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île, où il trouva des navires du Pegu, du Bene gale & d'autres contrées. Le Roi de Pedir, qui, comme les autres Princes Mahométans, prenoit le titre de Sultan, lui envoya une députation, avec des rafraîchiffemens, en sexcufant de ce qu'il ne venoit pas en perfonne dui faire fes complimens, parce qu'il étoit malade; & l'affurant en même temps qu'il feroit enchanté de faire amitié & alliance avec les Portugais, dont la renommée étoit parvenue jufqu'à lui. Sequeira répondit à ce meffage d'une manière fatisfaifante, & du confentement du Sultan, il fit élever fur le rivage une croix, comme un monument de leur amitié, ou plutôt comme un témoignage de la découverte & de la prife de poffeffion, felon l'ufage des Nations Européennes. Il fut reçu de la même manièra à Pafay, environ vingt lieues à l'oueft de Pedir fur la même côte, & il y éleva auffi un monument. Ayant pris dans chacun de ces ports autant de poivre qu'il put s'en procurer dans un court efpace de temps, il fe hâta d'aller à Malacca où la nouvelle de fon apparition dans ces mers avoit précédé fon arrivée. Là il fut fur le point d'être facrifié à la politique infidieufe de Mahumad, Roi du pays, auquel les Portugais avoient été repréfentés par les marchands Arabes & Perfans, & fans doute avec quelque raison, comme des pirates fans loix, qui, fous prétexte de faire

des traités de commerce, avoient d'abord ruiné par leurs rapines, enfuite rendu esclaves, avec une infolence digne des brigands, les Princes qui avoient été affez foibles pour fe confier à eux, ou pour leur accorder de s'établir fur leurs terres. Sequeira échappa néanmoins aux embuches qu'on lui tendoit; mais il perdit plufieurs de fes gens, dont les uns furent tués, les autres pris: il retourna donc en Europe, & fit part à fon Roi de ce qui lui étoit arrivé.

En 1510, une autre efcadre fut envoyée, fous le commandement de Diogo Mendez, pour établir les Portugais à Malacca; mais Alfonso d'Alboquerque, leur Gouverneur Général dans l'Inde, jugea à propos de retenir cette efcadre fur la côte du Malabar, jufqu'à ce qu'il pût s'y présenter luimême avec de plus grandes forces; & en conféquence, le 2 de Mai 1511, il mit à la voile de Cochin, avec dix-neuf vaisseaux & quatorze cens hommes. Il toucha à Pedir, où il trouva quelques Portugais qui s'étoient fauvés de Malacca dans un bateau, & qui étoient venus chercher un refuge à Sumatra. Ils rapportèrent qu'étant arrivés à Pasay, ils avoient été maltraités par les Naturels, qui avoient tué un de leurs camarades, & les avoient obligés de fe réfugier à Pedir, où ils avoient été reçus avec hofpitalité & avec bonté par le Roi, qui fembloit défirer de s'at

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tirer l'eftime de leur Nation. Alboquerque` tëmoigna au Sultan fa gratitude pour cette marque d'amitié, & renouvella avec lui l'alliance qui avoit été conclue par Sequeira. Il alla enfuite à Pafay, dont le Roi tâcha de s'excufer de l'outrage commis contre les Portugais fugitifs; mais comme il ne pouvoit s'arrêter pour en avoir raison, il cacha fon reffentiment. En allant à Malacca, il rencontra une grande Jonque, ou vaiffeau du pays, qu'il attaqua, & voulut aborder; mais F'ennemi lui lança une fi grande quantité de matières enflammées, qu'il se désista de son dessein, voyant fon propre vaiffeau fur le point d'être embrafé, & il fe contenta de le canonner de loin; jusqu'à ce que la Jonque ayant perdu quarante hommes, Alboquerque, admirant la bravoure de fes intrépides défenfeurs, leur cria que s'ils vouloient mettre bas les armes, & fe reconnoître fujets des Portugais, iles traiteroit comme amis, & les prendroit fous fa protection. L'offre fut acceptée, & le vaillant Commandant de la Jonque fe fit connoître au Gouverneur pour Geinal (1), le légitime héritier du royaume de Pafay, ajoutant que le Roi actuel étoit un ufurpateur, qui profitant de fa minorité, s'étoit emparé de la

(1) Ou Zeinal, felon Oforius,

Couronne, avec d'autant plus de facilité qu'il étoit
Régent; qu'il avoit tenté de rentrer dans fes droits,
mais qu'il avoit été vaincu dans deux batail-
les, & que lorsqu'il l'avoit rencontré, il alloit,
avec ceux qui vouloient bien fuivre fa fortune,
à l'île de Java, dont plufieurs Princes étoient
fes
parens, efpérant que par leurs fecours il pour-
roit rentrer en poffeffion de fon royaume. Albo-
querque lui promit de remplir fes défirs fur cet
objet, & l'engagea de l'accompagner à Malacca,
où ils arrivèrent le premier Juillet de 1511.

Dans l'intention de fauver la vie aux prisonniers Portugais, &, s'il étoit poffible, de les ravoir, Alboquerque entama une négociation avec Le Roi de Malacca, avant d'en venir aux mains; mais Geinal crut que c'étoit un effet de la crainte, & renonçant à l'amitié des Portugais, il paffa pendant la nuit chez le Monarque Malais, dont la protection lui parut plus avantageuse. Lorfque Alboquerque fe fut rendu maître de la place, après une vigoureuse réfiftance, le Prince de Pafay, reconnoiffant fon erreur, revint au Gouverneur, fe jeta à fes pieds, avoua sa faute, & implora fon pardon, qui lui fut accordé. Néanmoins il fembloit douter encore d'une fincère réconciliation & d'un entier oubli du paffé, & voyant qu'on ne prenoit point de mesures pour le rétablir dans fon royaume, mais qu'au con

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traire Alboquerque fe préparoit à quitter Malacca avec peu de forces, & parloit de remplir sa promeffe à fon retour de Goa, il prit la réfolution de s'attacher de nouveau à la fortune du Monarque vaincu, & en ayant fait part fecrètement à fes partifans, il quitta une feconde fois les Portugais. Il eft probable qu'il n'ignoroit pas que le Roi de Pasay, fon adverfaire, avoit cherché tous les moyens de s'infinuer dans la faveur d'Alboquerque, dont il craignoit les forces, & qu'il avoit faifi toutes les occafions qui s'étoient présentées de gagner fon amitié. Il s'en offrit une bientôt de lui montrer fon zèle. Alboquerque, à son retour de Malacca, éprouva une violente tempête fur la côte de Sumatra, à la pointe de Timiang,. où fon vaiffeau fit naufrage. Plufieurs hommes de l'équipage ayant fait un radeau fe mirent deffus,. & furent pouffés à Pafay, où le Roi les traita avec humanité, & les envoya à la côte de Coromandel fur un vaiffeau marchand. Quelques années après, Geinal fe trouva en état les par fecours de fes amis, de venir en force à Pasay, & de rentrer en poffeffion de fon royaume; mais il n'en jouit pas long-temps.

Après la réduction de Malacca, le Gouver neur reçut des meffages de divers Princes de Sumatra, & entr'autres du Roi de Campar, fur la côte orientale, lequel avoit époufé une fille

du

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