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2.

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Condé bégaye à peine, il demande des armes
Et déjà plein de Mars, refpire les combats.....
Donnez-moi des pinceaux. Qu'exiges-tu d'un père?
Mon fils, crois-moi, furmonte un penchant téméraires
Tu veux chercher la gloire? Eh! ne fais-tu donc pas
Que les plus grands talens y montent avec peine
Que, noircis par l'envie, accablés par la haîne
Tous ont vu le bonheur s'échapper de leurs bras?
Songe au fort de Milton, fonge au deftin d'Homère:
L'homme, ingrat de leur temps, a-t-il changé depuis ?
Ah! mon fils, je fuis pauvre & tu n'as plus de mère;
Bientôt tu vas me perdre : où feront tes appuis?
Mon fils, crois-moi, mon fils, fors de ton indigence
Et vers la gloire alors dirige tes travaux :

Au nom de tous les foins qu'on prend de ton enfance
Par mes cheveux blanchis. Donnez-moides pinceaux

Eh bien, vis à ton gré. Je te livre à toi-même,

Ingrat; mais en fuivant ta folle paffion,

Crains un père, reçois fa malédiction.

Vous pleurez... ah! mon fils, ... votre père vous aime, Ecoutez. Des pinceaux! Moi, fillonnant les mers J'aurais donc, fur la foi du zéphyr infidèle,

Pourfuivi la fortune au bout de l'Univers;

Et peut-être pour prix de mon avare zèle

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Enterré fous les flots, en revenant au port,

Et mes jours & mon nom. Qui peut vaincre la mort ? Qu'à fon gré l'opulence, injufte & vile amante, Berce fur le damas ce parvenu groffier,

Et laiffe le Poëte, à l'ombre d'un laurier

Charmer par fes concerts le fort qui le tourmente!
Il n'eft qu'un vrai malheur, c'eft de vivre ignoré.
L'homme brille un moment, & la tombe dévore
Les titres faftueux dont on fut décoré

Nos maux, & ces plaifirs que le vulgaire adore :
Tout périt fous la faux de la mort ou du temps:
Mais la gloire du moins que l'homme a méritée,
Survit à fon trépas & s'accroît par les ans;
Et loin de les flétrir, la fortune irritée
'Ajoute un nouveau luftre aux talens glorieux.

RACINE, dieu des Vers! Corneille, efprit fublime
Vous pouvez effrayer un cœur pufillanime ;
Peut-être avec dédain vos manes radieux,

Du haut des monts facrés regardent qui nous fommes,
Mais, fi j'en crois mon cœur, on peut vous égaler;
Le ciel, en vous formant, voulut se signaler,

J'y confens; mais enfin vous n'êtes que

des hommes.

AINSI je m'abusais. Sans guide, fans fecours

J'abandonne, infenfé, mon paifible village,

Et les champs où mon père avait fini fes jours.
Cieux, tonnez contre moi; vents, armez votre rage s
Que vide d'alimens, mon vaiffeau mutilé
Vole au port fur la foi d'une étoile incertaine,
Ec par vous loin du port foit toujours exilé !
Mon afile eft par-tout où l'orage m'entraîne.
Qu'importe que les flots s'abîment fous mes piés;
Que la mort en grondant s'étende fur ma tête;
Sa préfence m'entoure ; & loin d'être effrayés,
Mes yeux avec plaifir regardent la tempête :
Du fommet de la poupe, armé de mon pinceau,
Tranquille, en l'admirant, j'en trace le tableau

Je n'avais point alors efluyé de naufrage,
Mon génie abufé croyait à la vertu,

Et contre les deftins raffemblant fon courage,
Se nourrislait des maux qui l'avaient combattu.
«Mon fort eft d'être grand, il faut qu'il s'accompliffe,
Oui, j'en crois mon orgueil, tout, jufqu'à mesrevers
Qui de ceux dont la voix éclaira l'Univers
N'a point de la fortune éprouvé l'injuftice?
Un Dieu, fans doute un Dieu m'a forgé ces malheurs
» Comme des inftrumens qui peuvent à ma vue

» Ouvrir du cœur humain les fombres profondeurs, Source de vérités, au vulgaire inconnue.

Rentrez dans le néant, préfomptueux rivaux; » Ainfi que le foleil dans fa lumiere immense, Cache ces aftres vains, levés en fon absence, » Je vais vous effacer par mes nobles travaux ». Mon ame(quel orgueil, grand Dieu, l'avait séduite ! ) Dévorait des talens le trône révéré,

Et dans tous les objets dont je marche entouré
Ma gloire en traits de feu déjà me semble écrite.

PRESTIGES que bientôt je vis s'évanouir!
Doux efpoir de l'honneur! trop fublime délire!
Ah! revenez encor, revenez me féduire :
Pour les infortunés, efpérer, c'eft jouir.
Je n'ai donc en travaux épuifé mon enfance
Que pour m'environner d'une affreuse clarté
Qui me montrât l'abîme où je meurs arrêté,
Ne valait-il pas mieux garder mon ignorance?

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TROP heureux Philémon, s'il connaît fon bonheur! Fidèle au rang obfcur qu'il reçut obfcur qu'il reçut de fes pères, Long-temps de fa jeuneffe il voit briller la fleur; Et cultivant en paix fes champs héréditaires

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Ne craint pas que toujours fes efforts abufés
Laiffent tomber fon corps, privé de nourriture
La terre au jour marqué lui rend avec ufure
Les tréfors qu'en fes flancs il avait déposés.
Il n'a point, il eft vrai, vu nos cités immondes,
D'où le Grand, étonné de ses vaftes befoins
De leurs productions épuifent les deux Mondes.
Nos Sciences, nos Arts, étrangers à fes foins,
Ne l'ont point dépouillé de fes mœurs ingénues.
Roulez en char brillant votre heureux déshonneur,
Jamais de Philémon vous ne ferez connues,
Beautés, dont on nourrit les vices fans horreur:
Tandis que les talens, amis de l'innocence,
Méconnus, repouffés dans leur premier effor,
Tombent découragés, & meurent d'indigence
Sous l'ombre d'un laurier qu'on leur difpute encor.
Ce protecteur qui marche en femant les promeffes
Même en trompant
fes vœux, l'abaiffa-t-il jamais?
Burrhus, qui va comptant les ingrats qu'il a faits,
Lui vient-il reprocher fes honteufes largeffes?
Aux malheureux toujours on trouve des forfaits,
Et les plus généreux vendent cher leurs bienfaits.
Pour qui les verts bofquets ouvrent-ils leurs ombrages?
Les tranquilles étangs, les tortueux vallons,

i.

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