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triarches des Sectes, dont ils vouloient ab→ jurer les erreurs ; je me borne au fait de Janfénius, où Bayle paroît établir font fort; & je dis qu'il a mal choifi fon terrein. S'il y avoit bien pensé, pour en imposer avec moins de groffiéreté, il fe feroit attaché à quelque hif toire plus ancienne & moins connue. Mais par je ne fçais quel travers d'efprit, il nous donne pour vraie une hiftoire, que tout l'Univers reconnoît être fauffe. En effet y a-t'il au monde un Théologien ; que dis-je ? y at'il une fenime en France, qui ne sçache par coeur l'Hiftoire du Formulaire? Les Bulles réïtérées des Papes, les Mandemens des Evèques,les Edits & les Déclarations du Roi pour obliger à la fignature pure & simple du Formulaire, démontrent clairement que l'Eglife fe croit en droit d'exiger la croyance des faits doctrinaux. C'eft donc une Loi reçue dans toute l'Eglife, & qui eft devenue Loi de l'Etat, que quiconque afpire aux Ordres facrés, ou prétend obtenir un Bénéfice, ou prendre les dégrés dans une Université, eft obligé de jurer fur les SS. Evangiles, qu'il condamne purement & fimplement les cinq propofitions extraites du Livre de Janfénius, & qu'il les condamne dans le fens de l'Auteur: In fenfu ab authore intento. Tous ceux qui refufent de fe foumettre à cette Loi, font regardés par l'Eglife comme des

Enfans

Enfans rébéles, qui, par une distinction inventée après (a) coup, s'efforcent d'éluder la condamnation de l'Auguftinus, & d'en sauver la doctrine anathématifée.

Personne n'ignore ni les contradictions, les tergiversations, les chicanes de ce parti, ni la conftante fermeté avec laquelle le Corps des Pafteurs l'a forcé dans les foibles retranchemens. Eft-ce là avouer que l'Eglife n'eft pas infaillible dans les faits dogmatiques, dont il s'agit ici? Eft-ce ainfi que le parti oppofé aux Janféniftes s'eft trouvé forcé d'avouer qu'on n'étoit point obligé de croire que les cinq Propofi tions condamnées fuffent dans le Livre de Janfénius? & qu'il a (b) été permis à ses Difciples de foutenir que fon Livre ne les contient pas ? Vous voyez plus clair que le jour que ce font autant de faufletés manifeftes. Voilà donc un quatriéme menfonge fur le compte de notre fidéle Auteur. Ce n'eft pas le dernier dont je le convaincrai.

Le Biblioth. Je n'aurois jamais cru que Bayle fût capable de la mauvaise foi dont vous venez de le convaincre. Mais encore quelle conféquence tire-t'il de ce fait fuppofé?

Le Docteur. L'avez-vous déja oubliée ? (a) Tout le monde fçait que les Jansénistes ont d'abord foutenu les cinq Propofitions comme Catholiques au fens de Jansénius : Ils les croyoient donc alors vraiment de Janfénius. Et ce n'est qu'après le Jugemens porté à Rome, qu'ils ont changé de langage,

(b) Hic, p. 138. col. z.

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İl en conclut qu'il eft de toute impoffibilite que l'Eglife foit infaillible. Ecoutons-le luimême: (a) » On ne manquera pas de fe » récrier que c'eft une contradiction mani» fefte, de dire que l'Eglife eft infaillible dans "les queftions de droit, & foutenir en mê

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me tems que la décifion particuliere du » fens de la révélation eft une chose de fait. „C'eft auffi ce que je prétens & ce que je » cherche. Je prétens que la doctrine de » l'infaillibilité implique contradiction; & » que Mrs de l'Eglife Romaine ne pouvant » point foutenir, fans fe rendre ridicules, que » le Pape ou le Concile font infaillibles dans » le fait, c'est une conféquence nécessaire » qu'il n'y a point d'infaillibilité dans l'Eglife pour l'intelligence de la révélation...« Et plus bas: » Admirons ici, Monfieur, la fage Providence de Dieu, qui, pour nous aider dans les ténébres de notre ignorance » à reconnoître qu'il n'a point établi de Tribunal infaillible sur la terre, a permis que » ceux qui ont eu la vanité de s'attribuer le privilége de l'infaillibilité, ont été con»traints de tomber d'accord qu'ils fe trom» pent tous les jours dans les faits. « Enfin il conclut » D'où il s'enfuit que l'Eglife n'é» tant point infaillible quant au fait, ne l'eft point quant au droit. Voyez-vous où il conduit fon lecteur avec ce menfonge? Le Biblioth. J'apperçois bien cette der(a) Hic, p. 139.

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niere conféquence, qui porte à faux ; puifque l'Eglife n'a jamais avoué, & ne peut avouer, qu'elle foit faillible dans les faits doctrinaux. Mais je ne vois pas encore que ce Philofophe raisonne jufte, lorsqu'il prétend que la Doctrine de l'infaillibilité implique contradiction, fuppofé même cet aveu prétendu. Si je n'ai point oublié ma Logique, je pense que tomber en contradiction, c'eft nier & affirmer la même chose du même fujet. Les Catholiques feroient-ils dans ce cas, s'ils avouoient ce que Bayle leur prête?

Le Docteur. Eh, oui, ils feroient dans le cas, fi ce que Bayle avance comme un fait conftant, n'étoit pas un menfonge. Les Catholiques prouvent auffi folidement que Bayle, que l'Eglife ne feroit point infaillible quant au droit ou au dogme, fi elle n'étoit infaillible quant au fait doctrinal; puifque les fidéles ne pourroient jamais s'affurer qu'un tel dogme, qu'une telle propofition eft contraire à la révélation, fi l'Eglife pouvoit le tromper en interprétant ou la révélation, ou telle propofition qu'elle profcrit comme hérétique. Et voici comme raifonne ce Sophifte rufe: L'Eglife n'eft point infaillible quant au droit, fi elle n'eft point infaillible quant au fait do&trinal; Orles Catholiques avouent qu'elle ne l'eft point quant à ce fait; Donc ils font obligés d'avouer qu'elle ne l'eft point non plus quant au droit. Par conséquent sou

tenir qu'elle eft infaillible quant au droit, & avouer qu'elle ne l'eft pas quant au fait (dont il s'agit) c'eft foutenir qu'elle eft infaillible & qu'elle ne l'eft pas dans le même point, qui eft le droit : ce qui renferme une contradiction manifefte. Sentez-vous la force de ce raifonnement? Il feroit fans réplique, fila feconde propofition étoit auffi vraie qu'elle eft fauffe. Mais je crois que vous en connoiffez la fauffeté, que vous êtes en état de la démontrer à quiconque ofera tabler fur cet impudent menfonge de Bayle. Ainfi voilà ce grand, ce folide, cet invincible argument réduit en poudre ; parce qu'il eft démontré que la mineure eft une fauffeté, que l'effronterie feule eft capable d'avancer. Paffons maintenant à la prétendue inutilité d'un Tribunal infaillible fur la terre. C'est un point que Bayle exagere beaucoup, & où il a réüffi à fon ordinaire. Vous en jugerez.

*

Le Biblioth. Si je ne me trompe, j'ai lu à ce moment que Bayle avoue, qu'un Tribunal infaillible nous feroit fort commode; & que tous les Chrétiens l'euffent demandé, s'il leur avoit été permis de choifir la maniere dont ils euffent voulu être conduits dans le fentier obfcur de la Foi. Comment après cela prétendre qu'un pareil Tribunal feroit inutile?

Le Docteur. Vous ne vous trompez pas; & vous avez lu jufte. Oui, Bayle dit cela fort précisément.

*Leure 29. pag. 139.

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