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dans des tonneaux auxquels on ne laiffe qu'une petite ouverture, pour donner iffue à une partie de l'air qui continue encore à fe dégager quoiqu'en moindre quantité. Néanmoins il n'eft pas néceffaire de laiffer échapper cet air. Car fi on a des vaiffeaux affez forts, des tonneaux affez bien conditionnés, on peut les fermer abfolumment. Le vin fait pour lors de grands efforts & demeure toujours mouffeux : c'est-àdire, que l'air cherchant fans ceffe à fe dégager, le fait avec force dès qu'il ne trouve plus d'obstacles, & qu'on débouche les vaiffeaux où il est contenu. C'est ce que font les vins mouffeux, la bierre la bierre, &c. &c. Lorfqu'on laiffe échapper une affez grande quantité d'air, la fermentation fe calme, le vin n'eft plus mouffeux. Je dis que la fermentation fe calme; car elle ne ceffe pas, & même on peut dire que tant que le vin eft vin, il fermente, quoiqu'on lui ôte tout accès avec l'air extérieur, en le renfermant dans des bouteilles ou autres vaiffeaux bien fermés. Mais dans cet état l'air qui fe dégage fe recombine auffi-tôt & forme de nouveaux produits.

La nature, dans la fermentation vineuse, recompofe donc à mesure qu'elle décompofe. Une partie des airs qu'elle dégage, ainfi que la matière de la chaleur, font auffi-tôt combinés

pour former les différentes fubstances qui fe retrouvent dans les liqueurs fpiritueuses.

Car cette liqueur eft abfolument différente du corps muqueux qu'on a employé. Celui-ci étoit doux, fucré: celui-là est spiritueux, & a une faveur vive, &c. Nous allons particulièrement examiner le vin.

On diftingue trois parties principales dans le vin la première eft la partie fpiritueuse; la feconde la partie tartareufe, & la troisième une partie extractive & colorante.

Cette partie extractive & colorante, qui contient dans certains vins le principe qui donne le goût de terroir, réfidoit en partie dans le raifin. Il est bien fingulier que cette partie extractive qui paroît néceffaire pour commencer la fermentation fe décompofe fi pen. Elle l'a cependant été en partie, car elle n'est pas la même qu'elle étoit dans le raifin.

Le tartre exiftoit aufli en partie dans le raifin, & nous avons vu que celui du raisin étoit une partie effentielle à la fermentation. Il paroît donc que tout celui qui fe précipite du vin étoit dans le raifin, & n'a pas été produit. C'eft fans doute une partie furabondante que la nature n'a pas employée, & effectivement il y a beaucoup de liqueurs fpiritueufes, telles que les poirées, les cidres, la bierre, qui ne

laiffent point précipiter de tartre. Cependant il feroit poffible qu'une partie de ce tartre vînt de la décompofition du corps fucré dont l'acide n'eft que celui du tartre modifié, ainfi que nous, le verrons.

Le produit effentiel de cette fermentation fera donc la partie fpiritueufe, l'efprit-de-vin On ne peut douter que celui-ci ne foit l'ouvrage de la fermeration. Il paroît à peu près, le même dans toutes les liqueurs fermentées dont on retire toujours une partie spiritueuse qui a effentiellement les mêmes qualités, quoiqu'elle présente quelques légères modifications Zans chaque liqueur.

La nature de l'efprit-de-vin eft très-peu connue. Il eft foluble dans l'eau, dans l'huile, dans les acides, dans les alkalis, &c. il brûle fans laiffer de réfidu, & on ne peut le décom pofer à la diftillation. Mais on y parvient en le mêlant avec les acides.

Dans la formation de l'éther vitriolique, on en retire une huile appelée huile douce du vin, & il refte au fond du vafe un charbon. Or le charbon paroît un compofé du débri des huiles & des acides végétaux. Le réfidu du mêlange de l'efprit-de-vin & de l'acide nitreux donne du vinaigre. On ne fauroit donc douter que l'efprit-de-vin ne contienne une huile & un acide végétal

Il me paroît que l'efprit-de-vin n'est autre chofe qu'un acide faturé par un principe inflammable. Ce fera l'acide du corps fucré ou muqueux qui fe fera ainfi atténué & volatilifé. Mais le principe inflammable y eft en beaucoup plus grande quantité. C'est ce qui rend cette liqueur fi combuftible. Nous avons vu que dans la formation de l'éther vitriolique on retire une huile. L'éther n'eft plus guère mifcible avec P'eau. Ainfi l'efprit-de-vin eft donc rapproché des huiles dans cette opération.

D'un autre côté les huiles ineffentielles, par exemple, dans la diftillation fe rapprochent des huiles effentielles ; & celles-ci font très-voifines de l'efprit-de-vin. Elles font âcres, cauftiques comme lui, brûlent de même. Il n'y a que la folubilité dans l'eau qu'elles ne possèdent pas à un fi haut degré. Encore l'effence ou partie aromatique est-elle foluble dans l'eau,& entraîne quelquefois avec elle une portion d'huile effentielle, qui, il eft vrai, vient enfuite furnager par le repos. Enfin, elles contiennent un acide qu'on ne fauroit y nier.

Je regarde donc l'efprit-de-vin comme une combinaison particulière d'un acide, qui paroît être celui du tartre, avec un principe inflammable quelconque. En traitant l'efprit-de-vin avec l'acide nitreux, ce principe inflammable

eft en partie décompofé & paffe fous forme d'air nitreux, d'air acide, d'air impur & quelquefois d'air inflammable; tandis que l'acide eft changé foit en acide faccharin, soit en vinaigre.

Il refte maintenant à favoir fi ce principe inflammable qui, combiné avec l'acide tartareux, forme l'efprit-de-vin, eft une huile femblable à l'huile du vin ou à toute autre; ou fi c'est l'air inflammable lui-même du corps fucré que nous avons vu fe dégager, qui fe feroit auffi-tôt recombiné avee le tartre. La matière de la chaleur & peut-être une portion d'air pur entreroient auffi dans cette combinaifon. Il me femble plus probable que c'eft l'air inflammable lui-même, qui, combiné avec le tartre, forme l'efprit-de-vin. Nous avons vu que les huiles ne font qu'un acide faturé d'air înflammable. L'efprit-de-vin a toutes les qualités des huiles. Il doit donc être compofé comme elles. Il n'en diffère peut-être, qu'en ce qu'il paroît qu'il ne contient pas le même acide. Le fien eft celui du tartre, & ceux des huiles ineffentielles en paroiffent différens, & rapprochent de l'acide fébacé, de celui du beurre de cacao, &c.

M. Lavoifier a recours à la décompofition de l'eau pour expliquer les phénomènes de la fermentation fpiritueufe. Il a pris du fucre

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