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permis au défendeur de fe libérer de la dette par le ferment, & fi le demandeur pouvoit établir le fait par fon fimple ferment, il ne manqueroit pas de gens fans foi, qui tous les jours réclameroient des dettes qui n'auroient jamais été contractées envers aucun de leurs ancêtres. Dans de pareilles caufes, qui ne font pas rares parmi eux, il ne faut pas peu de difcernement pour découvrir, par les circonftances qui les accompagnent, de quel côté fe trouve la vérité; mais, en plufieurs occafions, la chofe n'eft pas impoflible pour quelqu'un qui eft inftruit de leurs mœurs, & qui connoît perfonnellement les parties intéreffées. Quant au fens des paroles du ferment qu'ils font dans ces occafions, où il eft impoffible qu'ils aient la connoiffance des faits qu'ils veulent prouver, il fe réduit à ceci ; qu'ils font fi convaincus de la vérité de la chofe, qu'ils fe foumettent au pajoo foompah, (peine du parjure) s'ils ne croient pas vrai ce qu'ils avancent. Voici à peuprès la formule du ferment : « Si ce que je déclare ici expreffément (alors il expofe le fait ) eft vrai & réellement ainfi, que je fois libre & délivré de mon ferment: fi ce que j'avance eft

faux , que mon ferment foit la caufe de ma mort». Mais on penfe bien que, lorfque la punition d'un faux ferment eft entièrement laillée

aux Puiffances invifibles, & que le parjure n'eft pas

fuivi d'une infamie directe, d'une peine corporelle, il ne doit pas manquer de gens qui font portés à maccan foompah, (affurer par ferment) & à encourir volontairement le pajoo, pour s'approprier une partie de l'argent de leurs voilins.

Quoique le ferment, étant un appel aux Puiffances fupérieures, soit supposé venir à leur connoiffance feulement, & quoiqu'il foit contraire à l'efprit des coutumes de ces Peuples, de punir des par moyens humains un parjure, quand même il feroit clairement prouvé ; néanmoins l'opinion où ils font que ces Puiffances fe mêlent des affaires humaines, a tant d'empire fur leur efprit, qu'il eft rare qu'un homme d'un certain rang, ou qui a une famille qu'il craint pouvoir fouffrir par fa faute, ofe fe parjurer; & ils ne manquent pas d'exemple, felon eux, pour fe confirmer dans cette opinion. Tout accident qui arrive à un homme qui eft reconnu pour avoir fait un faux ferment, ou à fes enfans & petitsenfans, est soigneufement gravé dans leur mémoire, & attribué uniquement à fon parjure. Le Dupatty Goonong Ceylong, & fa famille, en ont fourni un exemple qui est souvent cité parmi les Rejangs, & qui eft pour eux d'un grand poids. Il étoit notoire qu'en 1770, il avoit fait un faux ferment, de la manière la plus folemnelle. Il avoit alors cinq fils, tous dans l'âge

varil: l'un deux, peu de tems après, fut blessé dans une difpute qu'il eut avec quelques Bugguess, foldats du pays) & mourut. Le Dupatty perdit la vie, l'année fuivante, dans le tumulte d'une émeute qu'il avoit excitée dans fon diftrict. Deux de fes enfans moururent quelque temps après, à une semaine de diftance l'un de l'autre. Mas Caddah, le quatrieme, eft aveugle, & Treman, le cinquieme, eft eftropié. Tous ces malheurs font attribués au parjure du père, & en font regardés comme les fuites.

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collatéraux.

Dans la prestation du ferment, fi l'objet en serment des litige concerne la propriété du grand-père, toutes les branches collatérales qui en descendent, font cenfées comprises dans cet acte s'il n'est queftion que des biens du père, ou que la chose ait lieu de fon vivant, fes defcendans y font compris i l'affaire regarde feulement les parties préfentes, eux & leurs defcendans immédiats feuls font compris dans les fuites du ferment. Ils appellent en conféquence ces fermens foompah Leping addo naynay, ou feping addo bapa; & fi un feul des defcendans refufe de s'y joindre, cela fuffit pour le rendre nul; c'est-à-dire, que c'eft comme la partie elle-même refufoit de jurer; chofe qui arrive affez fouvent. Il faut obferver que l'efprit de cette coutume.eft de donner du poids au témoignage, & plus d'im

portance au ferment, à proportion que la diftance du tems rend le fait à établir moins fufceptible de preuve par la voie ordinaire.

Quelquefois la difficulté du cas feul engage les Juges à faire jurer les parens des parties', quoiqu'ils ne foient nullement intéreffés dans la caufe. Je me rappelle un cas où trois perfonnes. furent pourfuivies pour vol. Il n'y avoit aucune preuve pofitive contre elles; mais les préfomptions étoient fi fortes, que les Juges leur proposèrent le ferment des collatéraux. Tous y confentirent, & deux jurèrent : quand le tour du troisième fut venu, il ne put jamais engager parens à fe joindre à lui pour le ferment ; & en conféquence, il fut condamné à payer la valeur des effets volés; & une amende en fus.

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Ces coutumes ont une grande conformité avec les règles des preuves établies parmi nos ancê tres les Anglo-Saxons, qui étoient également obligés, dans le cas de ferment fait pour fe dif-. culper, de produire un certain nombre de perfonnes qui devoient jurer avec eux: mais comme. ce pouvoit être des gens indifférens qui vouloient bien porter témoignage de la vérité de ce que leur voifin affirmoit avec ferment, fur l'opinion qu'ils avoient de fa véracité, il semble qu'il y a plus de rafinement & plus de connoiffance de la Nature humaine, dans la pratique des Sumatra

nois. L'idée de dévouer à la mort, par un parjure volontaire, non-feulement foi-même, mais tous les individus, même des branches les plus eloignées d'une famille qui fait fa plus grande gloire, & dont les chefs morts font regardés avec la même vénération que l'étoient les Dieux Lares chez les Anciens, a certainement empêché plus d'un Sumatranois de faire un faux ferment, tandis que trente ou cent Anglo-Saxons devoient fe parjurer fans beaucoup de remords, dans l'efpoir de profiter, à leur tour, de la même faveur. Les plus grands inconvéniens qui réfultoient de cette coutume chez ceux-ci, font convertis en avantages réels chez ceux-là.

Le lieu où le ferment fe fait avec le plus de Cérémonie folemnité, eft le crammat, ou tombeau de leurs du ferment. ancêtres, & on y obferve plufieurs cérémonies fuperftitieufes. En général, les Habitans de la côte, par leur longue fréquentation avec les Malais, ont une idée du Koran, par lequel ils jurent pour l'ordinaire; cérémonie dont les Prêtres ne manquent pas de tirer parti, en leur faifant payer une certaine fomme; mais les Habitans de l'intérieur confervent dans leurs maifons certaines vieilles reliques, appelées refallo dans le Rejang, & facean dans le Paffumah, qu'ils produifent quand il eft queftion de faire un ferment. La perfonne qui a perdu fa caufe, & qui

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