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comme un figne de paix ; & quand il arrive au lieu où fe tient le marché, à l'exemple du directeur ou régiffeur de la foire, il le décharge dans un mur de terre, où il va chercher fes balles, à fon départ. Il n'y a qu'une maifon dans le lieu où fe tiennent ces foires, & elle eft pour le jeu : des allées régulieres d'arbres fruitiers, & principalement de doorean, fervent de cabanes; il y en a une réfervée pour les femmes. Des Naturels de l'extrémité feptentrionale & méridionale de l'île, viennent à ces foires, où fe fait tout leur commerce (1).

Leur religion, comme celle de tous les Habi- Religion, tans originaires de l'île, eft fi difficile à reconnoître, qu'il y a lieu de douter s'ils en ont une. Cependant ils ont plus de cérémonies & d'apparences d'un culte extérieur, que les Kejangs & ceux de Paffummah; ils ont même une claffe d'hommes qu'on pourroit appeler Prêtres, dont l'emploi eft d'enterrer les morts, & de prédire les jours heureux & malheureux, qu'ils obfervent très-fcrupuleusement il y en a un dans chaque village. Ils ont quelque idée d'un Etre puiffant, difpofé à

(1) Ces foires, appelées Onan par les Malais, nė font pas bornées au pays de Batta : il y en a auffi à Batang capas, & à Ippoo, mais on n'y obferve pas les mêmes_formalités.

la bienveillance, & d'un autre, auteur du mal; mais ils ne rendent aucun culte ni à l'un ni à l'autre ; & ils ne paroiffent avoir aucune crainte ni espérance d'un état à venir. On dit qu'ils ont un nom pour défigner ce premier Etre, & qu'ils crai gnent de le prononcer; mais j'ai lieu de croire que c'est le mot Daibattah, comme j'ai appris d'ailleurs; nom qui correfpond, ainsi que je l'ai déjà obfervé, à ce nom général, donné à la Divinité par tous les Peuples de l'Orient. Ils appellent le mauvais Efprit Murgifo. Les feules cérémonies qui portent quelque apparence de religion font celles ufitées dans les fermens, dans les prédictions & dans les funérailles. Quelqu'un accufé d'un crime, & qui proteste de fon innocence, eft quelquefois abfous en jurant folemnellement qu'il n'eft point coupable; mais dans certains cas il eft obligé de paffer par une espèce d'épreuve. Ils ont différentes manièSerment, res de faire prêter ferment. Pour l'ordinaire on prend un coq, on lui coupe le cou, & l'accufé mettant quelques grains de riz dans la bouche, dit que ces grains deviennent pierres, fi je fuis coupable du crime dont on m'accufe; ou bien tenant dans la main une balle de fufil, il dit: que je périffe par-là, fi je fuis coupable. Dans ies cas plus importans, on met une petite image de plomb ou d'étain au milieu d'un plat de ziz,

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nou devant, dit: que mes récoltes de riz manquent, que mes beftiaux périffent, que je n'aie jamais du fel (qui, je pense, est regardé comme néceffaire à l'existence) fi je ne déclare pas la vérité. Ces images d'étain pourroient être confidérées comme des objets d'un culte idolâtre; mais je n'ai pu apprendre qu'on leur rende jamais cette efpèce d'hommage dans d'autres occafions. Comme tes reliques des Saints, elles font purement employées pour rendre la forme du ferment plus myftérieufe, & par-là plus augufte. J'ai vu des têtes de cheval fculptées, qui, quoiqu'on leur donne vulgairement le nom de Dieux des Battas, ne font rien autre chofe que les enfeignes de guerre dont j'ai parlé ci-deffus.

Avant que d'aller en guerre, ils tuent un bifon ou une volaille parfaitement bianche, ils l'ouvrent, & für les mouvemens des inteftins, ils jugent du bon ou du mauvais fuccès qui les attend. L'espèce de Prêtre qui eft le miniftre de cette cérémonie a befoin d'être infaillible: car fi l'évènement fe trouve contraire à fa prédiction, il eft quelquefois mis à mart, en punition de fon ignorance.

tions.

Divina

Rites & cérémonies

Quand un Raja, ou une perfonne de diftinction vient à mourir, les funérailles durent plu- funéraires. fieurs mois, c'est-à-dire, que le corps eft gardé

pendant long-temps avant qu'on l'enterre, & jufqu'à ce que les Rajas voisins & éloignés, fi c'est un chef, ou les parens & les créanciers du défunt, fi c'eft un grand, foient raffemblés pour célébrer la pompe funéraire avec plus de dignité. Si la faifon des femailles, ou de la moiffon furvient, la cérémonie eft encore différée, jufques à ce que ces opérations de première néceffité, foient terminées. Pendant cet intervalle, le corps est déposé dans une espèce de cercueil, fait d'un tronc d'anou creufé, bien bouché avec du dammar ou térébenthine. Dans la partie la plus baffe du cercueil, à l'une des extrémités, est un tuyau de bambou, dont le bout entre dans la terre, où fe rendent toutes les matières putréfiées du cadavre; de forte qu'il ne refte que les os dans le cercueil.

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Lorfque tout le monde eft raffemblé, le cercueil eft mis hors de la maison, & placé dans un lieu découvert. Chacune des femmes du convoi apporte un panier de riz, & le place auprès du corps elles danfent tout autour, & fe divertif fent, jufqu'à ce que les provifions foient épuisées ; car on y tue & mange en même temps un ou plufieurs bifons, ou chevaux. Alors le Prêtre, dont les membres font tatoués de diverses figures d'oifeaux & d'autres animaux, & peints de diffé

rentes couleurs (1), prend un morceau de chair du bifon, le fecoue dans l'air, en s'agitant vioJemment, & en faifant des contorfions étranges, & enfin le mange d'une manière vorace. Il tue eufuite fur le corps une volaille, dont il fait cou-ler le fang fur le cercueil; il prend un faisceau de petites branches de cocotier, & en frappe l'air avec force, comme pour chaffer quelque efprit malin (2). Alors quatre hommes, prépofés pour cela, approchent tout-à-coup, enlèvent le cercueil, & l'emportent promptement, comme pour échapper à l'efprit malin, tandis que le Prêtre

(1) Dans les îles de Nafau, appelées Poggees par les Malais, les Habitans (Orang-Mantawys). font tatoués & peints de cette manière. Cette coutume paroît avoir été autrefois générale dans cette partie de l'OOrient; mais le commerce avec d'autres Nations fait

qu'elle fe perd peu-à-peu. Elle a encore lieu dans les Philippines, où ceux qui font ainfi tatoués portent le nom de Pintados, chez les Habitans de Laos, & chez. les Siamois. Voyez la Relation Hiftorique de l'Expédition aux Philippines, par Alex. Dalrymple.

(2) Note du Traducteur. Chez les anciens Grecs lorfque quelqu'un mouroit, on frappoit, l'air à grands coups, pour chaffer les mauvais Génies, & les empêcher d'emporter en enfer l'ame du mort. Voyez les Antiquités de la Grèce, par Lambert Bos. Paris, 1769, P. 349.

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