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» de celui qui sera à jamais notre joie ? Rien que le » péché ne nous doit déplaire et fàcher, et au bout de » ce déplaisir du péché, encore faut-il que la joie et » la consolation sainte y soient attachées. "

"

Cela est si vrai, pour ce qui regarde la pénitence, que ce grand Roi, qui fut selon le cœur de Dieu, après avoir mêlé son breuvage et arrosé son lit de ses larmes, demande à Dieu qu'il lui rende la joie de son salutaire, et qu'il le fortifie de son esprit principal.

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De la vie morte, et de la mort vivante.

Vous me demandez l'éclaircissement de cette

briève, mais exquise sentence de notre Bienheureux : « Il faut que nous vivions d'une vie morte, et que "nous mourions d'une mort vivante et vivifiante en » la vie de notre Roi, de notre fleur et de notre » doux Sauveur. »

Ces antithèses, qui semblent avoir de la contradiction, sont le vrai langage et le pur style de l'Ecriture. S. Paul: Vous êles morts, et votre vie est cachée en Jésus-Christ, en Dieu. Et encore: Jésus-Christ est mort pour nous, afin que ceux qui vivent ne vivent plus à eux-mêmes, mais à celui qui est mort et ressuscité pour eux. En parlant de lui: Je ne vis plus, mais C'est Jésus-Christ qui vit en moi.

Vivre d'une vie morte, c'est vivre, non selon les sens et les inclinations naturelles, mais selon l'esprit et les inclinations surnaturelles. C'est une mort selon la nature, mais une vie selon l'esprit. Cela, c'est faire mourir le vieil homme en nous, pour faire renaître de ses cendres le nouvel homme.

Et mourir d'une mort vivante et vivifiante, c'est mortifier et crucifier la chair avec ses convoitises, pour faire vivre l'esprit de la vie de la grâce; laquelle nous

comme

ayant été méritée par la vie et la mort de Jésus-Christ Notre-Seigneur, qui sait tirer la vie de la mort, Samson tira le rayon de miel et la viande de la gueule du lion dévorant: certes, si nous ne mourons avec Jésus-Christ, nous ne vivons point avec lui, et si nous ne souffrons avec lui, nous ne régnerons point avec lui.

CHAPITRE IV.

De la Mortification.

EN fait de mortifications, celles qui sont intérieures sont incomparablement plus excellentes que celles qui sont extérieures, et nullement sujètes comme celles-ci à l'hypocrisie, à la vanité, à l'indiscrétion.

Et celles qui nous arrivent de la part de Dieu, ou de la part des hommes, par la permission de Dieu, sont toujours plus exquises que celles qui viennent de notre choix, et qui sont filles de notre volonté.

Cependant, plusieurs choquent à cette pierre, et étant fort âpres à embrasser des mortifications que leur inclination leur suggère, et auxquelles, quoique rudes en apparence, ils ont fort peu de peine, à cause de la facilité que leur donne leur propension; quand il leur en arrive d'une autre cause, elles leur paroissent insupportables quelque légères qu'elles soient.

Exemple: Tel sera fort porté à l'exercice des disciplines, des haires, des jeûnes, des cilices, qui sera d'ailleurs si douillet sur la réputation, que la moindre moquerie ou médisance le mettra hors d'haleine, et troublera son repos et sa raison, le portant à des extrémités déplorables.

Tel se portera avec ardeur aux pratiques de l'oraison, de la pénitence, du silence et semblables dévotions, qui entrera en des impatiences et en des furies non pareilles, en des plaintes sans mesure, à la perte

d'un procès, et au moindre dommage qui lui arrivera en ses biens.

Un autre donnera libéralement des aumônes, et fera de magnifiques fondations, qui fond en gémissemens et tremble de frayeur à la moindre infirmité et maladie, et à qui la plus légère douleur corporelle tire des doléances inénarrables et qui n'ont point de fin.

Selon que les uns ou les autres sont plus ou moins attachés aux biens honorables, utiles ou délectables, ils portent avec plus ou moins de patience les maux contraires à ces sortes de biens, sans considérer que c'est la main de Dieu qui les ôte ou qui les donne comme il lui plaît.

En effet, c'est que nous voulons servir Dieu, non selon sa volonté, mais selon la nôtre, à notre mode, non à la sienne. A votre avis, cela est-il juste? Ne peut-il pas faire du sien, et de nous qui lui appartenons, tout ce qu'il lui plaît ?

Pour guérir cette maladie en une ame, notre Bienheureux lui parle de cette façon «< Baisez souvent » de cœur les croix que Notre-Seigneur vous a lui

même mises sur les bras. Ne regardez point si elles » sont d'un bois précieux ou odoriférant. Elles sont » plus croix quand elles sont d'un bois vil, abject et » de mauvaise odeur. C'est grand cas que ceci me » revient toujours en l'esprit, et que je ne sais que » cette chanson. Sans doute c'est le Cantique de "l'Agneau; il est un peu triste, mais harmonieux et » beau: Mon Père, qu'il soit fait, non selon que je » veux, mais selon que vous voulez. Magdeleine cherche Notre-Seigneur en le tenant. Elle le demande. » à lui-même. Elle ne le voyoit pas en la forine » qu'elle vouloit ; c'est pourquoi elle ne se contenta » pas de le voir ainsi, elle le cherche pour le trouver » autrement. Elle le vouloit voir en son habit de gloire, et non pas en un vil habit de Jardinier; mais » néanmoins elle connut que c'étoit lui, quand il lui » dit: Marie.

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» Voyez-vous, c'est Notre-Seigneur en habit de » Jardinier que vous rencontrez tous les jours çà et là » dans les occurrences des mortifications ordinaires qui » se présentent à vous. Vous voudriez bien qu'il vous » offrit d'autres plus belles mortifications: ô Dieu ! » les plus belles ne sont pas les meilleures. Croyez>> vous pas qu'il vous dit : Marie, Marie? Non, avant

que vous le voyiez en sa gloire, il veut planter dans >> votre jardin beaucoup de fleurs petites et basses, » mais à son gré; c'est pourquoi il est ainsi vêtu. Qu'à "jamais nos cœurs soient unis au sien, et nos volontés " à son bon plaisir.

CHAPITRE V.

De l'Amour du prochain.

Cer amour est ou naturel ou surnaturel. Il est aisé

d'enter le surnaturel sur le naturel, et d'aimer, pour l'amour de Dieu, ceux que nous aimons d'un amour naturel; mais il n'est pas si aisé de ne l'aimer que d'un amour surnaturel.

Mais, me dira-t on, est-ce mal fait d'aimer le prochain, à cause du bien qui est en lui? Non, et c'est en cela que consiste l'amour naturel, que l'on appelle d'amitié. Mais s'il est difficile de tellement épurer l'amour d'amitié naturel de tout intérêt, que nous n'aimions encore l'ami, parce qu'il nous plaît, ou pour le contentement qui nous en revient; il est encore plus difficile d'épurer l'amour d'amitié surnaturel, de manière que nous n'aimions rien du tout en lui que Dieu et sa très-sainte volonté.

C'est ici un degré d'amour du prochain, où ne montent que ceux qui sont bien avancés en la vertu. C'est dans ce degré que se rencontre l'amour des ennemis et de ceux qui nous sont à charge; car d'aimer ceux qui nous consolent ou qui nous font du bien,

c'est chose facile et qui ne demande point de vertu : mais de chérir ceux qui nous font de mal et qui nous sont incommodes, sans autre raison que parce que cela plaît à Dieu, c'est aimer le prochain d'un amour vraiment surnaturel; et c'est l'aimer en Dieu, et ne l'aimer qu'en Dieu.

Voici comme s'exprime notre Bienheureux à ce sujet: « Il nous faut avoir un cœur bon, doux et amoureux » envers le prochain, et particulièrement quand il nous "est à charge et à dégoût; car alors nous n'avons rien » en lui pour l'aimer que le respect du Sauveur, qui » rend l'amour sans doute plus excellent et plus digne, » d'autant qu'il est plus pur et net de conditions ca» duques. »

Oserois-je ajouter mon sentiment à celui de notre Bienheureux, et dire que cet amour de charité envers le prochain, c'est-à-dire, pur et dépouillé de tout intérêt que celui de Dieu, ne me semble pas moins difficile à pratiquer envers nos plus agréables amis et bienfaiteurs, qu'envers nos ennemis et les personnes incommodes et désagréables?

Voici ma raison. Qui dit pur, dit exempt de tout mélange. Qui dit donc aimer purement en Dieu et pour Dieu, dit n'aimer que dans la vue de Dieu uniquement, sans aucun égard à la créature.

Quoi donc ! dira-t-on, faudra-t-il pour n'aimer le prochain vertueux ou bienfaiteur qu'en Dieu, être ou aveugle pour ne pas voir ses vertus, ou ingrat pour méconnoître ses bienfaits? Non certes, mais il faudra rapporter l'un et l'autre à Dieu; car qui a fait celui qui est vertueux, sinon le Dieu des Vertus ? qui lui a donné le moyen de nous faire du bien, sinon celui de qui procède tout présent très-bon et toul don parfait? L'aimer donc, parce qu'il est vertueux et bienfaiteur, en rapportant ses vertus et ses bienfaits à leur source première, qui est Dieu, c'est toujours l'aimer en Dieu, et Dieu en lui en dernière fin.

Mais parce qu'il arrive fort ordinairement que nous

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