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Une marque de la vigueur et de la force de son esprit, est qu'il n'aimoit pas les ames molles et trop tendres sur elles-mêmes, combattant sans miséricorde cette mollesse et cette tendresse par-tout où il la rencontroit. Il faisoit une grande différence de la foiblesse et de l'infirmité, ou de cette tendresse ; car la foiblesse nous est comme naturelle : c'est pourquoi il étoit si compatissant aux pauvres pécheurs, principalement à ceux qui tomboient par surprise et fragilité humaine et sans grande malice; mais aux ames qui étoient trop tendres sur elles-mêmes, il étoit comme sévère et rigoureux.

Il estimoit cette tendresse sur soi, tant spirituelle que corporelle, une qualité non moins contraire à la solide et ferme dévotion, que l'empressement, l'un et l'autre étant de grands signes d'amour-propre.

Il pratiquoit cette même sévérité envers lui-même; et il se plaignoit peu ou point des traverses qui lui arrivoient, soit au corps, soit à l'esprit ; jusques-là qu'en la maladie dont il mourut, à peine poussa-t-il un léger soupir à la douleur violente qu'on lui fit, en lui appliquant le fer rouge pour le réveiller de sa léthargie.

Il avoit tellement inspiré cet esprit à ses Filles de la Visitation, que plusieurs tombèrent dans l'extrémité, souffrant toutes sortes de douleurs intérieures et extérieures, spirituelles et corporelles, sans se plaindre, s'imaginant que toute plainte étoit une marque de tendresse sur elles-mêmes, et regardant cette tendresse comme indigne de filles qui font profession de ne respirer qu'au pied de la Croix de Jésus-Christ; témoin cette bonne Sœur, laquelle une heure avant que de mourir, sentant les douleurs de la mort, non-seulement qui l'environnoient, mais qui la serroient de près, n'osoit pourtant dire qu'elle sentoit bien du mal, se persuadant qu'elle auroit commis une infidélité contre Notre Sauveur, sans considérer que Notre Sauveur même étant attaché à la Croix s'écria:

'Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'avez-vous délaissé ? et étant en son agonie, dit à ses disciples que son ame étoit triste jusqu'à la mort.

Notre Bienheureux enseignoit aux malades à dire tout simplement et naïvement leur mal, sans le diminuer par un faux courage, et sans l'augmenter par tendresse ou lâcheté ; il vouloit en cela non-seulement la vérité, mais la rondeur et la sincérité. Après cela, il vouloit une ponctuelle obéissance aux Médecins, et que l'on ne refusât aucun des soulagemens qu'ils ordonnent, et disoit qu'en cette soumission consistoit T'honneur que Dieu commande qu'on leur rende à cause de la nécessité.

A une ame qui se plaignoit à lui des aridités en l'oraison avec trop de sensibilité sur elle-même : « Nous sommes, lui dit-il, toujours affectionnés à la >> douceur, suavité et délicieuse consolation; mais » toutefois l'âpreté de la sécheresse est plus fructueuse: » et quoique S. Pierre aimât la montagne du Thabor, » et voulût fuir la montagne du Calvaire, celle-ci

toutefois ne laisse pas d'être plus utile que celle-là, » et le sang qui est répandu en l'une, est plus dési»rable que la clarté qui est répandue en l'autre. »' A quoi il ajoute : Mieux vaut manger le pain sans sucre, que le sucre sans pain.

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LA

CHAPITRE VL

Du changement de Confesseur.

comme la vérité, se trouve toujours dans le milieu des deux extrémités blamâbles, qui sont de changer à tout propos de Confesseur, et de n'oser jamais en changer, et de laisser la confession plutôt que de se confesser à un autre qu'à son Confesseur ordinaire. La première a quelque chose de volage, l'autre de pusillanime ; et si vous me deman

dez laquelle de ces deux extrémités est la plus blå mable, je vous dirai que c'est la seconde; parce qu'elle me semble tenir de la crainte humaine, de l'attache à la créature, et de l'esprit d'esclavage tout-à-fait contraire à celui de Dieu, qui ne réside que là où est la sainte liberté. S. Paul nous dit qu'étant rachetés par le grand et inestimable prix du Sang de Jésus-Christ, nous ne devons pas nous rendre esclaves des hommes.

Ce saint Concile de Trente ordonnant que trois ou, quatre fois l'an on donne aux Religieuses des Confesseurs extraordinaires, pour leur ôter le joug et la gêne qui pourroient naître de la continuité d'un Confesseur ordinaire, le Bienheureux a voulu que ses Filles de la Visitation en eussent tous les ans à la semaine des Quatre-Temps, et a recommandé soigneusement aux Supérieurs d'en faire avoir plus souvent aux Sœurs qui en demanderoient, et qui en auroient besoin, sans bizarrerie toutefois, et partialité d'esprit car, comme il faut pourvoir aux justes nécessités, il ne faut pas favoriser des besoins. imaginaires.

La bienheureuse Thérèse a été aussi fort soigneuse de pourvoir ses Sœurs de cette sainte et juste liberté, qui rend le joug du Sauveur vraiment suave et léger, comme il l'est en effet; et les Carmélites ses filles se maintiennent en cette possession avec une liberté fort louable.

Voici ce que notre Bienheureux en écrivit un jour à une Supérieure : « On ne doit point être variable à » vouloir changer, sans une grande raison, de Con»fesseurs; mais on ne doit pas aussi être tout-à-fait » invariable, y pouvant survenir des causes légiti» mes de changement; et les Evêques ne se doivent » pas lier si bien les mains, qu'ils ne puissent les » changer quand il sera expédient, et sur-tout quand les » Sœurs d'un commun consentement le requerront, » comme aussi le Père spirituel. »

R.

IL

• CHAPITRE VIL

Des Châtes.

L vouloit, quand on faisoit des chûtes, qu'on se relevât doucement, en paix et tranquillité, de peur qu'en se relevant avec trouble et chagrin, l'on ne retombât plus lourdement.

« Quand, disoit-il, il nous arrive de tomber par » les soudaines saillies de l'amour-propre ou de nos "passions, prosternons-nous devant Dieu aussitôt » que nous pourrons; disons en esprit de confiance » et d'humilité : Seigneur, miséricorde, car je suis » infirme. Relevons-nous en paix et tranquillité, et » nouons le filet de notre amour, puis continuons »notre ouvrage. Il ne faut pas ni rompre les cordes, »ni quitter le luth, quand on s'aperçoit du désac» cord. Il faut prêter l'oreille, pour voir d'où vient le » dérangement, et doucement tendre la corde ou la » relâcher, selon que l'art le requiert. »

Il est vrai, disoit-il à ceux qui lui répliquoient, que nous devons nous juger avec sévérité, que nous devons avoir pour nous un cœur de Juge; mais comme le Juge se met en danger de commettre des injustices, lorsqu'il précipite ses sentences, ou qu'il les rend étant troublé de passions, ce qu'il ne fait pas quand la raison est la maîtresse de ses actions et de sa conduite; aussi, pour nous juger nous-mêmes avec équité, il faut que cela se fasse avec un esprit paisible et doux, et non avec indignation et trouble.

CHAPITRE VII I.

Des Excuses.

QUOIQUE les excuses de ses fautes soient moins

supportables que les accusations que l'on en fait, si néanmoins celles-ci sont poussées trop loin, elles ne laissent pas d'avoir leurs inconvéniens.

Il est vrai que le juste, comme dit le Texte sacré, est le premier à s'accuser, et que connoissant ses défauts, il les confesse naïvement, afin d'en être guéri par de salutaires corrections. Il est vrai aussi que c'est une sorte de mal que de s'excuser, toute excuse étant pour l'ordinare pire que la faute, à cause qu'elle ténoigne que l'on pense avoir failli avec raison, ce qui est contre la justice.

Si nos premiers parens ne se fussent point excusés, l'un sur la femme, l'autre sur le serpent, et s'ils eussent confessé naïvement leur péché, en témoignant leur repentir, ils eussent écrasé le scorpion sur la plaie; et Dieu, qui les y invitoit par une semonce si douce et si aimable, en disant : Adam, où es-tu ? leur eût pardonné en sa miséricorde.

C'est ce qui faisoit dire à David: Mettez, Seigneur, une garde à ma bouche, et une porte à mes lèvres qui les ferme exactement. Ne souffrez point que mon cœur se laisse aller à des paroles de malice pour chercher des excuses à mes péchés. C'est ainsi que ce saint Roi appeloit les paroles que l'on invente pour excuser ses péchés

Il faut pourtant être juste et véritable en l'un et en l'autre, et tenir la balance droite. Voici le conseil que donnoit le Bieuheureux sur ce sujet : « Soyez »juste, disoit-il ; n'excusez ni n'accusez aussi qu'avec » mûre considération votre pauvre ame, de peur que, » si vous l'excusez sans fondement, vous ne la ren

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