"Malheureux! toutes tes pensées ne font que de terre & de boue. Tu ne regardes que ces miférables Loix humaines, qui font les Loix des morts, » & tu ne portes point ta vue fur les » Loix du Dieu vivant. رو » Je vaux mieux que toi, mon pere étoit Conful, je fuis Tribun, & toi » tu n'es rien. Mon cher, fi nous étions » deux chevaux, & que tu me diffes » mon pere étoit le plus vîte de tous » les chevaux de fon tems, & moi j'ai beaucoup de foin, beaucoup d'orge » & un magnifique harnois, je te di " rois, je le veux: mais courons. N'y » a-t-il pas dans l'homme quelque cho» fe qui lui eft propre, comme la cour رو se au cheval, par le moyen de la quelle on peut connoître fa qualité, » & juger de fon prix; & n'est-ce pas » la la pudeur, la fidélité, la justice? » montre-moi donc l'avantage que tu » as en cela fur moi. Je fuis Préteur en Grece. Toi Pré»teur? Sais-tu juger? Où as-tu donc رو appris cette Science? J'ai la Patente » de Céfar. Et fi Céfar t'avoit envoyé » une Patente pour juger de la Mufi» que, à toi qui ne connois pas une » note, qu'en ferois tu, & à quoi te ferviroit-elle ? رو Tu réunis en toi des qualités qui t'impofent des devoirs ; il faut les rem plir, Tu es homme, tu es Citoyen » du monde, tu es fils de Dieu, tu es » le frere de tous les hommes. Après » cela, felon d'autres égards, tu es Sé» nateur, ou dans quelque autre digni» té; tu es jeune ou vieux; tu es fils, » tu es pere, tu es mari: pense à quoi » tous ces noms engagent, & tâche » de n'en deshonorer aucun ». Le feul défaut de la Philofophie d'Epictete, de tous les Stoïciens, c'eft de n'avoir pas remonté jufqu'à la premierę fource, jufqu'à l'ordre phyfique, prin cipe évident & néceffaire de tout ordre moral,& de tout ordre politique. Monfieur Hubner, qui n'étoit pas encore parvenu lui-même à la voie la plus droite & la plus fimple, n'a pu les y ramener. Marc-Aurele, qu'on dit avoir été du fang de Numa Pompilius, & furement digne d'en defcendre, fit regner vingtans la Philofophie fur le trône des Céfars, fouillé avant & après lui par tant d'infamies. L'Empire Romain, qu'on appelloit alors le monde, fut heureux fous fon Gouvernement; & pour n'en citer qu'une feule preuve; après la mort d'un fi bon Prince, on déclara par-tout facrileges ceux qui n'auroient pas dans leur maison un portrait, une ftatue ou quelque autre image de ce Pere du Peuple. Ce Philofophe Empereur paroît avoir le plus approché des vrais principes de l'ordre. » Toutes chofes, dit-il, (liv. 7 » de fes Réflexions,) font liées entre » elles d'un nœud facré, & il n'y a رو prefque rien qui foit étranger l'un à » l'autre. Car, tout eft ordonné & ar " رو rangé, & contribue à orner ce mon de; & il n'y a qu'un monde qui com prend tout; qu'un Dieu qui eft en » tout; qu'une matiere, qu'une raison » commune à tous les animaux raisonnables; qu'une vérité, & qu'une perfection pour tous les animaux de » même espece qui participent à la » même raison. رو Si l'intelligence nous eft commune » à tous, la raifon qui nous rend ani» maux raisonnables l'eft auffi : fi la » raison l'eft, la régle qui prescrit ce qu'il faut faire & ce qu'il faut éviter رو » l'eft auffi; cela étant, la Loi eft com» mune: la Loi étant commune " nous fommes donc Concitoyens ; fi nous » fommes Concitoyens, nous vivons » donc fous une même Police, & le » monde par conféquent ne forme 33 K qu'une Société, qu'une Ville. » Celui qui ne rapporte pas toutes les actions de fa vie à un feul & » même but, ne fauroit être toujours un feul & même homme. Ce que tu » dis là, ne fuffit pas, fi tu n'ajoute en>> core quel doit être ce but. Comme » tous les hommes n'ont pas la même opinion de toutes les chofes qui pa» roiffent de véritables biens au Peuple, » & qu'ils ne font d'accord que fur quelques-unes, c'eft-à-dire fur celles qui vont au bien Public; de même il " faut fe proposer un but dont tout le » monde convienne, & qui aille au » bien de la Société. Celui qui dirige» ra vers ce but tous fes mouvemens » ne fera jamais inégal dans fes actions, " & par ce moyen il fera toujours le Marc- Aurele enseigne fort au long dans le fecond Livre, que l'ignorance est la fource de tous les maux publics & |