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DIX-SEPTIÈME PARTIE.

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CHAPITRE PREMIER.

Des Infirmes.

Qui est infirme, disoit le grand Apôtre, à l'infirmité duquel je ne prenne part? Notre Bienheureux avoit beaucoup de cet esprit du saint Apôtre, aimant d'une manière particulière les infirmes tant du corps que de l'esprit.

Il disoit que, dans l'année de probation établie dans les Communautés avant la profession, on étoit trop exact à considérer les infirmités corporelles et spirituelles; comme si les Couvens n'étoient pas autant d'hôpitaux pour panser les malades tant du corps que de l'esprit.

Il est vrai que, comme il y a certaines maladies corporelles contagieuses, qui obligent de séparer de la compagnie des personnes saines, celles qui en sont atteintes; il y en a aussi de spirituelles, comme l'incompatibilité et l'incorrigibilité, pour lesquelles on peut refuser de recevoir à la profession.

« Je suis, disoit notre Bienheureux, grand parti»san des infirmes, et j'ai toujours peur que les in» commodités que l'on en reçoit, n'excitent un es» prit de prudence dans les maisons, par lequel on » tâche de s'en décharger, sans congé de l'esprit de » charité. Je favorise donc le parti de votre infirme,. » pourvu qu'elle soit humble, et se reconnoisse » obligée à la charité. Ce sera un saint exercice con»tinuel pour la vertu des Soeurs. n

CHAPITRE II.

De la Cour.

Quoi qu'en pensent et en disent bien des per

sonnes, notre Bienheureux ne regardoit pas la Cour comme un lieu contraire à la sainteté. Une ame qui a la grâce de Dieu, et qui s'y conserve pure, peut y faire son salut; et il n'y a point de conversation si contagieuse que ce préservatif céleste ne surmonte.

Abraham parmi les Idolâtres, Loth dans une ville exécrable, et Job en la terre de Hus, furent Saints au milieu des méchans. « David, et après lui S. Louis, >> dit notre Bienheureux, parmi tant de hasards, de » travaux et d'affaires, s'y sont sanctifiés. »

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» S. Bernard, continue-t-il, ne perdoit rien du » progrès qu'il désiroit faire au saint Amour, quoiqu'il fût dans les Cours et dans les Armées des » grands Princes, où il s'employoit à réduire les » affaires d'Etat au service de la gloire de Dieu. Il » changeoit de lieu, mais il ne changeoit point de » cœur, ni son cœur d'amour, ni son amour d'objet; » et pour parler son propre langage, ces mutations » se faisoient en lui, mais non pas de lui, puisque » quoique ses occupations fussent fort différentes, il » étoit indifférent à toutes occupations, et différent de toutes occupations, ne recevant pas la couleur » des affaires et des conversations, comme le caméléon celle des lieux où il se trouve; mais demeu»rant toujours uni à Dieu, toujours blanc de pureté, toujours vermeil de charité, et toujours plein d'hymilité.

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>> Les Israélites avoient raison, dit-il, de s'excu» ser aux Babyloniens qui les pressoient de chanter » les sacrés Cantiques de Sion; mais ne voyez-vous "pas aussi que ces pauvres gens étoient non-seule

» ment

» la Guerre Dieu !?

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ment parmi les Babyloniens, mais encore captifs » des Babyloniens. Quiconque est esclave des faveurs » de la Cour, du succès du Palais, de l'honneur de c'en est fait, il ne sauroit » chanter le Cantique de l'amour divin: mais celui » qui n'est en Cour, en Guerre, au Palais, que par » devoir', Dieu l'assiste, et la douceur céleste lui sert » d'épithème sur le cœur, pour le préserver de la » contagion qui règne en ces lieux. »

Il y a des poissons qui, au lieu d'empirer, se rendent meilleurs et de plus savoureux goût, quand il quittent les eaux salées de la mer, pour entrer dans les eaux douces des rivières, comme les saumons, les aloses et semblables; et de même que les roses redoublent leur odeur plantées auprès des aulx, il y a aussi des ames qui redoublent leur piété dans les lieux où le libertinage et l'indévotion semblent trainer la vertu en triomphe.

Telle étoit celle de notre Bienheureux; car sachant que celui qui étoit consacré à Dieu ne doit point s'embarrasser dans les intrigues du siècle; voici comment il parle à une ame confidente: « Il faut avouer qu'en » matière de négociations et d'affaires, surtout » mondaines, je suis plus pauvre Prêtre que je ne » fus jamais, ayant, grâces à Dieu, appris à la Cour » à être plus simple et moins mondain. "

CHAPITRE II I.

Du Découragement....

LA plus lâché de toutes les tentations, avoit coutume de dire notre Bienheureux, est celle du décou ragement. Quand l'ennemi nous a fait perdre le courage de faire progrès en la vertu, il a bon marché de nous, et nous pousse Lientôt après dans le préci pice du vice.

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Pour corriger ce défaut, notre Bienheureux disoit un jour à une ame : Ayez patience avec tous, mais » principalement avec vous-même; je veux dire que »vous ne vous troubliez point de vos imperfections, » et que vous ayez toujours le courage de vous en relever. Je suis bien aise de ce que vous recommencez tous les jours. Il n'y a point de meilleur moyen pour bien achever la vie spirituelle, que de toujours recommencer, et ne penser jamais avoir assez fait. » 1. En effet, comment souffrirons-nous patiemment les défauts du prochain, si nous sommes impatiens sur les nôtres propres ?

2 2. Comment reprendrons-nous les autres en esprit de douceur, si nous nous corrigeons avec dépit, aigreur et chagrin ?

3. Qui se trouble de ses imperfections ne sauroit s'en corriger; car la correction, pour être utile, doit sortir d'un esprit tranquille et reposé.

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CHAPITRE IV.

De la Souffrance.

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Mon fils, dit le Sage, si vous prétendez vous ranger au service de Dieu, préparez votre cœur à la tentation; car celui qui n'est pas tenté, que sait-il? Comment peut-il sans cela, prétendre à la couronne de vie? Ignorons - nous que c'est par les tribulations qu'il faut se frayer le chemin à l'Eternítě? Le Fils de Dieu étant entré dans sa gloire par la souffrance, si nous ne voulons porter notre croix, il ne faut pas espérer d'être du nombre de ses Disciples. Si nous ne souffrons avec Jésus-Christ, nous ne régnerons point avec lui.

«Il nous faut, dit notre Bienheureux, immoler » souvent notre coeur à l'amour de Jésus sur l'Autel » même de la Croix, en laquelle il immola le sien

pour l'amour de nous. La Croix est la porte royale » pour entrer au Temple de la sainteté. Qui en cher» che ailleurs, n'en trouvera jamais un seul brin. »

Aimer Dieu parmi les prospérités, est un bon amour, pourvu qu'on n'aime pas les prospérités autant ou plus que Dieu; car Dieu ne veut avoir en notre cœur ni compagnon ni maître. Pour aimer Dieu comme il faut, il est nécessaire de rapporter à son amour les prospérités qu'il nous envoie, et qu'il ne nous envoie que pour en être mieux servi et glorifié..

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Le chemin est bien plus court et moins embarrassé par les croix et les adversités, et on y est moins sujet à prendre le change ou à s'amuser à la créature, au lieu d'aller jusqu'au Créateur; car l'amour de Dieu, qui s'exerce dans la souffrance, ne s'arrête point la souffrance, qui n'a rien d'agréable que la seule main de Dieu qui l'envoie.

Qui aime Dieu dans les aises et les prospérités, a de la peine à épurer son amour de toute attache et de toute complaisance en la prospérité; mais en l'adversité, le vin de l'amour de Dieu n'a point de lie: c'est par une charité toute pure que l'on s'attache au Crucifix. La vraie marque d'un vrai, sincère et solide amour, est de souffrir volontiers et gaîment pour l'objet aimé mourir même pour lui, est une chose douce, et une preuve de parfaite dilection.

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CHAPITRE V.

Des ames trop tendres sur elles-mêmes.

QUOIQUE notre Bienheureux fût d'un naturel extrê

mement doux et compatissant, néanmoins sa douceur étoit accompagnée de vigueur et de force, et cela semblable à l'acier, qui est d'autant plus fort, que sa trempe est plus douce et pliable.

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