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bles à l'innocence & à la pudeur? Quoi? Je raconterai de fens froid, & avec tout le fel dont ces fortes d'ordures peuvent être affaifonnées, toutes les affreufes Hiftoriettes de la chronique fcandaleufe? Cefferont - elles d'être pernicieuses à mes Auditeurs, dès-là que j'aurai averti que je n'en fuis pas l'inventeur? Quoi? Bayle aura rempli fes uvres de mille impuretés, capables de falir l'imagination; & il ne s'y trouvera plus de poifon, parce que ce font des copies? C'eft ici que je pourrois dire, qu'il faudroit renoncer au bon fens, pour adopter un raisonnement fi pitoyable.

Le Biblioth. Ce raifonnement ne m'eft venu à l'efprit.

pas

Le Docteur. Il s'offre pourtant tout naturellement. Mais ne vous en rapportez pas à mes réflexions. Je veux que ce foit Bayle qui porte fentence contre lui-même.

Le Biblioth. Quoi? Bayle fe feroit condamné, & auroit lui-même réfuté ces beaux lieux communs, qui paroiffent d'abord fi favorables à fa cause?

Le Docteur. Oui, cet Auteur que tant de gens regardent comme infaillible, & que certaines Dames vantent comme un Oracle ( je doute qu'elles veuillent lui prodiguer ce titre à tous égards); Bayle, dis-je, peut-être fans y penfer, a condamné ce que je prétens ici condamner. Voyons fes Nou

velles de la République des Lettres (a), où il fait l'extrait de la Traduction de Lucrece par M.des Coutures. Voici comme il parle: Il a joint à fa Traduction quelques Notes fort [çavantes, qui font fouhaiter qu'il en eût donne un plus grand nombre. Mais on approuve extrêmement qu'il ait coupé court celle du quatriéme Livre, à caufe des impudicités, dont il eft plein. Jamais homme ne s'eft exprimé plus vivement que Lucrece fur ces chofes-là. De forte que,. file Traducteur l'eût voulu fuivre, il eût parlé un langage fort fcandaleux. Il n'a en garde de le faire; & il a pris le meilleur tour qui fe pouvoit, pour faire connoître aux Dames un Philofophe, qui ne leur est pas trop connu. Quoi! le Traducteur de Lucrece eût parlé un langage fcandaleux, s'il avoit fuivi fon original? ce qu'il n'a eu garde de faire. Et les impudicités que Bayle cite, copie, commente, amplifie, affaifonne en mille manieres, ne feront capables de caufer aucun scandale? Quel aveuglement !

Le Biblioth. Si je n'avois ce texte fous les yeux, je ne pourrois croire que Bayle eût parlé de la forte. Car enfin il faut qu'il renonce à ce trait de sa justification, qu'il n'étoit que Copiste ou Commentateur.

Le Docteur. Je vais vous faire voir une condamnation encore bien plus nette & plus

(a) 1695. Mois de Juillet, à la fin, pag. 430.

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précife. Montrez-moi l'article Guarini dans le Dictionnaire.

Le Biblioth. Le voici. Voulez-vous le corps de l'article, ou les remarques?

Le Docteur. Lifons les remarques. Il parle des Contes de la Fontaine, dont il a dit (4) ailleurs, , que les impudicités horribles les ont fait condamner au feu par Sentence du Châtelet de Paris. Après avoir rapporté une espéce de fophifme, dont la Fontaine fe fert pour fe justifier, il ajoute, qu'on fe trouveroit exposé à plufieurs paffions impures, excitées par la lecture de ces Contes. Et n'est-ce pas un affez grand mal? C'eft Bayle lui-même qui fait cette interrogation preffante. Et un peu plus bas : Quand ce que l'on conte de ce Poëme (du Paftor fido) feroit faux, il ne laisseroit pas d'être vrai, que la lecture de certains Livres eft trèspernicieufe aux jeunes gens de l'un & de l'autre fexe. Enfin à la Remarque D, où, fuggérant une autre espéce de justification, il dit que le Chevalier Guarini auroit pu dire, que fa Paftorale n'apprenoit rien de nouveau à fes Lecteursi ou que, fi les jeunes gens y rencontroient quelque chofe qu'ils ne fçavoient pas, ils l'auroient apprife ailleurs. Il réfute cette penfée, & conclut de la forte: Cette maniere d'Apologie, quoique plus fouffrable que la Maxime de M. de la Fontaine, eft néanmoins trés-mauvaise; car

(a) Ci-dessus, Réflexions, &c. pag. 15,

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enfin, quelques inévitables que puissent être les défordres, lors même qu'on n'y contribuera pas, chacun doit mieux aimer qu'ils viennent d'ailleurs que de fon intervention. Croiriez-vous que le El parle Compilateur, le Copifte, le Commentateur; difons-le hardiment, que l'Auteur de mille obfcénités fût en même-tems l'Auteur de cette belle Morale?

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Le Biblioth. Cela paroît affez surprenant. 'Au refte, il en résulte que la prétendue juftification de Bayle s'en va en fumée, que ce n'eft qu'un fophifme ; & que, felon fes principes, tout Livre obfcène, foit qu'il foit copie,foit qu'il foit original,eft très-pernicieux, fur-tout aux jeunes gens. Enfin je vois clairement que ces Ouvrages tant vantés, s'ils font auffi impurs que vous le prétendez, doivent être un fruit défendu pour une infinité de Lecteurs.

Le Docteur. Que dites-vous là, s'ils font auffi impurs? En pouvez-vous douter ? Les accufations intentées à ce sujet, & dans des Ecrits publics, & en Juftice réglée au Confiftoire de Rotterdam; les aveux de Bayle, fa juftification artificieuse, l'offre même hypocrite qu'il fait de retrancher dans une nouvelle Edition fes expreffions trop libres; tout cela ne prouve-t'il pas évidemment ce que j'ai avancé? Mais à ces preuves,je puis en ajouter une autre, qui ne paroît pas équivoque. L'Auteur, que je vais citer, ne fera

affurément pas fufpe&t aux admirateurs de Bayle. C'eft M. de Beauval, bon Proteftant, qui a compofé l'Eloge que l'on voit à la tête du IV. volume des Œuvres diverfes de M. Bayle. Lifons-en ce qui fait notre sujet. Le plus effentiel, c'est qu'il ( M. Bayle) a été un peu trop libre dans fes Ecrits, & qu'il s'eft un peu émancipé fur le chapitre des femmes. Il s'eft quelquefois échapé au-delà de la bienséance. S'il avoit eu l'ufage du monde poli, qui ne s'ac quiert pas dans la folitude & la retraite du Cabinet, il auroit badiné avec plus de retenue, & enveloppé plus délicatement certaines chofes qu'on peut faire entendre finement, fans qu'il foit befoin de les dire.

Le Biblioth.Quelle preuve employez-vous là? Il a été un peu trop libre; il s'eft un peu émancipés il s'eft quelquefois échapé au-delà de la bienféance; il n'avoit pas l'usage du monde poli; il a badiné avec peu de retenue; il n'a pas enveloppé délicatement certaines chos fes. Eft-là de quoi tant crier ?

Le Docteur. Etes-vous assez neuf pour n'entendre pas le langage d'un Panégyrifte? Lorsqu'il trace des traits glorieux à son Héros, les termes les plus pompeux ne lui fuffifent S'il touche quelque défaut connu, qu'il ne peut diffimuler, il coule légèrement, & fe fert de mille adouciffemens, qui le font prefque difparoître. Autrement ce feroit dé-, grader, ou plutôt défigurer fon fujet, &

pas.

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