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APPROBATION DU CENSEUR ROYAL

J'ai lu, par ordre de Monseigneur le Garde-des-Sceaux, un manuscrit qui a pour titre : VATHEK, ROMAN. C'est une petite brochure écrite dans le goût des Contes Arabes, et je n'y ai rien trouvé qui m'ait paru devoir en empêcher l'impression. A Paris, le 26 janvier 1787.

BLIN DE SAINMORE.

PRIVILÈGE DU ROI

LOUIS, par la grâce de Dieu, roi de France et de Navarre : A nos amis et féaux Conseillers, les Gens tenant nos Cours de Parlement, Maîtres des Requêtes ordinaires de notre Hôtel, Grand-Conseiller, Prévôt de Paris, Baillifs, Sénéchaux, leurs lieutenants civils, et autres nos Justiciers qu'il appartiendra : Salut. Notre ami le sieur POINÇOT, libraire, Nous a fait exposer qu'il désirerait faire imprimer et donner au public VATHEK, ROMAN, s'il nous plaisait lui accorder nos lettres de permission pour ce nécessaires. A CES CAUSES, voulant favorablement traiter l'exposant, nous lui avons permis et permettons par ces présentes, de faire imprimer ledit Ouvrage autant de fois que bon lui semblera, et de le faire vendre et débiter par tout notre Royaume, pendant le temps de cinq années consécutives, à compter du jour de la date des présentes: Faisons défenses à tous Imprimeurs, Libraires et autres personnes de quelque qualité et condition qu'elles soient, d'en introduire d'impression étrangère dans aucun lieu de notre obéissance. A la charge que ces présentes seront enregistrées tout au long sur le Registre de la Communauté des Imprimeurs et Libraires de Paris, dans trois mois de la date d'icelles; que l'impres

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APPROBATION DU CENSEUR ROYAL

sion dudit Ouvrage sera faite dans notre royaume, et non ailleurs, en bon papier et beaux caractères ; que l'Impétrant se conformera en tout aux Règlements de la Librairie et notamment à celui du 10 avril 1725, et à l'arrêt de notre Conseil du 30 août 1777, à peine de déchéance de la présente permission; qu'avant de l'exposer en vente, le manuscrit qui aura servi de copie à l'impression dudit Ouvrage, sera remis dans le même état où l'Approbation y aura été donnée, ès-mains de notre très cher et féal chevalier, Gardedes-Sceaux de France, le sieur DE LAMOIGNON; qu'il en sera ensuite remis deux exemplaires dans notre Bibliothèque publique, un dans celle de notre Château du Louvre, un dans celle de notre très cher et féal chevalier, Garde-desSceaux de France, le sieur DE MEAUPOU, et un dans celle dudit sieur DE LAMOIGNON; le tout à peine de nullité des présentes du contenu desquelles vous mandons et enjoignons de faire jouir ledit Exposant et ses ayant causes, pleinement et paisiblement, sans souffrir qu'il leur soit fait aucun trouble ou empêchement. Voulons qu'à la copie des présentes, qui sera imprimée tout au long au commencement ou à la fin dudit Ouvrage, foi soit ajoutée comme à l'original. Commandons au premier notre Huissier ou Sergent sur ce requis, de faire pour l'exécution d'icelles, tous actes requis et nécessaires, sans demander autre permission, et nonobstant clameur de Haro, Charte Normande, et lettres à ce contraires. Car tel est notre plaisir. Donné à Versailles, le vingt-deuxième jour du mois d'Août l'an de grâce mil sept-cent-quatre-vingt-sept, et de notre règne le quatorzième. Par le Roi en son Conseil.

LE BEGUE.

Registré sur le registre XXIII de la Chambre Royale et Syndicale des Libraires et Imprimeurs de Paris, No 1034, fol. 330, conformément aux dispositions énoncées dans la présente permission; et à la charge de remettre à ladite Chambre les neuf exemplaires prescrits par l'Arrêt du Conseil du 26 avril 1785. A Paris, le 4 septembre 1787.

KNAPEN, Syndic.

VATHEK

CONTE ARABE

Vathek, neuvième Calife de la race des Abbassides, était fils de Motassem, et petitfils d'Haroun Al-Rachid. Il monta sur le trône à la fleur de son âge. Les grandes qualités qu'il possédait déjà faisaient espérer à ses peuples que son règne serait long et heureux. Sa figure était agréable et majestueuse; mais, quand il était en colère, un de ses yeux devenait si terrible qu'on n'en pouvait pas soutenir les regards le malheureux sur lequel il le fixait tombait à la renverse, et quelquefois même expirait à l'instant. Aussi, dans la crainte de dépeupler ses États, et de faire un désert de son palais, ce prince ne se mettait en colère que très rarement.

Il était fort adonné aux femmes et aux plaisirs de la table. Sa générosité était sans bornes, et ses débauches sans retenues. Il ne croyait pas, comme Omar Ben Abdalaziz, qu'il fallût se faire un enfer de ce monde, pour avoir le paradis dans l'autre.

Il surpassa en magnificence tous ses prédécesseurs. Le palais d'Alkorremi, bâti par son père Motassem sur la colline des chevaux pies, et qui commandait toute la ville de Samarah, ne lui parut pas assez vaste. Il y ajouta cinq ailes, ou plutôt cinq autres palais, et il destina chacun à la satisfaction d'un des sens.

Dans le premier de ces palais, les tables étaient toujours couvertes des mets les plus exquis. On les renouvelait nuit et jour, à mesure qu'ils se refroidissaient. Les vins les plus délicats et les meilleures liqueurs coulaient à grands flots de cent fontaines qui ne tarissaient jamais. Ce palais s'appelait le Festin eternel ou l'Insatiable.

On nommait le second palais le Temple

de la Mélodie, ou le Nectar de l'âme. Il était habité par les premiers musiciens et poètes de ce temps. Après qu'ils avaient exercé leurs talents dans ce lieu, ils se dispersaient par bandes et faisaient retentir tous ceux d'alentour de leurs chants.

Le palais nommé Délices des Yeux, ou le Support de la Mémoire, était un enchantement continuel. Des raretés, rassemblées de tous les coins du monde, s'y trouvaient en profusion et dans le bel ordre. On y voyait une galerie de tableaux du célèbre Mani, et des statues qui paraissaient animées. Là, une perspective bien ménagée charmait la vue; ici, la magie de l'optique la trompait agréablement; autre part, on trouvait tous les trésors de la nature. En un mot, Vathek, le plus curieux des hommes, n'avait rien omis dans ce palais de ce qui pouvait contenter la curiosité de ceux qui le visitaient.

Le palais des Parfums, qu'on appelait aussi l'Aiguillon de la volupté, était divisé en plusieurs salles. Des flambeaux et des

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