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IV.

On remarqua une femme qui portoit un fac & tenoit un enfant par la main, & lui difoit : Cours mon petit maître, vois-tu tous ces faints, comme ils fe preffent d'aller recevoir la couronne ? Ceux qui accompagnoient les confeffeurs la reprirent de ce qu'elle vouloit aller avec tant d'hommes. Elle leur dit: Priez pour moi & pour cet enfant, qui eft mon petit-fils. Je fuis fille du défunt évêque de Zurite, j'emmene cet enfant, de peur que l'ennemi ne le trouve feul, & ne l'entraine à la mort. Les évêques lui répondirent, baignez de larmes: La volonté de Dieu foit faite. Ils marchoient de nuit plus que de jour, à cause de l'ardeur du foleil, & logeoient avec grande incommodité dans des caves qui leur étoient preparées. Pendant la marche quand les vieillards ou les jeunes gens les plus forbles n'en pouvoient plus, on les piquoit avec des dards, ou on leur jettoit des pierres pour les preffer. Enfuite on commanda aux Maures de lier par les pieds ceux qui ne pouvoient marcher, & de les trainer comme des bêtes mortes, par des lieux rudes & pierreux, où d'abord leurs habits furent déchirez, & enfuite leurs membres. L'un avoit la tête caffée, l'autre le côté fendu : plusieurs moururent, que l'on enterra_comme l'on pût le long des grands chemins. Les autres arriverent dans le defert où on les menoit, & on leur donna pour nourriture de l'orge coinme à des chevaux; encore leur ôta-t-on enfuite. Ce lieu étoit plein de fcorpions, & d'autres bêtes venimeufes, qui ne firent toutefois mourir aucuns de ces ferviteurs de Dieu.

Conference or- Le jour de l'Afcenfion 483. en presence de Reginus, ambassadeur de l'empereur Zenon, Huneric envoïa à

donnée.

8. 13.

An. 483

l'évêque

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l'évêque Eugene un édit, pour le faire lire dans l'é- AN. 483. glife, & il l'envoia auffi par des couriers dans toute Afrique. Il y parloit ainfi Huneric roi des Vandales & des Alains, à tous les évêques Homooufiens. Il vous a été fouvent défendu de tenir des affemblées dans le partage des Vandales, de peur que vous ne feduifiez les ames chrétiennes. On a trouvé que plu fieurs y ont celebré des meffes, au mépris de cette défense, foûtenant qu'ils confervent l'integrité de la foi chrétienne. C'eft pourquoi ne voulant point souf. frir de fcandale dans les provinces que Dieu nous a données nous avons ordonné du confentement de nos faints évêques, que vous veniez tous à Carthage le jour des calendes de Février prochain: pour difputer de la foi avec nos évêques, & prouver par les écritures la créance des Homooufiens, que vous foûtenez. Donné le treiziéme des calendes de Juin, la feptiéme année du regne d'Huneric, c'eft-à-dire, le vingtiéme de Mai 483. Les évêques qui fe trouverent prefens furent étrangement confternez à la lecture de cet édit: il leur parut être le fignat de la perfecu tion, particulierement ces paroles: Ne voulant point fouffrir de scandale dans nos provinces, comme s'il difoit: Nous n'y voulons point fouffrir de catholique. Aprés avoit deliberé, ils ne trouverent point d'autre remede, que de tenter d'amolir ce cœur barbare, en lui faifant prefenter une remontrance dref fée par l'évêque Eugene

Elle contenoit en fubftance, que s'agiffant de la cause commune, il falloit auffi appeller les évêques d'outre mer. La réponse du roi fut: Soumettez toue la terre à ma puissance, & je ferai: ce que vous Tome VIL.

B.

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#. 16.

Eugene.

n. 17.

V.

dites. Eugene repliqua : Il ne faut pas demander l'impoffible, j'ai dit que le roi veut connoître nô tre foi, il peut envoïer à ses amis, c'est à dire, aux princes catholiques : j'écrirai aufli à mes confreres, afin qu'ils viennent, pour vous montrer avec nous nôtre foi commune, & principalement l'église Romaine, qui eft le chef de toutes les églifes. Eugene parloit ainfi, non que l'Afrique manquât de perfonnes capables de refuter les objections de leurs adverfaires, mais pour faire venir des évêques, qui n'étant point fujets des Vandales leur parlaffent avec plus de liberté, & qui puffent témoigner à toute la terre l'oppreffion que fouffroient les catholiques. Huneric n'eut point d'égard à cette remontrance: mais il chercha divers pretextes, pour perfecuter les évêques qu'il apprenoit être les plus fçavans. Il envoïa une feconde fois en éxil l'évêque Donatien, aprés lui avoir fait donner cent cinquante coups de bâton. Il bannit de même Prefidius de Suffetule. Il fit battre Manfuetus, Germain, Fufculus & plufieurs autres. Cependant il défendit qu'aucun des fiens ne mangeât avec les catholiques, qui fe réjoüirent de cette défense.

Il y avoit à Carthage un aveugle nommé Felix, tresMiracle de Saint connu dans la ville. La nuit de l'Epiphanie, il lui fut dit en fonge: Leve toi, vas trouver mon ferviteur l'é vêque Eugene, & lui dis que je t'ai envoïé à lui. Et à AN. 484. l'heure qu'il benira les fonts baptifmaux, il touchera tes yeux, & tu recouvreras la vûë. L'aveugle croiant que c'étoit un fonge ordinaire ne voulut pas fe le ver; s'étant r'endormi il reçût le même ordre une feconde fois, & enfin une troifiéme avec de grands

reproches. Il éveille le garçon qui lui donnoit la AN. 484. main, il va en diligence à la bafilique de Fauste, & aprés avoir prié avec beaucoup de larmes, il s'adreffe à un foûdiacre nommé Peregrin, le priant d'avertir l'évêque, qu'il avoit un fecret à lui dire. L'évêque dit qu'on le fit entrer. Le peuple chantoit déja par toute l'églife les prieres nocturnes. L'aveugle déclare à l'évêque fa vifion, & lui dit: Je ne vous quitterai point, que vous ne m'ayez rendu la vûë, comme le Seigneur vous l'a ordonné. Eugene lui dit : Retirezyous, mon frere, je suis un pecheur & le dernier des hommes, puifque Dieu m'a refervé à ces malheureux tems. L'aveugle lui tenant les genoux, repetoit la même priere. Eugene voyant fa foi, & preffé par l'heure de l'office, marche avec lui vers les fonts accompagné de fon clergé. C'étoit la coûtume d'Afrique, comme de quelques autres églises, de donner à l'Epiphanie le baptême folemnel, comme à Paques & à la Pentecôte.

L'évêque Eugene étant arrivé aux fonts, fe mit à genoux, & avec de grands gemiffemens fit la benediction de l'eau, & aïant achevé la priere, il se leva,& dit à l'aveugle: Je vous ai déja dit,mon frere Felix, que je fuis un homme pecheur, mais je prie le Seigneur, qui a daigné vous vifiter, de vous donner felon vôtre foi, & de vous ouvrir les eux. En même tems il fit fur fes yeux le figne de la croix, & l'aveugle recouvra la vûë. L'évêque le retint auprés de lui, jufques à ce que tous fuffent baptifez, de peur que le peuple ne l'écrafat en s'empreffant pour le voir; enfuite on fit connoître le miracle à toute l'églife. Felix accompagna l'évêque, marchant à l'autel, & fit fon offrande en action de

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AN. 484. graces. L'évêque l'aïant reçûë la mit fur l'autel, & le peuple témoigna fa joie par de grands cris. Auffi tôt on en porta la nouvelle au roi, qui fit prendre Felix pour fçavoir de lui la verité de la chofe. Il raconta tout comme il s'étoit paffé. Les évêques des Ariens difoient, qu'Eugene l'avoit fait par malefice : & s'ils avoient pû, ils auroient fait mourir Felix: car il étoit si connu, qu'on ne pouvoit cacher le miracle.

VI. Conference rom

puë.

12. 17.

Le premier de Février, jour marqué pour la conference, étant proche, les évêques vinrent non feulement de toure l'Afrique, mais des îles sujettes aux Vandales. Ils étoient accablez de douleur. On garda le filence pendant plufieurs jours, jufqu'à ce qu'Hu neric eût feparé les plus habiles, pour les faire mourir fur des calomnies. Il fit brûler un des plus fçavans nommé Letus, aprés l'avoir tenu long-tems en prifon: penfant intimider les autres par fon exemple. Enfin, on vint à la conference, dans le lieu marqué par les Ariens, les catholiques choisirent dix d'entre eux, qui devoient répondre pour tous: afin d'ôter aux Ariens le pretexte de dire, qu'ils les avoient accablez par leur multitude. Cyrile étoit affis avec les fiens, en un lieu élevé fur un trône magnifique : au lieu que les Catholiques étoient debout. Ils dirent: On doit garder l'égalité dans une conference, & il doit y avoit des commiffaires pour examiner la verité. Qui feraicy cette fonction ? Un notaire du roi répondit: Le patriarche Cyrile a dit... Les Catholiques l'interrompirent, & demanderent par quelle autorité Cyrile prenoit ce titre. Alors les Ariens commencerent à faire du bruit, & à calomnier les Catholiques ; & parce qu'ils avoient demandé, que s'il n'y

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