Le corps bicu j'eftoye refolu J'avoye tout cuyt & moulu ; Je ne feuz pas pourtant fi fol, Que je n'entraffe jufques au col Dedans le foing, & puis je prins La belle botte, & la tins Sur ma tefte qu'on ne me vit : Et pour me bailler le defduit, Je vous ouys tantoft le cry De petites fouris, pipi Fortfuifans à mon oreille, Parmy ce foing, c'eftoit merveille. D'autre part eltoyent en bas Les groffes parolles & debas, De Monfeigneur & de ma Dame, Qui fe combatoyent: c'eftoit blasme, Ilz eftoyent, fe croy-je, tous deux En leur chambre enfermés tous feulx, L'ung parloit par une façon, L'autre chantoit autre chanfon, C'eftoit ung plaifir que d'y eftre: Car chafcun vouloit eftre maistre. Le foir vint, il fault preparer Le fouper, & le vin tirer: Monfieur fut fçis & appoincté, Et dift-on benedicite.
Après fouper voicy Charlot Le paige, à qui on dift ung mot; Ce fut qu'il allaft apprefter La mule, fans plus arrefter. Se feift-il, & fe meift en point, Et s'en vint au grenier au foing, Une grande fourche en fon poing, De fer, & fans plus de riote, Il vous vient cheoir fur celte botte Que je tenoye sur ma testes
Or le dyable ait part à la fefte Le paillard paige fift merveille, Car il fit fi profonde enquefte, Qu'il me va larder une oreille, De la fourche. Je me refveille Lourdement, & n'ofay mot dire ; Charlot fe peine, & travaille D'avoir la botte, il facque, il tire: Je vis tout, & cuiday bien rire. Il print à tirer, je la tien, Il recula trois fois de tire, Et jura Dieu qu'il l'auroit bien; Et fi la print adonc, rien, rien, Il s'esbahit fort & reculle, Qu'est-ce icy? dift-il, quel maintien ? Dieu veult-il pugnir noftre mulle? Il prend fon chappeau & l'affuble, Tout en barbetant, ba, ba, ba, Et fans dire parolle nulle, Il tira fi fort qu'il tomba. Charlot adonc le tempefta, Dit qu'il n'y tireroit meshuyt, Il trouffe fes panneaulx, & s'en va Compter aux aultres le deduit. Son maiftre vint; j'ouyz le bruit, Dont viens tu, clic, clac, fur fes joues Il frappe, il congne, & Charlot rit Des groffes dens dea tu te joie, Hon, hon, hon, quoy tant de moue; Le plus beau ne fut dire mot. Vela comment tourna fa roue Fortune; au pouvre Charlot, Encore fut-il bien fi fot, Qu'il alla dire à Guilelmin, A petit Jehan, & Phelippot, Et y mift gaige avant la main
Il monte, j'entendy le train, Je faulx, & quis mon advantaige, L'ung lieve le botteau de foing Povre Charlot perdit fon gaige. Vela comment Charlot le paige, Fut du foing doublement pugny, Chafcun luy gettoit de la neige Après, & fe mocquoit de luy. Le foir vint, il n'y euft celuy, Ne celle qui n'allaft coucher, Et Dieu fçet fe j'cuz de l'ennuy Cefte nuyt, je n'ofoye bouger; Et me fift-on mon foing ronger, Tout à par moy à cefte enfeigne Que je commençay à fonger, Que faifoys chafteaulx en Efpaigne. Or affin que chafcun appreigne, Comment on y faict bonne chere J'euffe voulu avoir la taigne, Et j'cuffe efté en la riviere: Je ne fçavoye tenir maniere, Pluftoft couché deffus ces bottes, Pluftoft deffus la cheneviere, Pluftoft je defcrottoye mes crottes. J'avoye les fantafies fi fottes, Que cefte nuit de pointz en pointz. Je devifay plus de cent cottes Et plus de cinquante pourpointz; Et fans remuer piedz ne poingz, Et tout en faisant bonne mine, En fongeant de près ou de loing, Je me prins à dire Matines:
Er quant j'en euz bien dit deux lignes; Je me levay lors fur mes piedz, Et tout en ployant mes efchines, Je voys regarder mes clochiers:
Je marquois plus de cent montiers Où ilz n'avoyent efté jamais. Or eft-il minuyt pour tous metz Et ne voit on rien que la drille, Parquoy je prenoye Beauvais Aucunesfoys pour cefte Ville. Le jour vint, vray comme Evangile Je meis ma tefte par un trou Sur la court, la petite fille
Tenoit ung fouflet, hou, hou, hou; Et foufloit, mais je ne fçay où, En la cuyfine ça & là.
Le jour devint grant pou à pou; Je croy que Monfieur fe leva, Monte fur la mulle, & s'en va Quelque part, faire fa trainée, Je defcens fans dire qui eft là, Je trouvay ma Dame levée. Quant elle me vit, pour entrée, Elle me bailla ung foubz ris, Et pour dire vray, fa rifée M'eftoyt ung petit Paradis. Et vecy dequoy je me ris, Et dont je me riray tousjours, Car de tous mes maulx & perilz, Elle me bailla deux fins tours, Et me dift fans plus de fejours, Pour toute refolution,
Que fon mary dedans huyt jours S'en alloit en commiffion: Ainfy auray occafion
D'aller à l'hotel à mon aife. Adieu ma Dame, or adieu don; Dift-elle, mais ne vous defplaife. Elle eft affez fine & maulvaife, D'enquerir fe je n'ay rien dict,
152 Le Monol. de la Botte de Foing. Pourtant je vous prie qu'il vous plaise D'en diffimulér ung petit.
J'en ay affez dit pour meshuy, Et n'en diray plus pour meshouen; Tabourin, à mon appetit,
Beau Sire le petit Rouen.
Fin du Monologue de la Botte de Foing
« AnteriorContinuar » |