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CHAPITRE XIII.

Ou mourir, ou aimer.

LA devise de sainte Thérèse étoit : Ou souffrir, ou

mourir; car l'amour divin avoit tellement attaché à la croix cette fidèle servante de Jésus crucifié, qu'elle ne vouloit vivre que pour avoir le moyen de souffrir pour son amour.

Le grand et séraphique S. François étoit dans ce même sentiment; estimant que Dieu l'eût mis en oubli, et même s'en plaignant amoureusement, lorsqu'il avoit passé quelques jours sans être visité de quelque douleur; et comme il appeloit la pauvreté sa maitresse, il nommoit la souffrance sa sœur.

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Certes, comme la souffrance, avec l'amour et par Bambur de Dieu, est le chemin et la vraie porte du Ciel, aussi sans cet amour c'est un enfer anticipé. Malheureuse est la mort sans l'amour du Sauveur dit notre Bienheureux, et malheureux est l'amour sans la mort du Sauveur; car c'est cette mort précieuse qui nous a mérité le divin amour, sans lequel ni nos actions, ni nos souffrances n'ont aucun accès à la vie éternelle.

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La devise de notre Bienheureux étoit celle-ci : Ou mourir, ou aimer. C'est ainsi qu'il s'en explique en quélques-uns de ses ouvrages. « Ou aimer ou mourir. »Mourir et aimer. Mourir à tout autre amour pour » vivre à celui de Jésus, afin que nous ne mourions » pas éternellement ; mais que vivant en votre amour » éternel, ô Sauveur de nos ames! nous chantions » éternellement: Vive Jésus! j'aime Jésus! Vive Jé>sus que j'aime ! J'aime Jésus qui vit et règne dans » les siècles. Amen. »

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Et ailleurs : « Je désire de mourir ou d'aimer Dieu, » ou la mort ou l'amour; car la vie qui est sans cet » amour, est tout-à-fait pire que la mort. »

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CHAPITRE

XIV.

De la paix du cœur au milieu des embarras.

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EST un abus extrême de certaines ames d'ailleurs bonnes et pieuses, de s'imaginer qu'on ne puisse conserver le repos intérieur parmi les embarras. Y a-t-il un plus grand mouvement que celui que la mer apporte? Les vaisseaux y sont-ils jamais sans quelque sorte d'ébranlement? et cependant ceux qui y sont, ne laissent pas pas d'y reposer et dormir, et l'aiguille de la boussole d'y être toujours tournée vers le Nord.

¡Quiconque ne regarde que Dieu en toutes ses ac tions, et n'a point d'autre intention que de les rappor ter à la gloire divine, trouve le repos par-tout, même dans les plus véhémentes agitations, parce que rapportant même ces agitations à l'honneur de celui qui les permet ou les envoie, il arrive par-là à l'unique fin de ses prétentions, qui est d'honorer Dieu en tou tes choses et en toutes occasions.

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J'admire que ceux qui se sont dédiés à Dieu, en des vacations fort saintes, se plaignent quelquefois quand on les emploie à des offices où il y a beauCoupo de mouvemens, et appellent cela des fonctions distrayantes."

Certes, il n'y a d'occupations vraiment distrayantes, que celles qui nous séparent de Dieu, et il n'y a que le péché qui puisse nous en séparer; car toute occupation légitime, non-seulement ne nous en sépare pas, mais est un moyen pour nous y unir davantage.

Ceux qui manient les procès, s'y peuvent unir, en rapportant à la gloire de Dieu cette administration et le servant en cette fonction si traversée. Le même se peut dire des marchands, des artisans, des soldats, bref de toutes sortes de vacations.

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SALES. Voici comme notre Bienheureux s'en explique: * Soyons tout à Dieu parmi tant de tracas que la di»versité des choses mondaines nous présente. Com» ment voulons-nous mieux témoigner notre fidélité » qu'entre les contrariétés ? Hélas! la solitude a ses » assauts, le monde a ses tracas. Par-tout il faut avoir bon courage, puisque par-tout le secours du Ciel » est prêt à ceux qui ont confiance en Dieu, et qui » avec humilité et douceur implorent son assistance >> paternelle. Gardez-vous bien de laisser convertit a votre soin en trouble et inquiétude ; et toute em? » barquée que vous êtes sur les vagues et parmi les vents de plusieurs tracas, regardez toujours au Ciel » et dites à Notre-Seigneur : O Dieu! c'est pour vous » que je vogue et navigue: soyez mon guide et mon pilote. Et puis consolez-vous de ce que lorsqué » nous serons au port, les douceurs que nous y au »rons effaceront les travaux pris pour y aller. Or; nous y allons parmi tous ces orages, pourvu que nous ayons le cœur droit, l'intention bonne, le "courage ferme, l'oeil en Dieu, et en lui toute notre » confiance. Que si la force de la tempête nous émeut quelquefois un peu l'estomac yet nous fait un » peu tourner la tête, ne nous étonnons point: mais »sitôt que nous pourrons, prenons haleine et nous animons à mieux faire. Vous marchez toujours entre " vos saintes résolutions, je m'en assure ne vous "fâchez donc point de ces petits assauts d'inquiétudes " et chagrins, que la multiplicité des affaires domes »tiques vous donne: non; car cela vous sert d'exer »cice pour pratiquer les plus chères et aimables vertus que Notre-Seigneur nous ait recommandées. Croyez-moi, la vraie vertu ne se nourrit pas dans le repos intérieur', non plus que les bons poissons » dans les eaux croupissantes des marais.

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DIX-HUITIÈME

DIX-HUITIEME PARTIE.

CHAPITRE PREMIER.

De la Réputation.

COMMENT eût-il ambitionné les faux honneurs qui procèdent des charges que les indignes possèdent souvent plutôt que les dignes, puisque même la vraie réputation, qui est un parfum que l'on ne brûle que sur l'autel de la vraie vertu, ne le touchoit qu'autant qu'elle pouvoit servir à avancer la gloire de Dieu, qui étoit non-seulement la grande, mais l'unique possession de son cœur ?

Sur une calomnie d'importance que l'on suscita: contre lui, jusqu'à la faire retentir par-tout, il ne dit autre chose, sinon Je me suis humilié, et je n'ai point produit le bien que je pouvois proposer pour ma défense, me contentant de cacher ma douleur audedans de moi. L'effet que cette patience a fait naître en moi, a été d'échauffer davantage mon cœur en l'amour de Dieu, et d'embraser le feu de ma méditation. J'ai dit à Dieu: Vous êtes mon protecteur et mon refuge dans cette tribulation. C'est à vous de m'en délivrer, ô Dieu de vérité! Rachetez-moi de la calonmie des homines.

Voici ce que notre Bienheureux écrivit sur ce grand assaut de réputation, à une bonne ame, et qui prenoit plus de part à ses intérêts que lui-même. « Sur tout cela, la Providence sait la mesure de la réputation qui m'est nécessaire pour bien faire le " service auquel elle me veut employer, et je n'en » veux ni plus ni moins que ce qu'il lui plaira que j'en aie."

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Celle calomnie est rapportée dans sa Vie, écrite par M. Marsollier, tome II, page 79, seconde édition.

CHAPITRE II.

De la Tristesse.

COMME la béatitude de l'autre vie est appelée joie dans l'Ecriture, c'est aussi dans la joie que consiste la félicité de la vie présente, mais non en toute sorte de joie; car la joie de l'hypocrite, dit le Saint-Esprit par la bouche de Job, est comme un point; c'est-àdire, ne dure qu'un moment. Ils passent leurs jours dans les délices, est-il dit des méchans, et en un instant ils descendent aux Enfers; les larmes sont au bout de la fosse.

La vraie joie ne peut procéder què de la paix intérieure, et cette paix ne provient que du témoignage d'une bonne conscience, laquelle est appelée un banquet continuel. C'est cette joie du Seigneur et dans le Seigneur, accompagnée de charité et de modestie, que l'Apôtre recommande tant.

Notre Bienheureux faisoit tant d'état de cette joie sainte, qu'il y établissoit la félicité de cette vie; et il y étoit si bien établi, qu'un grand serviteur de Dieu disoit de lui qu'il possédoit une paix imperturbable et inaltérable.

Comme notre Bienheureux étoit ami de la paix et de la joie du Saint-Esprit, qui sont, selon S. Thomas, les deux grands effets de la charité, aussi étoit-il ennemi du trouble et de la tristesse. Voici comme il en parle à une ame particulière qui s'y laissoit aller :

Demeurez fort en paix, et repaissez votre cœur de » suavité de l'amour céleste, sans lequel nos cœurs " sont sans vie, et notre vie sans bonheur. Ne vous » relâchez nullement à la tristesse, ennemie de la dévotion. De quoi se doit attrister une fille servante

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