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nous trouverons le total de notre revenu annuel, c'est-à-dire tout ce qui nous fait fubfifter d'une année à l'autre comme Nation ou Royaume indépendant. Cela n'empêche pas que nous n'ayons encore dans le Royaume un précieux & immenfe mobilier, outre & par deffus ce que nos Marchands doivent aux Etrangers. J'entends par ce mobilier tous les joyaux & bijoux, toutes les matieres d'or & d'argent, toutes les efpeces monoyées, tous les vaiffeaux & aparaux, & enfin tous les beftiaux, & tous les autres effets dont il eft impoffible d'aprécier la valeur.

On voit par-là que le fonds fur lequel doit être payée notre dette nationnale eft immense. Suppofons maintenant un homme qui auroit huit mil. lions de tête & de bras, pour toujours à fon fervice, qui poffèderoit à lui feul tous les biens dont nous venons de parler, & qui auroit contracté une dette

de cent trente millions à trois & demi ou quatre pour cent d'intérêt, auroiton la moindre raifon d'appréhender aucun malheur en s'affociant avec lui dans fon Commerce? nonaffurément; & il faudroit n'avoir pas l'ombre de bon fens pour craindre la moindre chose en pareil cas.

La dette que nous avons contractée avec nos propres fujets, ne nous peut pas préjudicier, en tant que nous formons une Nation; quand nous en payons les intérêts, nous ne nous appauvriffons jamais, & toute la Nation n'en deviendroit ni plus riche ni plus pauvre, fi le créancier national, qui eft notre fujet, recevoit le payement entier de fa créance. Quant aux Créanciers étrangers, les intérêts que nous leur payons font un argent réellement perdu pour nous: mais comme le montant de ce que nous devons aux Etrangers ne fait que deux cinquiemes des

cent trente millions, cette dette ne fait qu'une petite charge pour notre Etat. Et fi nous ajoutons foi à nos Empyriques, nous gagnons encore à devoir à l'Etranger; car, difent-ils, fi nous payons à l'Etranger des intérêts, nous avons en revanche fon argent, & cet argent circulant dans un Royaume commerçant, eft à confidérer comme un fonds placé dans le Commerce, & qui par conféquent nous produit dix ou douze pour cent, tandis que nous n'en payons à notre Créancier étranger que que quatre pour cent. Mais le fujet que je traite n'a pas befoin d'un pareil fubterfuge. Notre Nation non - obstant cette petite fomme que nous devons à l'Etranger, eft la plus riche & la plus puiffante de l'Europe; elle trouve en elle-même les plus grandes reffources, & renferme dans fon fein, les meilleures provifions pour fes Sujets. Le Commerce Espagnol feul nous fait ga

gner annuellement plus que la fomme à laquelle fe montent les intérêts de notre dette étrangere, & par conféquent, toutes nos Plantations & notre Commerce avec les autres Etats étrangers augmentent annuellement le capital général du Commerce de notre Nation ou ce qui eft la même chose, enrichit un Royaume dont l'opulence est déja incroyable.

Il est vrai qu'à la création de chaquo nouvelle taxe, on entend murmurer généralement par-tout le Royaume : ce mécontentement eft une conféquence naturelle de l'efprit du peuple, toujours jaloux de fa liberté : & quant aux cris qu'il a jettés à l'occafion de l'établissement de la taxe additionnelle fur le cidre; il ne faut pas s'y méprendre : ce n'eft point fur la taxe, elle-même, mais fur la maniere dont elle devoit être levée, que tomboit le mécontentement des peuples. La bonne volonté avec lag

quelle ils payent la taxe additionnelle fur le voiturage par terre, prouve affez combien peu ils tiennent à l'argent, quand il s'agit du bien de l'Etat, pourvu qu'ils ne foient pas inquiétés, chez eux, par les vifites des Officiers d'Accife. Voilà quel est l'efprit du Peuple, il faut que le Gouvernement s'y prête, s'il ne veut pas être continuellement dans l'inquiétude & l'agitation. Mais du refte, il faut convenir que les Anglois font opulents & généreux quand ils ne font pas maltraités. Enfin, il n'y a aucune raison de fuppofer que notre dette nationale foit affez confidérable pour caufer jamais la ruine d'un Pays dont les fonds. font fi immenfes, & dont les Habitans ont l'efprit fi entreprenant.

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