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En disant ces mots, il disparut dans les draperies de son tabernacle.

Carathis resta un peu interdite; mais, résolue d'aller jusqu'au bout, et de suivre le conseil d'Eblis, elle rassembla tous les chœurs des Ginns et tous les Dives pour en recevoir les hommages. Elle marchait ainsi en triomphe, à travers une vapeur de parfums, et aux acclamations de tous les esprits malins dont la plupart étaient de sa connaissance. Elle allait même détrôner un des Solimans pour prendre sa place, quand une voix, sortant de l'abîme de la mort, cria: Tout est accompli! Aussitôt le front orgueilleux de l'intrépide Princesse se couvrit des rides de l'agonie; elle jeta un cri douloureux, et son cœur devint un brasier ardent: elle y porta la main pour ne l'en retirer jamais.

Dans cet état de délire, oubliant ses vues ambitieuses et sa soif des sciences qui doivent être cachées aux mortels, elle renversa les offrandes que les Ginns avaient posées à ses pieds; et, maudissant l'heure

de sa naissance et le sein qui l'avait portée, elle se mit à courir pour ne plus s'arrêter ni goûter un moment de repos.

A peu près dans ce même temps, la même voix avait annoncé au Calife, à Nouronihar, aux quatre Princes et à la Princesse le décret irrévocable. Leurs cœurs venaient de s'embraser; et ce fut alors qu'ils perdirent le plus précieux des dons du Ciel, l'espérance! Ces malheureux s'étaient séparés en se jetant des regards furieux. Vathek ne voyait plus dans ceux de Nouronihar que rage et que vengeance; elle ne voyait plus dans les siens qu'aversion et désespoir. Les deux Princes amis, qui, jusqu'à ce moment, s'étaient tenus tendrement embrassés, s'éloignèrent l'un de l'autre en frémissant. Kalilah et sa sœur se firent mutuellement un geste d'imprécation. Les deux autres princes témoignèrent par des contorsions effroyables et des cris étouffés l'horreur qu'ils avaient d'eux-mêmes. Tous se plongèrent dans la foule maudite pour y errer dans une éternité de peines.

Tel fut, et tel doit être le châtiment des passions effrénées et des actions atroces; telle sera la punition de la curiosité aveugle, qui veut pénétrer au-delà des bornes que le Créateur a mises aux connaissances humaines; de l'ambition, qui, voulant acquérir des sciences réservées à de plus pures intelligences, n'acquiert qu'un orgueil insensé, et ne voit pas que l'état de l'homme est d'être humble et ignorant.

Ainsi le Calife Vathek, qui, pour parvenir à une pompe vaine et à une puissance défendue, s'était noirci de mille crimes, se vit en proie à des remords et à une douleur sans fin et sans bornes; ainsi l'humble, le méprisé Gulchenrouz, passa des siècles dans la douce tranquillité, et le bonheur de l'enfance.

FIN

VARIANTES OU CORRECTIONS

Faite sur un exemplaire de l'Édition française originale puis feuille à feuille collationnée par le signataire de la Préface, la Réimpression se conforme de tout point au texte de 1787. Rien n'a été pris dans l'édition postérieure de Londres, à laquelle on a, cependant, comparé chaque ligne trouvée identique, sauf un membre de phrase nécessaire pour remplir, page 128, ligne 12, le blanc produit par l'oubli des mots « qu'un derviche m'apporta de l'Arracan »; et dans le but d'éviter le double emploi à trop court intervalle du verbe apporter, je me suis cru permis de débuter ainsi « Qu'on me serve... », sans prendre garde que l'auteur lui-même avait en 1815 adopté ce tour « Qu'on me donne de... >> infraction malheureuse à mon refus de toute ingérence etc. etc., retouches sans autre valeur.

L'orthographe française de VATHEK est modernisée dans cette publication courante: primitivement elle suivait les innovations en vigueur à la date où fut composé cet ouvrage, suppression du t au pluriel des participes présents, etc., ou bien s'attarde à des modes d'écrire antérieurs, réduplication de consonnes comme dans jetter, appeller; deux p dans le verbe apercevoir, interdits déjà par le dictionnaire de l'Académie, de sorte qu'il y avait faute: le Lecteur trouvera ces lettres d'ordinaire réduites à une. Les Solimans, montré partout avec le pluriel, en perdait une fois la désinence, qui a été restaurée. Plusieurs fautes typographiques pas moins irrécusables ont subi une correction, telle que le rétablissement d'une f, évitant ce sens baroque « la biche qui fuit le chaffeur » ; et du pronom réfléchi là « unb ruit qui fit trembler et s'entrouvrir la voûte »; nul autre aveu qui importe. Suppression de volumineuses notes; érudites, surannées.

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