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Si le malheur vous fuit, le travail le furmonte

On peut veiller fans crainte à la fleur de fes ans ».

Barbares travailler ! eh! voulais-je autre chose?
A vos pieds profterné, dévoré par la faim,
Si j'ofais de mes maux vous dévoiler la caufe
Mes cris vous demandaient du travail & du pain.

Vous refusâtes tout à mon humble prière,
Et votre avare main loin de vous m'écartait;
Je vous fuis en pleurant, j'expirais de misère.
D'Arnaud vint: c'eft un Dieu, mon malheur disparaît.

INST

IL

HÉROÏ D E.

DIDON A ÉNÉE.

Didon assoupie se réveille en fureur. TAYLOR

L eft donc vrai qu'Enée a réfolu fa fuite;
Qu'il délaiffe Didon, après l'avoir féduite.

Il fuit !... Volez, foldats; des glaives, des flambeaux,
Egorgez les Troyens, embrafez leurs vaiffeaux;
Leur Roi, fon fils, que tout fous vos armes fuccombe,
Et qu'à leurs corps fanglans la mer ferve de tombe....
Arrêtez: j'aime Enée, on court l'affaffiner!
Malheureufe! & c'eft moi qui viens, de l'ordonner!
Non.... Mais avec regret je te fuis, chère amante,

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>> Dit-il, le Ciel le veut, il faut que j'y confente »
Eh! que me fait ce Ciel, & fon ordre odieux ?
Amant, je t'aurais vu défobéir aux Dieux;
Va, tu n'es qu'un ingrat qui m'abuse & m'offenfe....
Moi, j'abhorre le Ciel, s'il prefcrit l'inconftance;
Et dût-il m'accabler du poids de fon courroux,
Avant de te trahir j'aurais bravé fes coups.

Ton ame, pour répondre aux feux de ta maîtreffe, Trop promptement aux Dieux immole fa tendreffe ; Non, tu n'aimas jamais.... Mais lis, lis, inconftant; A qui t'a donné tout, donne au moins un inftant.

Vois comme au loin des mers la fureur fe déploie,
Vois ces montagnes d'eau rouler, chercher leur proie
S'élancer à grand bruit dans le vuide des airs,
Se brifer, retomber fur l'abîme des mers:

Vois ces rocs, dont le front semblait braver l'orage,
Arrachés par les vents, fondre fur le rivage;

Rien n'eft calme, tout meurt, le jour eft fans flambeau,
L'hiver a fait du monde un immense tombeau;
Et tu fuis! & tu crois voguer en affurance,
Toi qui cent fois des flots éprouvas l'inconftance!

Ah! revole vers moi.... Tout va dans ce féjour
Partager mes plaifirs, caufés par ton retour;
Mon peuple, qui, charmé de l'ardeur qui m'infpire,
Efpérait fous tes lois voir fleurir son empire ;
Tes fujets qu'ont laffés les courfes, les travaux,
Que tu conduis encore à des périls nouveaux,
Un fils qui peut périr fur cette onde irritée
Une Reine, dirai-je? une amante agitée,

Tout te retient ici; viens, je t'ouvre les bras;

Plein d'efpoir, mon cœur vole au devant de tes pas :
Des pleurs qu'elle a verfés viens venger ta maîtresse,
Réparons tant de jours ravis à ma tendreffe;
Viens, je languis, je veux, dans nos embrassemens,
Faire envier ton fort aux plus heureux amans.

Mais non tu rougiras de céder à mes larmes;
Les paifibles douceurs pour toi n'ont point de charmes;
Le tumulte des camps, les horreurs des combats,.:
Voilà les feuls plaifirs qui t'offrent des appas.
Rien ne peut affouvir la foif qui te dévore;
Maître du monde entier, tu te plaindrais encore.
Infenfé! de quel prix peut donc être à tes yeux.
Cet Empire brillant où t'appellent les Dieux,
S'il te faut, au milieu des écueils, des orages,
Le chercher fur des mers couvertes de naufrages?
Que font ces biens peu sûrs, près des plaifirs du cœur ?
Tout l'univers vaut il un inftant de bonheur?

Cher Enée, où fuis-tu? N'expofe point ta vie;
C'est ton amante en pleurs,c'eft Didon qui t'en prie.
Ces vents, ces mers, leur bruit, tout me glace d'effroi.
Dieux! fi jamais les flots s'entr'ouvraient devant toi!
Si, prêts à t'engloutir.... Quelle horrible pensée !

Non.... d'un tel trait jamais Didon ne fut bleffée...." Enée eft tout pour moi ; c'est mon bien, mon époux;3 Il mourrait!... Ah! fur lui, Dieux, fufpendez vos coups! Sur moi feule épuifez toute votre furie;

Pour fauver mon amant, je vous offre ma vie ; Puifqu'il me faut le perdre... ah! quel que foit'mon fort, 'J'aime encor mieux pleurer fa fuite que fa mort.....

Seulement donne encor quelques mois à ma flamme;
Peut-être enfin pourrai-je accoutumer mon ame
A voir de près les maux qui vont fondre fur moi;
Que fais-je? à contempler ton départ fans effroi.....
'Attends que les zéphyrs foufflent feuls fur les ondes ;
Lance alors tes vaiffeaux fur les plaines profondes;
Et quels malheurs, quels maux m'effrairaient dans leur

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Didon n'aura plus rien à craindre pour tes jours....

Mais où tendent tes vœux? parle, eft ce à la couronne?.
Lamienne eft furton front, voilà mon fceptre, ordonne;
Si c'eft pour tes défirs trop peu de mes Etats,
Mes fujets font armés, conduis-les aux combats,
De fes fiers ennemis cours délivrer Carthage
Force-les d'apporter à tes pieds leur hommage....
Peuples, de mon amant recevez tous des fers;

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