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AN. §77.

ne comptoit pour rien fes fermens.

Meroüée de fon côté ne croïant pas à la devinereffe, mit trois livres fur le tombeau de faint Martin: le pfeautier, les rois, les évangiles; & veillant toute la nuit, il pria le faint de lui faire connoître ce qui lui devoit arriver, & s'il parviendroit au roïaume. Puis il passa trois jours de fuite en jeûnes, en veilles & en prieres; & s'approchant du facré tombeau, il ouvrit le livre des rois, & le premier verfet de la page qu'il trouva, portoit: Parce que vous avez

quitté le Seigneur vôtre Dieu, pour fuivre les dieux 3 Reg. IX. 9. étrangers, il vous a livré aux mains de vos ennemis. Les paffages des deux autres livres étoient auffi funestes: ainsi Meroüée après avoir pleuré tres-longtems au fepulchre de faint Martin, fe retira avec Bofon, accompagné de cinq cens hommes, pour aller trouver Brunehaut. On voit ici un exemple de cette divination, nommée les forts des faints, déja défenduë par tant de conciles.

Cinquiéme co

Greg. V. c. 19.

Cependant Chilperic aïant appris que Pretextar XXXII. évêque de Rouen, faifoit des presens au peuple con- cile de Paris. Pretre fes interêts, le fit venir prés de lui; & l'aïant textat. examiné, il trouva que Brunehaut lui avoit laiffé de fes biens en dépôt. Il s'en faifit, & fit arrêter Pretextat, jufques à ce qu'il fût jugé par les évêques. Pour cet effet il en affembla à Paris jufques à qua-. VII. c. 16rante-cinq, qui tinrent le concile dans l'églife de faint Pierre. Le roi parla ainfi à Pretextat en leur prefence: Evêque à quoi avez-vous pensé de marier mon ennemi Meroüée, qui devoit être mon fils, avec fa tante? Ne fçaviez-vous pas ce que les canons ont ordonné fur ce fujet ? Vous n'en êtes pas demeuré-là,

· Tome VII.

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vous avez de concert avec lui, donné des prefens pour me tuer. Vous m'avez fait un ennemi de mon fils: vous avez feduit mon peuple par argent, pour violer la foi qu'il m'a promife, & vous avez voulu faire paffer mon roïaume en la main d'un autre. Tandis qu'il parloit ainfi, les Francs qui étoient prefens en grand nombre, fremiffoient de colere, & vouloient rompre les portes de l'églife, pour en tirer l'évêque & le lapider : mais le roi les empêcha. Et comme Pretextat nioit les faits avancez par le roi, on fit paroître des témoins, qui montroient des chofes qu'il leur avoit données, difoient-ils, afin qu'ils promiffent fidelité à Meroüée. Il répondit: Vous dites vrai, je vous ai fouvent. fait des prefens, mais ce n'étoit pas pour chaffer le roi de fon roïaume. Vous m'avez donné de bons chevaux & d'autres choses, pouvois je manquer à témoigner ma reconnoiffance ?

Le roi s'étant retiré à fon logis, les évêques demeurerent affis dans la fale fecrette de l'église de S. Pierre, & comme ils conferoient, Aëtius archidiacre de l'église de Paris, vint tout d'un coup, & leur dit : Ecoûtez-moi, évêques qui êtes ici affemblez. C'est maintenant que vous acquerrez de la reputation & de la gloire ou que perfonne ne vous regardera plus comme des évêques, fi vous n'agiffez vigoureufement, & fi vous laiffez perir vôtre frere. Personne ne répondit à ce discours, craignant la fureur de la reine, qui pouffoit cette affaire. Comme ils étoient en filence, Gregoire de Tours dit : Soïez attentifs à mes difcours, faints évêques, vous particulierement qui approchez du roi avec plus de familiarité.

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6.

Donnez-lui un confeil digne de vous: de peur qu'il A.N. 577.
n'attire la colere de Dieu, s'emportant contre un de
ses miniftres, & qu'il ne perde fon roïaume & fa
gloire. Et comme ils gardoient toûjours le filence
il ajoûta: Souvenez-vous de la parole du prophete,
qui dit : Si la sentinelle voit le peché de l'homme, Ezech. XXXIII.
& ne l'avertit pas, il eft coupable de la perte de fon
ame. Puis il leur apporta l'exemple recent de Clo- sup. liv. XXXII.
domir, qui n'eut point d'égard à la remontrance de
faint Avit, pour épargner Sigifmon ; & l'exemple
plus ancien de l'empereur Maxime, qui contraignit sup. liv. XVII.
faint Martin, de communiquer aux Itaciens. A tout
cela les évêques ne répondirent rien, tant ils étoient
étonnez & interdits. Mais il y en eut deux qui pour
flater le roi, lui allerent dire, qu'il n'y avoit perfonne
plus oppofé à fes interêts que Gregoire.

n. I.

Auffi-tôt Chilperic l'envoïa querir par un de fes courtisans. Gregoire le trouva debout auprés d'un cabinet de feüillées, aïant à fa droite Bertran évêz que de Bourdeaux, & à fa gauche Ragnemode évê: que de Paris. Il y avoit devant eux un banc couvert de pain & de diverfes viandes. Le roi aïant apperçu Gregoire, lui dit: Evêque, vous devez juftice à tout le monde, & je ne la puis avoir de vous: mais: vous favorisez l'injustice, & vous accompliffez le prover be, que jamais corbeau n'arrache l'œil du corbeau Gregoire répondit: Si quelqu'un de nous s'écarte du chemin de la juftice, vous pouvez feigneur le corriger: mais fi vous vous égarez, qui vous ramenera? Nous vous parlons, vous nous écoutez fi vous vou lez: fi vous ne voulez pas, qui vous condamnera, finon celui qui a dit, qu'il eft la justice ? Le roi lui re

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n. 59.

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pondit en colere : Tous les autres me font justice, íl n'y a que vous qui me la refufez. Mais je fçai bien ce que je ferai, pour vous décrier parmi le peuple, & faire connoître à tout le monde vôtre injuftice. J'assemblerai le peuple de Tours, & je leur dirai : Criez contre Gregoire, qui ne fait justice à personne puis quand ils crieront ainfi, je leur répondrai : Moimême, tout roi que je fuis, je n'en puis avoir juftice, Si je fuis injufte reprit Gregoire, celui-là le fçait, qui connoît le fecret des cœurs. Pour ces cris du peuple, on fçaura bien que vous les aurez excitez, & ils vous nuiront plus qu'à moi. Mais à quoi fert tout ce difcours, vous avez la loi & les canons, examinezles; & fi vous ne les obfervez, fçachez que le jugement de Dieu vous menace.

Alors le roi voulant l'adoucir, lui montra un potage qu'on avoit mis devant lui, & dit : Je l'ai fait preparer pour vous. Il n'y a que de la volaille, & quelque peu de poix chiches. Il faut croire que Gregoire, comme la plupart des faints évêques, vivoit ordinairement de legumes, & mangeoit plûtôt de la volaille que de la groffe viande, comme moins nourriffante. Voïant donc que le roi vouloit le flater il dit: Nôtre nourriture doit être de faire en toute occafion la volonté de Dieu, fans nous arrêter à ces delices. Mais vous qui accufez les autres d'injuftice, promettez de ne point tranfgreffer la loï, ni les canons. Le roi étendit la main, & en jura par le Dieu tout puiffant. Puis Gregoire prit du pain & du vin & fe retirą.

La nuit, aprés que l'on eut chanté les nocturnes, Gregoire entendit frapper rudement à fa porte.

envoïa ouvrir, c'étoit des gens de la part de Fredegonde, qui venoient le prier de ne lui être point contraire, & lui promettoient deux cens livres d'argent, s'il faifoit condamner Pretextat:`difant qu'ils avoient déja parole de tous les autres évêques. Gregoire répondit: Quand vous me donneriez mille livres d'or & d'argent puis-je faire autre chose que ce que Dieu commande ? Je vous promets feulement de fuivre ce que les autres ordonneront felon les canons. Les envoïez de Fredegonde n'entendant pas ce qu'il vouloit dire, le remercierent & se retirerent. Le matin quelques évêques le vinrent trouver, pour lui faire une femblable propofition, & il leur répondit de même.

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XXXIII.

Quand ils furent affemblez dans l'églife de faint Seconde féance. Pierre, le roi s'y trouva dés le matin, & leur dit Un êvêque convaincu de larcin, doit être dépofé fuivant les canons. Ils demanderent qui étoit l'évêque accufé de larcin. Le roi répondit: Vous avez vû les chofes qu'il nous a dérobées. En effet, il leur avoit montré trois jours auparavant deux balots pleins de diverses choses précieuses, estimez plus de trois mille fous d'or; & un fac qui en contenoit en efpeces environ deux mille : difant que tout cela lui avoit été pris par Pretextat. Je croi, dit Pretextat, que vous vous fouvenez, que quand la reine Brunehaut partit de Roüen, je vins vous trouver, & vous dis, que j'avois en depôt cinq balots de fes meubles que fes gens venoient fouvent me les redemander, & que je ne voulois pas les rendre fans vôtre ordre. Vous me dîtes: Rendez à cette femme tout ce qui lui appartient, de peur que ce ne foit une caufe d'inimitié, entre mon ·F fff iij

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