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<< que le puissant Iarbas sortit, sur leur sol, du sein des plaines brûlantes fécondées par Jupiter. Aujourd'hui « même, en Égypte, le Nil, engraissant de sa chaleur «< humide la matière qu'il rend charnue, produit des « êtres animés. »>

Empédocle, malgré quelques traditions fabuleuses attachées à sa mémoire, donne une date certaine à ses écrits. Il n'en est pas ainsi des Vers dorés transmis sous le nom de Pythagore. Sont-ils de sa main, ou du moins de sa première école? Faut-il les ranger parmi ces fictions d'un âge savant qui tâchait, à la fois, d'imiter et de transformer certaines traditions antiques? Nous n'affirmons rien à cet égard.

Le commentaire d'Hiéroclès, à la fin du quatrième siècle, cet effort pour opposer les maximes d'un ancien philosophe à celles du Christ, suppose sans doute un monument païen de quelque autorité, mais n'en témoigne pas l'authenticité absolue. Quant aux Vers dorés en eux-mêmes, saint Jérôme s'accuse d'en avoir confondu quelques passages avec des versets de l'Écriture sainte. La morale en est haute, il est vrai, l'accent austère et simple (1):

« Plus que devant tout autre, rougis devant toi« même. Honore ton père et ta mère, tes parents <«<les plus proches; et, parmi tous les autres, choisis, « dans l'ordre de la vertu, le meilleur pour ton ami. »>

(1) Hier. Phil. Alex. in Aur, Carm., ed. Needham, p. 3.

Ce sont là des maximes belles dans tous les temps; une part d'enthousiasme s'y mêle. Après avoir montré les mortels emportés et roulant çà et là sous les coups du malheur, le poëte dit : Homme, prends « courage (1) cependant les mortels sont une race « divine à qui la nature sacrée révèle toute chose. « Abstiens-toi des aliments défendus; et, pour les expiations et la délivrance de l'âme, sois juge toi« même, et considère toutes choses avec la raison « pour guide au-dessus de toi. Lorsque, séparé du « corps, tu viendras dans le milieu libre de l'air, tu « seras dieu impérissable, incorruptible, non plus « soumis à la mort. »

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Quelle que soit l'élévation de cette morale, on sent cependant ce qui peut y manquer. Plus humaine que le Portique, l'école de Pythagore exalte aussi l'orgueil de l'âme, pour en maintenir la pureté. Elle donne à la vertu l'intérêt propre pour principe; elle prescrit à l'homme de ne pas se blesser lui-même, bien plus que de travailler au salut d'autrui. Ce n'est pas encore la loi de justice et d'amour qui devait enflammer le monde, et y répandre une nouvelle poésie.

(1) Hieroc. Phil, Alex. in Aur, Carm. ed. Needham, p. 6.

CHAPITRE IX.

Chants populaires de l'ancienne Grèce. Anacreon.

Simonide.

Plus tard, dans ce bel âge de poésie que commencera Pindare, nous retrouverons encore l'accent lyrique se mêlant à la philosophie chez un peuple amoureux des arts. Il nous reste à suivre, avant cette époque, le jeu de la lyre dans les soins, les passions, les plaisirs familiers de la vie.

En quel pays plus que la Grèce dut-il se rencontrer une poésie anonyme et populaire? Là où le génie sortait, en se dégageant comme une flamme plus vive d'un milieu tout spirituel, la foule même étincelait. De là souvent une licence de langage qu'excitait la corruption même du culte; mais, souvent aussi, une noble poésie, dans l'expression même de ce que la vertu devait condamner. Nous ne rassemblons pas ici le reste des refrains épars de ce peuple poétique, chants de guerre ou de fête, chants du marin ou du moissonneur; mais l'histoire ne peut oublier ce qui sert à l'expliquer et fit battre des cœurs généreux, même en les égarant.

L'antiquité n'a jamais nommé l'auteur de la chanson d'Harmodius et Aristogiton. C'était le peuple athénien. La même passion sanglante, la liberté revendiquée au prix du meurtre, n'aurait pas ailleurs trouvé la même illusion de langage : « Sous des <«< rameaux de myrte je porterai le glaive (1), comme « Harmodius et Aristogiton, lorsqu'ils tuèrent le tyran « et qu'ils firent Athènes libre sous les lois.

<< Cher Harmodius, tu n'as pas cessé de vivre ! Mais, ⚫ on assure que tu habites les îles des bienheureux, où << est le rapide Achille et, dit-on, le fils de Tydée, Dioa mède.

<< Sous des rameaux de myrte je porterai le glaive, « comme Harmodius et Aristogiton, alors que, dans « les fêtes d'Athènes, ils tuèrent le tyran Hipparque.

<< Votre gloire durera toujours dans les siècles, cher « Harmodius et Aristogiton, parce que vous avez tué «<le tyran et fait Athènes libre sous les lois. »>

- La poésie grecque, et surtout celle qui parlait de myrte, n'avait pas toujours cette humeur farouche et ces souvenirs implacables.

Anacréon et même Simonide prenaient fort en patience le pouvoir des petits despotes de Sicile et le luxe de leurs cours. On sait la célébrité d'Anacréon; il n'est pas de nom grec plus connu.

L'immortalité littéraire tient à l'art bien plus

(1) Poet. lyric. græc., ed. Bergk., p. 871.

qu'aux sujets dont il s'occupe. C'est la magie du poète de transformer ce qu'il touche; c'est l'honneur de la pensée d'être plus précieuse que tout ce qu'elle décrit.

Horace nous l'a dit, non sans retour sur lui-même, on peut le croire:

Nec, si quid olim lusit Anacreon,
Delevit ætas.

La prédiction était juste, bien que, pour une grande part, démentie par l'événement. Il est resté quelques traits de flamme confiés à la lyre de la jeune Éolienne. Maintenant ils sont impérissables; et, si nous n'avons pas l'Anacréon que lisait Horace, le nom du moins et quelque chose du poëte vivront toujours.

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A la vue du petit recueil anacréontique, publié pour la première fois et traduit en vers latins par Henri Estienne, l'érudition d'abord avait eu quelques doutes. Était-ce là ce chantre célèbre des Muses et des Grâces chez le peuple le plus ingénieux de la terre, cet Athénien de l'île de Téos, attiré avec de si grands honneurs à la cour du tyran de Samos et de Pisistrate, usurpateur d'Athènes? Ce style gracieux, mais inégal, ces mètres faciles et simples, nous rendent-ils la poésie hardie et savante de celui que les anciens avaient rangé parmi leurs grands lyriques? Cicéron, il est vrai, nous dit que «< la poésie d'Anacréon roulait toute sur l'amour.» Mais un docte et ingénieux Hellène, l'em

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