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oblige fa partie adverse au ferment, demande fouvent deux ou trois jours, pour difpofer l'appareil du ferment, foompatan, ou la chofe fur laquelle ils jurent, qui peut être plus ou moins facrée, & plus ou moins efficace. C'eft un vieux cris rouillé, ou un canon de fufil rompu, ou quelque ancienne arme, à laquelle le hazard ou le caprice a attribué une vertu extraordinaire. Dans la cérémonie du ferment, ils la plongent dans l'eau & celui qui fait le ferment boit cette eau, après avoir prononcé la formule ci-deffus rapportée (1). Le Pangeran de Soongey-Lamo conferve chez lui quelques balles de cuivre, qui ont été plongées dans l'eau, bue les chefs de SoongeyEtam, quand ils s'engagèrent par ferment à ne jamais troubler fon diftrict; ce qu'ils ont fait cependant toutes les fois qu'ils l'ont ofé avec certitude d'impunité, à cause du relâchement de notre Gouvernement. Mais c'étoient-là des fermens politiques. Le foompatan le plus ordinaire, eft le cris, fur la lame duquel ils répandent quelquefois du fuc de limon, qui imprime une tache fur les lèvres de celui qui boit l'eau; cir

par

(1) La manière dont fe fait le ferment parmi les Peuples de Madagascar, a beaucoup de rapport avec les cérémonies ufiteés chez les Sumatranois. Il y en a fur-tout un très-grand dans les chofes fur lesquelles ils jurent, & l'eau confacrée qu'ils boivent.

conftance qui ne peut que faire impreffion fur un efprit foible & coupable, qui doit s'imaginer que la tache extérieure offre aux fpectateurs une image de la tache intérieure. A Marna, le foompatan le plus refpecté eft un canon de fufil. On le porte avec pompe fous un parafol, & enveloppé dans une étoffe de foie, à l'endroit où fe fait la cérémonie. Cet appareil produit un effet avantageux, en infpirant aux parties une haute idée de l'importance & de la folemité de la chofe. En Angleterre, il est bien reconnu que la manière expéditive de prêter ferment, & l'efpèce de familiarité qu'on contracte avec lui, fi l'on peut ainfi parler, lui font perdre à nos yeux de fon importance, & le rendent trop fouvent inutile. Les Sumatranois jurent quelquefois par la terre, fur laquelle ils pofent leurs mains,en fouhaitant qu'elle ne produise jamais rien pour leur nourriture, s'ils difent faux. Dans toutes ces cérémonies, ils brûlent fur la terre un peu de benjoin. Et acerra thuris plena, pofitufque carbo in cefpite vivo ( 1 ).

C'eft'une chofe frappante de voir les hommes foumis à des pratiques auffi déraisonnables, & qui font dans le fait, auffi bizarres & auffi puériles, quoique communes à des Nations les plus féparées par la diftance des lieux, le climat, le

(1) Vid. Horatii Carmin. Lib. 3. od. 8. Martiis calebs, ớc. N. D. T.

langage, le tempérament, le caractère, & par tout ce qui diftingue un peuple de l'autre. Formées des mêmes matériaux, douées des mêmes fentimens originaux, les Tribus incivilifées de l'Europe & de l'inde, étoient faifies de la même crainte, avoient les mêmes idées, dans un temps où elles ne fe connoiffoient nullement, où mêine elles nioient réciproquement la poffibilité de leur exiflence. Les injuftices mutuelles, les animofités qui donnent lieu à des difputes & à des accufations, ne font point particulières à l'un ou T'autre peuple. Tout homme, dans les cas douteux, pouvoit chercher à prouver fon innocence, en bravant les objets qui infpiroient à fes compatriotes la plus grande terreur, foutenu par juftice de fa caufe. Le Sumatranois, rempli de, l'idée des Puiffances invifibles, & en même-temps de fa propre fragilité, regarde, avec une crainte religieufe, les inftrumens fuppofés de leur invention, & jurent fur des cris, des balles & des canons armes de deftruction. Le GermainChrétien du feptième fiècle, plus indifférent aux périls de cette vie, mais non moins fuperftitieux, juroit fur des morceaux de bois vermoulus, fur des clous ronillés, qu'il avoit appris à révérer, comme poffédant la vertu de le fauver de la perdition éternelle.

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la

Succeffions, Quand un homme meurt, fes biens ordinai

par

rement font partagés entre fes enfans mâles
égales parts; mais s'il en eft un parmi eux qui
s'élève par fes talens au-deffus des autres, quoi-
qu'il ne foit point l'aîné, il obtient communé-
ment la plus grande portion, & devient le chef
du toongooan ou maifon; les autres lui cédent
de bon gré la fupériorité. Un Pangeran de
Manna avoit laiffé plufieurs enfans; aucun d'eux
ne fuccéda à fon titre; mais un nom de diftinc-
tion fut donné à l'un des plus jeunes, qui fut
regardé comme le chef de la famille, après la
mort du père. Ayant demandé à l'aîné pourquoi
le nom de diftinction ne lui avoit pas été ac-
cordé, mais avoit été conféré à l'un de fes plus
jeunes frères, il me répondit avec la plus grande
<«< Parce qu'on me regarde comme un
homme foible & fans efprit »>. S'il n'y a point
d'enfans mâles, mais une fille feulement, on la
marie par ambel ana, & ainfi le
& ainfi le toongovan da
père continue. Il eft bien plus naturel & plus
conforme à la juftice de partager également les
biens entre les enfans, que de les faire paffer
en entier à l'aîné, comme cela fe pratique dans
prefque tous les Etats de l'Europe; mais dans
les pays où les biens confiftent en fonds de terre,
la dernière coutume, outre qu'elle contribue à
la gloire des familles, eft fujette à moins d'in-
convéniens. La propriété des Sumatranois étant

naïveté :

du

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purement perfonnelle, cette raifon n'a point d'aut torité pour eux. La terre eft fi abondante en comparaifon de la population, qu'ils la confidè rent rarement comme un objet de droit, mais à-peu-près comme l'air & l'eau; fi ce n'eft que dans la fpéculation feulement, le Prince prétend à toutes les terres. Cependant le terrain fur lequel un homme plante ou bâtit, avec le confentement de ses voifins, devient une espècede propriété, & peut être transféré; mais commeil ne lui coûte rien autre chofe que fon travail, il n'y a que le produit qui foit eftimé à une valeur quelconque, & qui foit vendable. Un ufufruit paffager eft donc tout ce à quoi ils prétendent, & le prix, en cas de vente, eft en général déterminé par le nombre & l'état des cocotiers, des durions & autres arbres fruitiers qu'on y a plantés; les bâtimens n'étant pour la plus grande partie que peu de durée. Tant qu'il fubfifte quelques-uns de ces arbres, les defcendans du Planteur peuvent réclamer le terrain, quoiqu'il ait été abandonné pendant plufieurs années. S'ils font coupés, il peut en replanter; mais s'ils font détruits par le cours de la Nature, la terre retourne au Public.

de

Ils ont la coutume de mettre en réserve une fomme d'argent, comme une reffource contre les cas urgens, & qu'ils n'emploient jamais pour

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