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1. Bell. Vand. c.

che, j'ai vû toute la langue arrachée jusques à la racine & me fuis étonné, non de ce qu'ils parloient, mais de ce qu'ils vivoient encore. L'hiftorien Procope parlant de cette perfecution d'Huneric, dit: Il fit couper la langue à plufieurs, 8. qui de mon tems fe promenoient à C. P. parlant librement fans fe fentir de ce fupplice. Mais il y en eut deux, qui aïant peché avec des femmes abandonnées, cefferent de parler. Le comte Marcelin dans fa chronique dit : Le roi Huneric fit couper la A N. 484. langue à un jeune homme catholique, muet de naiffance; mais fi-tôt qu'il eut la langue coupée il parla, & commença par donner gloire à Dieu, j'ai vû quelques-uns de cette troupe de fideles à C. P. qui avoient la langue & la main coupées, & parloient parfaitement. L'empereur Juftinien témoigne auffi l'avoir vû, dans une conftitution faite depuis pour Off. PP. Afr. l'Afrique.

L. 1. Cod. de

XI.

Autres martyrs.

Vid. Vit. lib. V.

Huneric n'épargna pas même les Vandales catholiques; & n'eut aucun égard à l'interceffion d'Ura- n.7 nius ambaffadeur de Zenon. Au contraire, pour montrer le mépris qu'il faifoit de l'empereur & des Romains, il fit mettre le plus de bourreaux & les plus cruels dans les rues & les places de Carthage, où l'ambassadeur devoit paffer pour venir au palais. On vit long-tems les marques des cruautez exercées en cette perfecution: les uns étoient fans mains, ou fans pieds d'autres fans yeux, fans nez, ou fans oreilles: d'autres à force d'avoir été fufpendus, avoient les épaules demises & élevées au-deffus de la tête; car étant attachez au haut des maisons, on les pouffoit avec les mains pour les jetter en l'air : quelquefois

:

Pall. 7. monach.

la corde rompoit, & ils se caffoient la tête ou les jambes.

Dagila femme d'un échanfon du roi, qui avoit déja confeffé plufieurs fois fous Genferic, quoique noble & delicate, aprés avoir fouffert plufieurs coups de foüet & de bâton, fut envoiée en éxil, dans un lieu fec & defert, où elle ne pouvoit recevoir confolation de perfonne, laiffant avec joïe sa maison, son mari & fes enfans. On lui offrit enfuite de la transferer à une folitude moins rude, mais elle le refusa. Sept moines fouffrirent auffi le martyre, martyre, fçavoir : Liberat abbé, Boniface diacre, Servus & Ruftique foûdiacres, Rogat, Septime & Maxime fimples moines. Ils étoient du territoire de Capse: mais on les attira à Carthage, & on les tenta d'abord par des promef fes flatteufes, leur propofant une grande fortune, & même la faveur du roi. Comme ils demeurerent fermes dans la foi de la Trinité & d'un feul baptême, on les mit chargez de chaînes dans une obfcure prifon. Mais le peuple fidele ayant gagné les gardes par prefens, les vifitoit jour & nuit, pour recevoir leurs inftructions, & s'encourager au martyre. Le roi l'ayant appris, les fit charger de fers plus pefans, & fouffrir des tourmens inoüis jufques alors. Puis il commanda d'emplir un vaiffeau de menu bois fec, de les y attacher, & aprés les avoir menez en mer y mettre le feu. On les tira de la prifon, fuivis d'une multitude de peuple, qu'ils exhortoient au martyre: on fit des efforts particuliers pour feduire Maxime qui étoit encore fort jeune; mais il protesta hardiment, qu'il ne vouloit point fe feparer de fon pere Liberat & de fes freres. Etant menez dans

le

le vaiffeau, ils furent attachez fur le bois; mais com-
me on y eut mis le feu, il s'éteignit auffi tôt, & quoi-
qu'on effaiât plufieurs fois de le r'allumer
on ne put
jamais y reuflir. Le roi confus & irrité leur fit caffer
la tête à coups d'aviron; on jetta leur corps dans la
mer qui les rendit auffi-tôt contre l'ordinaire; & le
peuple qui étoit prefent les enfevelit honorablement,
conduit par le clergé de l'églife de Carthage, entre
autres l'archidiacre Salutaris & le fecond diacre Murit-
ta, qui avoient déja confeffé la foi par trois fois, & qui
porterent les reliques. Elles furent enterrées avec le
chant folemnel au monaftere de Bigua prés la basi-
liquè de Celerine.

Clergé de Cartha

Via. V. n. 9.

L'évêque Eugene étant déja en éxil, on bannir auffi XII. tout le clergé de Carthage, compofé de plus de cinq ge banni. cens perfonnes, aprés leur avoir fait fouffrir la faim & ° les tourmens. Le diacre Muritta fe fignala entre les autres. L'officier le plus ardent à faire tourmenter les catholiques étoit un apoftat nommé Elpidifore, qui avoit été baptifé par les catholiques dans l'églife de Faufte, & levé des fonts par le diacre Muritta. Comme on appelloit par ordre tout le clergé, pour être exposé aux tourmens: aprés les prêtres vint l'archidiacre Salutaris, puis le fecond diacre Muritta, qui étoit un vieillard venerable. Quand on commença à l'étendre, avant qu'il fût dépouillé, il tira tout d'un coup les linges dont il avoit couvert Elpidifore au fortir des fonts, & qu'il avoit cachez fous fes habits ; & les aïant étendus devant tout le monde, il dit à Elpidifore qui étoit affis comme fon juge: Voila les linges qui t'accuferont quand le grand juge viendra, & qui te precipiteront dans le puits de fouffre: parce Tome VII

D

12. 13.

que tu t'es revêtu de malediction, en perdant le facrement du vrai baptême & de la foi. Il lui fit plufieurs autres reproches femblables, & Elpidifore confus n'ofa rien répondre.

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Aprés avoir foüeté & tourmenté ces confeffeurs, on les envoïa en éxil; & pendant le chemin à la perfuafion des évêques Ariens, on lâcha aprés eux des gens impitoïables, pour leur ôter ce que les fi, deles leur avoient donné par compaffion pour leur subsistance. Deux Vandales, qui avoient fouvent confeffé fous Genferic, accompagnez de leur mere abandonnerent tous leurs biens & fuivirent les clercs de Carthage dans leur éxil. Un apoftat nommé Theucarius qui avoit été lecteur, & avoit eu fous fa conduite de jeunes enfans, qui apprenoient le chant confeilla d'en r'appeller douze, qu'il connoiffoit pour avoir les plus belles voix. On envoïa en diligence pour les ramener, ils ne vouloient point quitter les faints confeffeurs, & s'attachoient à leurs genoux en pleurant ; mais les heretiques les en feparerent l'épée à la main & les ramenerent à Carthage. On essaïa d'abord de les gagner par careffes, enfuite on les tourmenta à plusieurs reprises, & on les chargea de coups de bâton; mais ils demeurerent inébranlables. La perfecution étant paffée, la ville de Carthage les refpectoit comme douze apôtres : ils demeuroient enfemble, mangeoient ensemble & chantoient enfemble les louanges de Dieu. Les évêques & les clercs Ariens perfecutoient plus cruellement les catholiques, que le roi ni les autres Vandales. Ces évêques marchoient par tout l'épée au côté avec leurs clercs, & le plus cruel de tous étoit Antoine, voisin du

a

defert de Tripoli: il détermina le roi Huneric qui le connoiffoit, à envoïer dans ce defert Eugene évêque de Carthage ; & Antoine aïant ordre de le garder, le mit dans une fi étroite prifon qu'il ne le laiffoit voir à perfonne : il chercha même plufieurs inventions pour le faire perir. Saint Eugene touché des afflictions de fon églife, portoit un cilice & couchoit fur la terre couverte feulement d'un fac. Cette aufterité jointe à fa vieilleffe lui attira une paralyfie qui lui embarraffoit même la langue. Antoine fit chercher du vinaigre tres-fort, & lui en fit boire malgré lui, croïant qu'il en perdroit la vie: fon mal en augmenta à la verité, mais il ne laissa pas de guerir.

XIII.
Catholiques re

n. 12.

Un autre faint évêque nommé Habetdeum étoit auffi relegué à Tamallume où Antoine étoit : ne pou- baptifez par force. vant l'obliger à fe faire Arien, il le fit lier pieds & mains, & lui fit fermer la bouche, de peur qu'il ne criat; puis il lui verfa de l'eau fur le corps pour le rebaptifer, enfuite il le fit délier, & lui dit avec joïe: Mon frere, vous voila maintenant chrétien comme nous, que pourrez-vous faire deformais, finon d'obéir à la volonté du roi? Le faint évêque répondit : J'ai toûjours confervé la même foi, & tandis que vous me teniez la bouche fermée, je faifois dans mon cœur une proteftation, que les anges écrivoient pour la prefenter à Dieu. Cette violence étoit generale, on avoit envolé par tout des Vandales, pour prendre ceux qui paffoient fur les chemins & les amener aux évêques Ariens, qui les rebaptifoient, & leur en donnoient des certificats par écrit: de peur qu'on ne l'eur fit ailleurs la même violence. On ne laiffoit

n. 13.

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