Imágenes de páginas
PDF
EPUB

que

C'est pour lui
Moi, je veux confacrer tous mes jours à te plaire;
Je veux qu'Afcagne en moi retrouve une autre mère,
Que le Troyen m'adore & chante ma grandeur,
Que tout autour de moi refpire mon bonheur;
Je veux, qu'heureux par moi, tu difes dans l'ivreffe:
« Le cœur feul de Didon méritait ma tendreffe ».

les Dieux ont formé l'univers....

Que fais-je? où m'égaré-je ? O funefte afcendant!
J'offre encor le bonheur à mon perfide amant;
Et des dons qu'il reçut l'ingrat ne fait usage,
Que pour percer mon cœur, que pour fuir ce rivage!
Quel fruit de mes bienfaits penfé-je retirer ?
Le barbare! il ne veut que me défefpérer !
Ce fut l'intérêt feul qui m'attacha fon ame:
Chargé de mes tréfors, & libre de ma flamme,
Peut-être aux pieds d'une autre il court s'en prévaloir:
Non, je ne le crois point, tu ne peux le vouloir;
Toi! tu me donnerais jamais une rivale,

A moi dont tu tiens tout!.... O trahison fatale!
Non, tu ne mettras point ce comble à mes ennuis,
Tu ne veux point ma mort... Et pourtant tu me fuis!
Je ne te verrai plus.... Et je crois, insensée,
Qu'abfente je vivrai toujours dans ta pensée !

Je le croirais en vain.... Mais cours le monde entier
Cherche; s'il eft un cœur qui puisse s'oublier
Jufqu'à te tout donner, comme j'ofai le faire;
S'il t'aime autant que moi, je renonce à te plaire.....
Ingrat! lorfque tu vins me peindre tes malheurs,
J'aurais dû t'éviter, loin d'effuyer tes pleurs!
Si c'eft, pour te punir, un fupplice affez rude,,
Contemple le tableau de ton ingratitude.

[ocr errors]

Loin d'flion en cendre, accablé de revers,
Depuis fept ans entiers tu parcourais les mers,
Flatté de voir bientôt, dans un lieu plus fertile
S'élever fous tes lois les murs d'une autre ville;
Tu cherchais vainement je ne fais quel pays
Où les Dieux t'ont juré de couronner ton fils :
En vain l'hiver, les flots, & mille autres obftacles,
T'offrant par tout la mort, démentaient leurs oracles;

Ce
pays fe découvre, on croit toucher au port,
On l'admire, on s'écrie.... O perfide tranfport!
Le jour a fui, l'air fiffle, & les mers courroucées.
Grondent; bientôt en monts leurs vagues ramaffées,
Tantôt jufques au ciel emportent tes vaisseaux,
Tantôt jufqu'aux enfers les plongent fous les eaux.
Le Rameur cherche en vain fa force évanouie

Le Pilote eft fans art; tout eft tremblant, tout crie:
Par-tout la mort pourfuit tes regards effrayés,
Sur ta tête elle gronde, & mugit fous tes pieds;
Tout périt... Ton vaisseau, déchiré par l'orage,
Refte feul, par les vents renvoyé vers Carthage....

Tu parais dans ma Cour; tu t'en fouviens, ingrat!
On t'amène à mes yeux, tu fais dans quel état.....
Je crois te voir encor, friffonnant, plein d'alarmes
Embraffer mes genoux, les baigner de tes farmes.
O Reine! vous voyez où le fort m'a réduit;

» Mes vaiffeaux, mes foldats, les flots ont tout détruit: »Etranger, difais-tu, dans mon malheur funefte

La mort ou vos bontés, c'est tout ce qui me refte » Des traits de la pitié l'amour perça mon cœur. Malheureuse, j'appris à plaindre le malheur. Va, ceffe de pleurer; inconnu, fois tranquille : Que puis-je? ordonne, viens, partage mon afile. Reftes infortunés des ondes en courroux, Toi, ton fils, à la mort je vous arrachai tous; Et fans favoir de toi que ton nom, faux peut-être, De mes Etats naiffans je te rendis le maître. Par un charme inconnu, mais qui flattait mon cœur Pour ne fonger qu'au tien, j'oubliais mon bonheur....

[ocr errors]
[ocr errors]

Tout ce qu'elle faisait dans l'ardeur de te plaire, Pour fa félicité Didon croyait le faire. Spectacles, fêtes, jeux; perfide, nomme moi Des plaisirs que Didon n'ait prodigués pour toi. J'aurais, fi j'euffe pu, banni de ta penfée Jufques au fouvenir de ta douleur paffée, Dans l'efpoir que mes dons, par un tendre retour Prépareraient ton cœur aux tranfports de l'amour a Mais plus je m'efforçais de le rendre fenfible, Moins ce cœur à mes feux paraiffait acceffible. Je rougis à la fin de brûler fans efpoir; Je crus que le penchant céderait au devoir, J'évitai ta présence. Amante infortunée ! Dans mes palais, par-tout je retrouvais Enée. Je fentais ma vertu s'affoiblir chaque jour, Ma raifon fuccombait fous l'effort de l'amour : Ce n'eft plus cette ardeur encor foible, incertaines C'eft un feu dévorant qui court de veine en veine. J'avais en vain juré de fuir un autre hymen ; Vingt Rois, qu'avaient aigris les refus de ma main M'offraient en vain la mort fi j'époufais Enée; Dangers, devoirs, fermens d'éviter l'hyménée, Tout fuyait à fa vue; Enée était vainqueur, Et l'excès de mes feux balançait ma pudeur.

1

Enfin je crus te voir sensible à ma tendreffe,

Tes yeux, pleins de langueur auprès de ta maîtresse
Semblaient trahir tes feux, m'exprimer tes defirs,
Mendier du retour, m'inviter aux plaisirs.
Sur mes fens auffi-tôt ma raifon perd l'empire,
Je ne me connais plus, je brûle, je désire
J'efpère.... Tu me fais l'aveu de ton amour.
J'ofe.... Hélas! eft-ce à moi de rappeler un jour,
Un jour que je voudrais retrancher de ma vie?
Loin de la retracer, pleurons mon infamie....
Mais non, non, je n'ai point alors perdu l'honneur,
Non, traître, je le mis en dépôt dans ton cœur;
Tume juras ta foi, je te donnai la mienne,
La honte eft pour celui qui veut trahir la fienne.
Ce nœud, quoique fecret, doit être refpecté ;
Les fermens font l'hyn:en, non la folemnité.
Les Dieux, que tu rendis garans de ta promeffe,
Ces Dieux me font témoins que, malgré fa tendresse
Jamais pour toi Didon n'eût éteint fa vertu :
C'eft au nom feul du Ciel que mon cœur s'eft rendu.
Je te crus engagé par un naud légitime,
Et facré par l'hymen, l'amour eft-il un crime?
Je n'ai jamais fenti ces remords dévorans,
D'une ame criminelle implacables tyrans.

« AnteriorContinuar »