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DES DAMES.

R eft le temps paffé, paffé,
Le bien pourchaffé, pourchaffé,
Et ce qu'on a trouvé, venu,
C'eft grant chofe d'avoir pensé
Mais plus d'avoir contrepensé,

Encores plus d'avoir retenu.

J'ay fçeu, veu, len, aprins, congneu,
Noté, entendu, fouvenu,

Epilogué mille traficques,

Mais peu, quoy? qu'eft tout devenu ?
Bien affailly, bien fouftenu,

Tout n'en

pas vallu troy nicques.

J'ay mis en jeux, & en praticques,
Mille couleurs de rhetoricques,
Mille motz, mille dictz d'ouvriers,
Mille parolles fophiftiques,

Pour eftre couché en cronicques.
Ou nombre des adventuriers,

J'ay mis chevaulx, & levriers,
Heraulx, efchanfons, efcuyers,
Gens druz à tout habandonnez,
Le nom de noz aultres gorriers
Eft efcript aux huys par fourriers ;
Mon nom l'honnefte fortuné
Souvent gourd, & bien guerdonné
Souvent tout mal affaifonné,
Souvent entouillé par meflure.
Souvent recreu, fafché, tanné,
Lafche comme ung cheval eftonné,
A qui fault une emmieuslure,
Train court, amour telle embouclure
M'ont engendré mainte affiftolure,
Et fait faire maintes moëttes.
Car pour repos, j'ay eu foulure,
Pour le beau temps, j'ay eu greflure,
Pour provifion des fonnettes,
En lieu de faifans, alouettes,
Pour chariotz branflans, brouettes,
D'entretien mal utensile,

Brief quoy que Dames foyent flouettes,
Autant vault chaffer aux fuettes,

On ne les prent pas au fillé,
Qui n'eft rufé, duyt, ou ftillé,
Ja n'y proffitera à foifon :
Car pour moy c'eft mal compilé,
Mal entendu & mal filé.

De prendre fufeau fans pefon.
D'amours ce n'eft que trahyfon,
De court poac, ce n'eft que blafon,
De train d'eftat ce n'eft que ennuy,
J'ay frequenté mainte maison,
Où j'ay perdu temps & faifon,
Pofé que j'euffe bon appuy.
Au fort j'ay hanté & fuivy,

L'honnefte fortuné je fuis.
Tousjours honnefteté m'a pris,
Se j'ay trop longuement fervy
Sans avoir eu grant audivit,
C'eft fortune qui me furprift,
Si ay je noté & efcript,

En mon fens, & en mon efcript,
Les deduytz, plaifances & jeux,

Des grans Seigneurs, le choix & bruyt,
Le paffetemps, & le deduyt,
L'effect, & le prouffit d'iceulx.
A Princes jeunes & joyeulx
Il y a des paffetemps deux :

Qui les peuvent tourner & mouvoir,
L'ung les rend doulx, begnins, piteux,
L'autre les rend vaillans & preux,
Puiffans de povoir & d'avoir.
Et affin de faire debvoir,
Se vous defirez le fçavoir,

Ce font les Armes & les Dames,
En ce parc vous en povez veoir
Les fignes, & appercevoir
Les demonftrations & les games,
Là font les Armes, là les Dames;
L'une fe plaint, & l'autre rit:
L'une s'y donne à l'autre blasme
Pour avoir ou temps qui court bruyt
Le Procureur des Dames dit
Qu'en ceft aage qui eft doré,
Ung Prince doibt prendre deduyt
A eftre des Armes paré,
Ceft autre, qui eft feparé
Pour les Dames, dit le contraire,
Qu'ung chafcun s'il n'est efgaré
Doibt tafcher aux Dames complaire ;
Armes & Dames chascun veult plaire,

Ce font deux paffetemps mondains,
Qui fe debatent pour bruyt faire
Aujourd'huy entre les humains.

DES ARMES.

Quoy, dient les Armes, je me plains,
Se je n'ay le bruit par deffus
Les Dames, car j'en ay faict maintz
Petis, & de bas lieux yffus,
Monter, eflever, mettre fus
De terre, ou de fons d'ung celicr:
Je les rens grobis & moullus,
Tout au fin fefte d'ung folier.
Fay-je pas ung fimple efcuyer,
S'il fçet bien les armes conduyre,
Tout incontinent chevallier,
Que chafcun l'appelle mefire.

Se ung grant Prince fe veult aduyre,
Qu'il foit tant foit peu courageux,
Je luy faitz tous fes faitz defcripre,
Et mettre du nombre des preux;
S'il eft hardy chevaleureux,
Et euft-il petite puiflance,
Je l'eflieve jufques aux cieulx,
Tout vient à fon obeïflance.
Voulez vous plus belle plaifance
Qu'en ung detroit en une guerre,
Voulter, joufter, rompre la lance,
Et mettre ung homme cul par terre?
En ung champs, en une defferre
Monter fur ung genet d'Efpaigne,
Pour loz avoir, & bruyt conquerre,
Là combatre Flandre ou Alemaigne,
Porter l'eftendart ou l'enfeigne,
Soupple comme ung bel cftourjon,
Et bondir en plaine champaigne,
Comme les os d'ung eftourjon.

Mes moynes portent haulberjon
En leur grant mefle en lieu de froc,
Leur cloure, c'est quelque donjon
De pierre, juché fur ung roch;
Tirer, luiter, jouter au crocq,
Sont les cerimonnies & fignes,
Ung coup d'efpée taille ou d'eftoc,
C'eft la beneiffon des matines.
Leurs orgues fe font ferpentines,
Qui s'en vont vif comme le vent,
Les gros boulletz à coulevrines,
Ce font les miches du couvent,
Le grant Prieur de Paffe-avant,
Et l'Abbé d'Efchappe qui peult
Les viennent vifiter fouvent:
Mais il ne les a pas qui veult.
Pour ung qui fe plaint, ou qui deult,
Vingt en y a s'ilz font mandez
Que jamais on ne les defmeult,
Puis qu'ilz y font affriandez;
Ces archiers ont leurs arcz bendez,
Et ces mortepayes leurs picques,
Gafcons trappés & bien fondez
Joüent là leurs nouvelles praticques,
Les Efcoffoys font les replicques,
Pragoys & Bretons bretonnans,
Les Suyffes dancent leurs morifques
Atout leurs tabourins fonnans,
Holandroys, Brebançons, Flamans,
Ilz tiennent ung cruel chappitre
Hongres, Florentins, Allemans,
Ilz
y trouve fans efcheliftres.
Qui veult eftre ourdy fans tiltre,
Et fçavoir que c'eft de foupirs,
Y voife, car pour tout epiftre,
On n'y chante que des martirs.

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