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tion du Père Fournier, Jésuite. Son sacre fut fait le 8 de Décembre par Vespasien Grimaldi, Archevêque de Vienne, assisté des Evêques de Saint-Paul et de Damas. Ce fut à Torens * où il avoit été baptisé et où sa mère faisoit sa résidence. Il y eut à cette cérémonie un grand concours d'Ecclésiastiques et de Noblesse, qui tous, huit jours après, l'accompagnèrent à son entrée dans Annecy. Le lendemain de son arrivée, c'étoit le troisième Dimanche de l'Avent, il commença ses fonctions par la plus importante et la principale de l'Episcopat il annonça lui-même la parole de Dieu à son peuple, et sa fidelité dans l'accomplissement de ce devoir, s'est toujours soutenue jusqu'aux derniers jours de sa vie.

Comme il savoit que le Pasteur doit être le mo dèle du troupeau, il se prescrivit à lui-même une règle qu'il suivit constamment, et il établit dans sa maison un ordre dont il n'étoit permis à personne de s'écarter. Ses habits étoient simples et propres, sans aucune affectation; il ne portoit point de soie, et il ne sortoit qu'en rochet et en camail. Il récitoit le Bréviaire tête nue et à genoux. Il offroit tous les jours le saint Sacrifice. Il assistoit les Dimanches et les Fêtes aux Offices de la Cathédrale, et chaque année il faisoit une retraite de dix jours.

Dans sa maison, tout se faisoit aussi régulièrement que dans un Cloître. On se levoit, on faisoit la prière en commun, on alloit à la Messe, on se mettoit à table, , on prenoit la récréation, on se retiroit aux heures marquées. Pour ôter aux Ecclésiastiques tout prétexte de loger chez eux leurs parentes les plus proches, il se priva de la consolation d'avoir avec lui sa mère dans sa maison Episcopale. Pour tous Officiers près de sa personne, il avoit deux Aumôniers. Pour

* Torens étoit un gros Bourg appartenant à la Maison de Sales, dont l'Eglise étoit grande et belle. Apparemment que l'Eglise de Torens étoit la Paroisse du Château de Sales, où, selon la Bulle de Canonisation, il avoit été baptisé.

domestiques il avoit deux valets-de-chambre, l'un desquels avoit pour fonction d'introduire les personnes qui venoient chez le Prélat. Il n'avoit qu'un seul valet pour le service commun, un autre pour préparer ce qui se sert sur la table, et un troisième pour la propreté de la maison. Sa table étoit frugale. On faisoit la lecture de quelque bon Livre jusqu'au milieu du repas; le reste du temps se passoit en quelque conversation aisée, agréable et édifiante.

Pour introduire la réforme des mœurs parmi les peuples de son Diocèse, il commença par réprimer, autant qu'il le put, l'excès et l'éclat des divertissemens publics. Il ordonna que le S. Sacrement seroit exposé pendant le Carnaval; il prêcha lui-même pendant ces jours de scandale; et par ce moyen, il détourna grand nombre de personnes des plaisirs illicites, auxquels on se fait alors un devoir de bienséance de se livrer. Il fit faire des catéchismes publics chaque jour du Carême, tous les Dimanches et toutes les Fêtes pendant l'année. Il voulut que les Cures fussent mises au concours, pour être conférées à ceux qui auroient le plus de capacité. Il institua des Confrèries du S. Sacrement pour animer et soutenir les Catholiques dans la Foi, contre la fausse créance des Calvinistes. Il assembla, le plutôt qu'il put, un Synode des Curés de son Diocèse, et il y dressa un Rituel pour l'administration des Sacremens.

Dès qu'il eut remédié, selon tout son pouvoir, aux maux les plus pressans, il partit pour aller à Turin solliciter le Duc de Savoie de consommer l'extirpation du Calvinisme dans ses Etats. Quoique le séjour qu'il fit en cette Ville ne fut pas long, le saint Evêque ne laissa pas d'opérer de grands fruits à la Cour. Le Prince, qui en étoit le témoin, vouloit le retenir plus long-temps, mais les affaires de l'Eglise le. demandant ailleurs, le Duc le laissa partir pour aller accommoder une grande contestation qui divisoit le Chapitre de sa Cathédrale d'avec celui de la Collégiale

d'Annecy, et pour aller à Gex presser le Duc de Bel legarde, qui commandoit pour le Roi Henri IV, de faire mettre à exécution les Edits que ce Prince lui avoit accordés, pour le rétablissement de la Foi Catholique dans tout le Bailliage.

Le saint Evêque réussit dans l'une et dans l'autre entreprise. A Gex, ses discours et ses exemples secondèrent l'autorité et opérèrent la conversion d'un grand nombre de personnes, entr'autres celle de deux Gentilshommes de la Maison du Duc de Bellegarde. Ce succès irrita les Ministres Calvinistes : ils crurent que le moyen le plus assuré d'arrêter le progrès que faisoit le Prélat, étoit de se défaire de lui, et ils chargèrent un empoisonneur d'exécuter leur dessein. I'attentat fut consommé de la part des impies mais Dieu qui étoit attentif à la conservation du Pasteur de son troupeau, lui sauva la vie. François, après avoir souffert de cruelles douleurs, guérit parfaitement, et il trouva dans le crime de ses ennemis, le motif et le moyen de s'employer avec fruit à leur conversion. Il les combla de caresses et de bienfaits et par cet acte de charité à eux inconnu, il leur donna une si haute idée de la Foi Catholique, qu'ils crurent qu'ils ne pouvoient pas errer en embrassant la Religion que suivoit un homme si plein de l'esprit du Christianisme.

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Cette importante conversion fut suivie de celle d'un nombre infini de personnes de tout état dans le Bailliage de Gex; et quoique l'application continuelle qu'il donnoit à l'instruction des hérétiques, semblât devoir occuper uniquement son zèle, il ne laissa pas de l'étendre dans le même temps à la réforme d'une Abbaye, dont les Moines et l'Abbé exempts de la jurisdiction de l'Ordinaire, croyoient, qu'à l'abri de leur dépendance immédiate du Saint-Siége, l'Evêque n'avoit pas même droit d'être scandalisé de leurs. débordemens. François tenta cette pénible et délicate entreprise, et il en vint à bout. 'En peu de temps la

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discipline monastique devint florissante dans cette maison, et elle s'y soutient encore aujourd'hui avec grande édification.

Il n'eut pas plutôt achevé cette grande œuvre, qu'il en fit une seconde d'un autre genre, dans la contrée où étoit cette Abbaye. La rapidité des eaux qui, pendant un orage furieux, couloient comme, des torrens, avoit détaché les rochers des montagnes; et ces rochers roulans avec impétuosité jusqu'au fond des vallées, avoient écrasé sous leur masse les maisons de plusieurs villages, fait périr partie des hommes et des bestiaux de ces lieux, et enseveli l'autre dans les espaces qui se trouvoient entre quelques-uns de ces rochers entassés les uns sur les autres. Le charitable Pasteur n'eut pas plutôt appris cette désolation, qu'il courut et se précipita, pour ainsi dire, dans les antres où les affligés n'attendoient plus que la mort. Il leur procura tout le soulagement, de l'ame et du corps dont ils avoient besoin; et non content de la consolation présente qu'il leur donnoit par lui-même, il obtint du Prince, en leur faveur, une exemption de taille pour vingt années.

Son Diocèse lui paroissant alors dans une situation qui pouvoit lui promettre d'en sortir pour un peu de temps, il crut ne pouvoir pas résister aux instances du Parlement de Dijon, qui le prioit avec ardeur d'aller prêcher pendant le Carême en cette Ville, et qui, ayant sollicité fortement le Duc de Savoie d'en accorder la permission, l'avoit enfin obtenue. La bénédiction que Dieu répandit sur les travaux Evangéliques de l'Evêque de Genève, fit bien voir que le Seigneur vouloit que les étrangers profitassent d'un zèle, qui étoit trop étendu pour demeurer toujours resserré dans un seul Diocèse. Il se fit un changement notable dans toutes les conditions de cette florissante Ville. Le Prédicateur sembloit ne se délasser des fatigues de la chaire, qu'en se donnant à celles du confessionnal; il y écoutoit indistincte

ment toutes les personnes qui se présentoient; il n'en sortoit que pour aller faire des instructions en différens Monastères; il passoit le reste du temps, ou à consoler et à soutenir les mourans, quand il étoit averti qu'il y en avoit, ou à répondre aux personnes qui venoient le consulter dans les visites particulières qu'il recevoit sans difficulté.

Ce fut pendant ce Carême que le Saint connut la Baronne de Chantal, qui étoit venue exprès à Dijon pour l'entendre, et dont la piété, soutenue et conduite par celle de ce guide éclairé, a produit jusqu'à nos jours de si abondans fruits dans l'Eglise.

Il partit de Dijon, laissant toute la Ville pénétrée des vérités qu'il avoit annoncées, et pleine du déplaisir que causoit à tout le monde son éloignement. Dès qu'il fut de retour à Annecy, il entra avec joie dans les vues d'un Abbé, qui vint lui faire part du dessein où il étoit de bannir le relàchement qui régnoit dans son Monastère. Il appuya cet Abbé de tout son crédit; et, à sa sollicitation, le Pape Clément VIII accorda des Bulles pour établir dans l'Abbaye une Colonie de Feuillans, à la place des anciens Moines. Les Bulles eurent leur exécution. On assigna à ces Moines des pensions convenables pour leur subsistance, et ils se retirèrent.

Les soins que le saint Evêque se donna pour le succès de cette affaire, ne l'empêchèrent pas de faire la visite de son Diocèse; visite pénible, s'il en fut jamais, soit à cause de la difficulté des chemins qui, tracés à peine à travers les montagnes et les rochers, et souvent couverts par les neiges et les glaces, n'étoient pas même praticables aux gens de pied; soit à cause du caractère des peuples qui, habitant des demeures inaccessibles à ceux qui auroient pu les policer et les instruire, étoient également féroces et ignorans. Il n'y eut lieu si impénétrable où le zélé Pasteur n'entrât; et il n'y eut d'homme si brute qu'il n'attirât, de si ignorant qu'il n'enseignât

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