre marque pour reconnoître quand la correction seroit animée de la charité; comme il avoit le cœur tout

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