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luftrer par leur féjour & par leurs travaux, lorfque cette ville étoit le centre des arts, & le rendez-vous de tous les favans. Le fameux Ofius, qui préfida au concile de Nicée, fut un de fes premiers évêques.

L'églife cathédrale eft ce qu'il y a de plus remarquable à Cordoue. Elle fat bâtie au huitieme fiecle par les Arabes, auxquels elle fervoit de mosquée nom qui lui est refté; car on l'appelle encore aujourd'hui la Mefquita. On y entre par vingt-quatre portes chargées de fculpture & d'ornemens ; la voûte, peinte & dorée, eft foutenue par plus de trois cents colonnes d'albâtre, de jafpe & de marbre d'un pied & demi de diametre, & dont quelquesunes ont des chapiteaux d'ordre Corinthien, reftes précieux d'un ancien temple dédié à Augufte. Elles devoient faire un effet admirable, avant que les Chrétiens, pour adapter cette églife à leurs ufages, ne les euffent coupées par des croix, par des autels & par le chœur fitué précisément au milieu du temple. On y montre un crucifix, qu'un Espagnol, prifonnier parmi les Maures, a fait, dit-on, avec fes

ongles. Un François ne doit pas oublier la chapelle de faint Louis, où fe trouve une ftatue équestre de ce monarque.

On m'a parlé d'un ufage établi dans le chapitre de cette cathédrale, qui vous paroîtra fingulier. Lorfqu'un dignitaire meurt fans faire de teftament, c'eft l'évêque qui hérite de fon bien ; & il en hérite prefque toujours; car ce même chanoine ne peut tefter fans une permiffion expreffe du pape, qui s'accorde difficilement. S'il l'obtient néanmoins, le prélat peut encore choifir parmi les meubles du défunt, ce qui lui convient le plus. C'eft ce qu'on appelle la luctuofa, la pleureufe, ou le droit de deuil.

L'ancien palais des rois de Cordoue eft un grand bâtiment, accompagné d'un jardin fpacieux, & d'un bois d'orangers. L'Inquifition en a auffi un affez beau fur le bord du fleuve. La place Mayor eft bordée de jolies maifons avec des portiques. Les montagnes, au pied au pied defquelles la ville eft bâtie, font entrecoupées de vallées charmantes, arrolées d'une multitude de ruiffeaux & de fontaines, & couvertes de forêts d'orangers. Ces arbres,

lorfqu'ils font en fleurs, embaument tout le pays; & c'est un grand plaifir pour les habitans, de fe promener la nuit à la campagne, pour refpirer ce parfum délicieux. On rapporte que Muza, ce fameux capitaine Maure, qui conquit ce royaume, étant contraint de l'abandonner pour retourner en Afrique, ne put s'empêcher de s'écrier: "ah! Cordoue, que tu es charmante ! Que l'on ,, goûte chez toi de délices! Que tu as ,, reçu du Ciel de grands avantages! Après avoir prononcé ces paroles, il partit pénétré de douleur, de quitter un fi beau lieu.

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Les hauteurs voifines de cette ville. font partie de la Sierra-Morena, nom qu'on donne à cette chaîne de montagnes, qui fépare l'Andaloufie de la nouvelle Caftille. Quelques-unes font couvertes de bois d'autres arides mais remplies de minéraux. Elles ont au moins vingt-quatre lieues de longueur, fur une largeur très-inégale. Ce pays n'a jamais été ni habité, ni cultivé, moins par la mauvaise qualité du fol, que parce qu'il s'eft prefque toujours trouvé frontiere entre des Etats qui fe faifoient une guerre fanglante.

Le projet de la peupler fut proposé à la cour en 1725; mais on y trouva alors des difficultés infurmontables. Une des principales étoit que l'Efpagne entiere auroit befoin de colonies, & parce que toutes fes provinces étoient incultes; qu'il étoit inutile d'aller au loin chercher un terrein inconnu, montagneux, fans débouchés, lorfqu'on avoit, aux portes même de la capitale, des campagnes défertes & qu'on négligeoit de cultiver.

Ce même projet vient d'être préfenté de, nouveau; mais, s'il eft accepté, je doute qu'il puiffe jamais être exécuté. On parle de faire venir des étrangers, & principalement des Allemands & des Flamands, pour les établir dans ces montagnes; de donner à chaque famille une maifon garnie de tous les uftenfiles, cinq vaches, dix moutons, trente poules, fix cochons, les outils néceffaires pour tous les travaux, & d'y attirer au moins mille familles. Mais comment raffembler en Efpagne cinq mille vaches, dix mille moutons, trente mille poules, &c, fans dégarnir d'autres provinces? Ajoutez à cet inconvénient, les obftacles qu'on éprouveroit de la part des autres puiffan

ces. Tous les princes de l'Europe ont les yeux ouverts fur la défertion de leurs fujets; ils ne manqueroient donc pas de s'opposer à cette émigration.

En fuppofant même qu'aucune des mefures à prendre pour le fuccès de la colonie ne puiffe manquer; que l'argent foit abondant, que les livraisons foient faciles & de bon aloi, les maifons conftruites promptement & dans des terreins avantageux, les maladies rares, & les récoltes heureufes, on peut encore affurer que l'opération fera fans effet, & que la colonie diminuera d'elle-même; parce que la dépopulation de l'Efpagne a fa caufe dans le manque de travail, de commerce & d'induftrie; & que le zele des colons s'éteindra comme celui des anciens habitans. Ce ne font point précifément de nouveaux hommes qu'il faut à ce pays; la population ne peut pas être un effet rapide: il faut des fiecles d'un bon gouvernement, des chemins des ca naux des plantations, une fage adminiftration des finances, une forme d'impofition qui ne nuife ni à l'agriculture, ni à l'induftrie: il faut diminuer le nombre des gens de main

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