Theologie narurelle,à laquelle elle a toute entiere un rapport neceffai re & naturel, mais à la Societé civile ; & quelquefois même à la Religion. La moins importante de ces deux recherches, qui eft celle de la nature de l'air, c'eft-à-dire de fon mouvement, de fa pefanteur & de fon reffort, eft trés-utile à la Mechanique, à la Navigation, à la Medecine, à la Chirurgie, & les nouvelles décou vertes qu'on y a faites, fervent à refoudre un nombre infini de Problêmes qui éclairent tous ces Arts. Et quant à l'Aiman, la Bouffole feule fait le commerce des deux Hemifpheres, & fert à la communication de l'Evangile d'un Hemisphere à l'autre. Cependant la Bouffale n'eft qu'une confequence de deux feules d'entre les innombrables proprietés de l'Aiman.. Platon que Socrate que l'Auteur ne méprifera pas, n'a pas méprifé fembla bles recherches. Ariftophane l'avoit voulu rendre méprifable au peu-. ple d'Athenes fous l'idée exagerée d'un Viellard qui s'applique ferieusement à des bagatelles. (V. Ariftophane Act. İ. Scene 2. & 3. des nuées.) Ces bagatelles étoient pourtant le Ciel & les plus petits Infetes; les plus grands & les plus petits corps de la nature, & par confequent les plus admirables. Auffi Socrate ne s'en deffend-il qu'en difant: qu'il croyoit ces recherches au-deffus de luy. (V. Apologie de Socrate dans Platon.) & je ne m'en étonne pas. La Phyfique étoit encore fi jeune de fon tems parmy les Grecs, qu'on peut dire, qu'il n'y a guere plus de 150 ans qu'elle ne faifoit encore que begayer. l'Auteur eftime.tant, & avec tant de raifon, ne paffera pas chez luy pour indigne de l'auguste titre de Philofophe, parce qu'il eft Auteur du Tinée, qui n'eft autre chofe qu'une Phyfique, theologique, celefte & fublunaire, & l'Auteur ne l'en croit.. pas moins Philofophe. Platon y fait intervenir, comme par tout ailleurs, le Heros de la Philofophie. C'eft Socrate qui donne la parole à Timée, c'eft luy qui l'exhorte à expliquer l'origine, l'Auteur, la ftructure du monde, des creatures intelligentes, de l'homme, des animaux & des Plantes ; & il l'écoute avec beaucoup d'attention discourir de tout cela. Il eft vray que le Timée n'eft qu'une petite partie des Ouvrages de Platon, que Timée ne s'eft pas borné à rechercher quelques fecre's de la nature,& que Platon n'a pas paßéfa vicà faire des experiences mais tant pis pour fa Phyfique, 1° Il feroit à fou haiter que Timée fe fût un peu plus borné qu'il n'a fait;qu'il n'eût pas entrepris d'expliquer la nature des ames par des figures, & s'en fût renu à ne chercher dans la nature que ce que les hommes y peuvent trouver, qu'il eût un peu plus fait d'experiences anatomiques, & fur tout que Platon, plus fage & plus folide que Pythagore, le fût appliqué à chercher des regles pour diftinguer dans la Phyfique le poffible de Pimpoffible, les chofes qu'on peut efperer de trouver, de celles qu'on. peut 1 1 peut s'affûrer que nul homme ne trouvera jamais. Car c'eft fur ces dernieres que tombe tout le nepris que Socrate montre de ters les Philofophes qui l'avoient precedé, uniquement appliqués à la Phyfi.. que, cherchant l'impoffible comme le paffible, Fun & l'autre fans regle & fans conduite, & aflurant avec une égale temerité ce qu'ils favoient le moins, & ce qu'ils croyoient le mieux fçavoir. ( Voyez. Xenophon, Apologie de Socrate.) 2o. Quant au refte: qui eft-ce qui passe sa vie à des speculations & à des experiences phyfiques? Les Medecins même qui font obligés de s'y appliquer autant qu'elle peut être utile à leur Art, donnent incomparablement plus de temps à la pratique de la Medecine, & aux autres devoirs de la vie. Les Profeffeurs en Philofophie ne donnent qu'un quart de leur temps au plus à enfeigner la Phyfique. L'Auteur croiroit-il qu'un Medecin & un Philofophe de profeffion, en fuffent moins Philofophes pour faire leur devoir en recherchant ce qu'ils doivent connoître, & en cultivant ce qu'ils doivent enfeigner? Si un particulier maître de fon temps fe promenant, ou voyageant, ou converfant avec fes amis, s'occupe à faire des reflexions fur la puiffance infinie, & fur l'art inconcevable du Createur de la nature, fera t-il un curieux méprifable, parce qu'il ne détourne pas fes yeux des merveilles qui fe prefentent à luy d'el les-mêmes, & à tout momens ; & lera-t-il oifif, parce qu'il s'occupe dans fon loifir? D'ailleurs quel temps faut-il pour faire des découvertes confiderables dans l'Hiftoire & dans les caufes naturelles? Ce temps eft trés-fouvent fi court qu'on ne peut ny le marquer ny le mesurer. Un coup d'œil, une reflexion trés- fimple, trés-facile & trés-naturelle, fuffisent pour découvrir une verité inconnue, pour en tirer des confequences, pour imaginer des experiences déci fives; & tout cela faifant chemin, au milieu des affaires, & dans tous les états de la vie. Tout le travail & tout le temps eft d'executer & d'écrire. Mais comme les loix n'y forcent perfonne, elles ne le deffendent à perlonne. Et cola étant je ne crois pas que perfonne fûs en droit de blâmer quelqu'un qui pafferoit fa vie à des recherches innocentes qui peuvent devenir trés-utiles à la Societé civile, & je crois même qu'il feroit à fouhaiter qu'il y eût un peu plus de Phyficiens qu'il n'y en a, occupez de cela feul, fans préjudice des devoirs de la Religion & de la Societé. Les Medecins & les Philofophes de profeffion en profiteroient & ces Phyficiens éloignés du tumulte des, affaires, des interêts fordides & de l'ambition, contents d'un honnête neceffaire, employant une partie de leur fuperflu à la recherche de la verité physique, n'en feroient que plus Philofophes. Mais j'ay fouvent remarqué qu'une partie de ceux qui ont du goût pour l'éloquence & pour les affaires, n'ont que du dégoût pous Oo... 1700. les sciences exactes & pour les Arts; peut-être parce que ces chofes demandent beaucoup d'attention, qu'on ne les trouve pas dans fon imagination, & qu'elles ne tiennent point aux paffions qui remuënt ordinairement les hommes. Cependant les Sciences ne fe combattent & ne fe méprifent point les unes les autres, au contraire elles s'aident & fe mettent mutuellement en honneur. On peut donc être Phyficien fans être ignorant dans la morale, & on peut être fçavant en Morale, fans en être moins phyficien. Et en effet j'ay connu deux hommes tous deux grands Mathematiciens & grands Phyficiens, & pourtant grands Philofophes, au fens que l'Auteur l'entend, c'est-à-dire très- fçavants dans la Morale, trés-reglés dans leurs mœurs & trés fideles à tous les devoirs de la vie civile & de la Religion. Je les ay vûs de plus tous deux arrivés au degré le plus fublime de la dialectique & de l'éloquence, fans y avoir donné aucun temps exprés & prefque fans s'en appercevoir. Cela étant je fuis perfuadé que l'Auteur n'en feroit pas moins ce qu'il est, philofophe, éloquent, utile au public, en un mot eftimable par une infinité d'endroits, quand il auroit donné quelques momens & une partie des talens de fon efprit à quelques recherches Physiques. Car elles luy auroient au moins fait connoître qu'il ne faut pas y paffer fa vie pour parvenir à la connoiffance de la verité en plufieurs chofes importantes, & pour le mettre en état de la communiquer. Mais fans entrer dans ces recherches, il n'a befoin que d'un peu de reflexion pour reconnoître qu'on ne profane point l'auguste titre de Philofophe, en le donnant aux Phyficiens, quand il aura confideré que l'application qu'ils donnent à la Phyfique les dégrade fi peu, que l'Ecriture Sainte même, dans un de ces Livres qui renferment toute la Sageffe morale, politique & civile, exhorte tous les hommes à confiderer, chacun felon fa portée, les Ouvrages que le Createura faits fur tout, afin qu'ils les confideraffent, & qu'en les confiderant, ils appriffent au moins à le connoître, à l'admirer & à le craindre, (Eccl. III.14.) C'eft ce que l'Auteur & vû fans doute, non feulement dans les endroits qu'il trouvera citez ici, mais en une infinité d'autres qu'il fuppléera fort aisément. Voyez, Pf. XVIII, 2. 6. 7. XXVII. 4. 5. 6. LXV. 3. LXXVI, 12. Pf. XCI. 5. 6. CII. CX. 2. 3. 6. CXXXVIII. 14. 15. 16. CXLII. 5. CXLIV. 4. CXLVII. 15. 16. 17. 18. CXLVIII, Dan. III. 57. &c. Rom. I. 18. 19.20.21. §. YJe ne prétens pas avoir épuifé cette matiere.. Aprés tout ce qui a été dit, il refteroit encore à rendre raison, 1°. De la force de la voix humaine, qui femble être au deffus de toute proportion, comparée avec les dimenfions de fon canal & de fon anche. 2°. De fes tons qui femblent n'être pas fuffifamment expliquez par l'ouverture de la glotte & par les vibrations de fes lévres. A l'égard de la premiere difficulté, la force de la voix n'exige pas en rigueur la profondeu: da canal. Leaflet humain a fouvent union trés-perçant, fans aucune profondeur, puifqu'il fonne immediatement dans l'air vague, battu par l'air qui fort des levres froncées & entr'ouvertes en glotte. : Quant a la 2o difficulté le canal de la voix n'ayant pas la dimension? proportionnée aux tons, fur tout des voix de baffe; ce canal n'ayant pas affés de dimenfion pour donner le ton & dominer l'anché de Î'homme il femble qu'il faudroit pour donner le ton que l'anche dominât le canal, c'eft-a-dire, qu'elle feule donnât le ton, comme il arrive dans la voix humaine de l'orgue où la languette a affés de longueur pour fuppléer les intervalles des vibrations d'un tuïau de mefure par rapport au ton que fa longueur luy donne. Car les vibrations de la languette d'un tuyau de Regale, font comme celles des Pendules, au lieu que celles des tuyaux font comme celles des chordes bandées, c'est-à-dire, beaucoup plus vîtes & plus frequentes à lon- · gueur égale, que celles des Pendules, de forte que les intervalles des vibrations d'une courte languette de Regale peuvent être égaux aux intervalles des vibrations d'une longue chorde bandée, qui font celles d'un tuyau de mesure. Mais les vibrations de la glotte tiennent de celles des chordes bandées. Or comme ces deux chordes font tréscourtes, fi elles étoient faites pour fonner, elles ne devroient produire par elles mêmes que des tons trés-aigus & trés-foibles.Elles font donc trés-éloignées de fuppléer un canal de mefure. Voila la difficulté qui ne détruit ny le fait ny les caufes propofées, mais qui ne laiffe pas de demander un éclaircillement. On dira peut-être que la confiftence de ces chordes fupplée pour les vibrations la longueur qui leur manque. Car dans les Inftrumens à chordes de metail, les chordes d'or & les chordes de fer passées à la même filiere, bandées par des poids femblables, & mefurées d'une longueur égale, fonnent à plus d'une quinte l'une de l'autre, celle de fer à la quinte d'enhaut, & celle d'or fin à la quinte d'enbas. (Voyez, Harmonie universelle du P. Merfenne, liv. III. des Inftrumens à chordes, propofition 19. pag. 151. de l'Edit. fol. 1637.) Les Muficiens difent que cela va jufqu'à l'octave; & cela eft vray, harmoniquement parlant, mais non en rigueur mechanique. Quoiqu'il en foit, il eft probable qu'il y a indéfiniment plus de difference de confiftence entre les chordes d'or & celles des lévres de la glotte, qu'entre les chordes de fer & celles d'or, quoique celles-cy foient d'un metail beaucoup plus doux & plus liant que le fer. On pourra dire encore que la confiftence fi compofée du canal exterieur pourroit fuppléer la profondeur en quelque maniere. Car fi les vibrations des tuyaux d'orgue font comme celles des chordes bandées, il pour-- Toit être qu'un tuïau d'orgue compofé d'une lame d'or, auroit un a■. tre ton que celuy de la dimension ordinaire, & fi la difference de ton répondoit à celle qui fe remarque dans les chordes, il ne feroit pas impoffible qu'a deux tiers de longueur, il jetteroit au moins le ton de la quinte au-deffous d'un tuyau de longueur & de metail ordinai re. Mais cela ne me fatisfait pas, 1:à caufe des énormes differences qu'il faut fuppofer. 2. Parce que les lèvres de la glotte ne font pas des chordes faites pour fonner, mais pour fremir, & pour brifer l'air, ce qui fuffit pour le fon, & pour varier les tons par les differens brisemens; 3. Parce que la difference des tons dans les chordes de metail, ne vient pas feulement de leur confiftence, mais de plufieurs autres circonstances qu'on ne peut appliquer aux lévres de la glotte. Je reviens donc à dire comme dans le Memoire, que la complication de l'ouverture de la glotte & du reffort des lévres bandées, peut rendre les tons indépendans,& de la profondeur du canal, & de la longueur des chordes. Car le feul brisement de l'air fuffit pour le son, & l'air mû de vîteffe dans l'air le peut brifer fuffifamment pour produire un fon, & affés differemment pour produire les tons. Sçavoir comment tout cela fait une fenfation, c'est moins une question qu'une efpece de myftere phyfique qu'on démontrera inconcevable en natu re. Mais le fait me fuffit. En effet j'ay fait faire une anche d'orgue, comme pour un tuyau de Regale de fix poulces, à laquelle je n'ay fait ajoûter que la chappe neceffaire pour l'emboucher, fans aucun tuyau. Cependant cette anche fonne 8. pieds. On fit l'experience dans l'Affemblée publique. Voila pour le canal. On s'en peut donc paffer abfolument. Quant à la longueur des chordes,on fçait que M. Marius fait des Claveffins brifés, qui déployés, n'ont que deux pieds & demi dans leur plus grande longueur,& dont les baffes de leton guip pées ou furguippées, ou de cuivre, ou d'argent, ou d'argent doré pour baiffer de ton de plus en plus, font à l'uniffon des bafles les plus longues des Claveffins de fept pieds de long, d'où il s'enfuit que par cet artifice, 1 fonne comme 3. Il prétend même que cela peut aller infiniment plus loin qu'il n'a eü befoin de le pouffer. Ainfi la longueur des chordes pourroit être fuppléée jufques à un certain point. Il ne s'agiroit donc plus dans cette difficulté que du plus & du moins. Mais fans avoir recours à ces fupplémens, il fuffit de repe ter icy que dans l'inftrument de la voix de l'homme, les tons font indépendans de la mesure du canal & de celle des lévres, confiderées comme une espece de chordes. Et il faut bien que cela foit ainsi, puifque l'effet de l'inftrument de la voix de l'homme ne peut être revoqué en doute. Et en effet, j'ay depuis peu obfervé qu'un Chi bryant a fonné plus de -8, -pieds malgré la difproportion.de fes |